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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


droit ou d’une obligation. A propos de la quatrième question, tous professèrent que le Christ est donné tout entier sous une seule espèce comme sous les deux ; mais, au point de vue de la grâce reçue, nous retrouvons les divergences d’opinions qui s'étaient manifestées dans les discussions précédentes. Enfin, sur la cinquième, tous furent d’avis qu’aucun précepte divin n’ordonne la communion aux enfants avant l'âge de discrétion. Pour les diverses manières dont les théologiens interprétèrent dans cette discussion le c. VI de saint Jean, voir F. Cavallera, L’interprélation du chapitre vi de saint Jean ; une controverse exégélique au concile de Trente, dans la Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, 15 octobre 1909, p. 688-698. Le 23 juin, on proposa aux Pères d’examiner à leur tour les mêmes questions ; toutefois il parut bon de réserver à plus tard l’article qui concernait la coucession du calice pour ne s’occuper présentement que de la doctrine elle-même. On leur distribua donc, le 24, un projet de quatre canons ainsi conçus : « 1. Si quelqu’un dit que, de précepte divin nécessaire au salut, tous les chrétiens et chacun d’eux sont tenus de recevoir sous les deux espèces le très saint sacrement de l’eucharistie, qu’il soit anathème. 2. Si quelqu’un dit que la sainte Église catholique a eu tort ou n’a pas eu de très bonnes raisons de communier sous la seule espèce du pain les laïcs et les prêtres qui ne célèbrent pas, qu’il soit anathème. 3. Si quelqu’un dit qu’on ne reçoit pas autant sous ime seule espèce du très saint sacrement de l’eucharistie, que sous les deux, parce qu’on n’y reçoit pas tout entière l’institution du Christ, qu’il soit anathème. 4. Si quelqu’un dit qu’il est nécessaire et de droit divin de donner le très auguste sacrement de l’eucharistie aux enfants, avant qu’ils ne soient parvenus aux années de discrétion, qu’il soit anathème. » Theiner, t. ii, p. 39.

La discussion s’ouvrit le 30 juin et occupa six congrégations générales jusqu’au 3 juillet. Diverses corrections de détail furent proposées et acceptées ; seul le 3° canon souleva de sérieuses objections. Les uns auraient voulu qu’on y affirmât l'égalité de la grâce ou, au moins, qu’on rassurât les laïcs en déclarant qu’ils ne sont frustrés d’aucun des fruits du sacrement ; ainsi le cardinal Madrucci. Ibid., p. 40. D’autres, au contraire, pensaient qu’il valait mieux ne pas parler de grâce, pour ne pas décider d’une controverse théologique, ainsi Pavesi, évêque de Sorrente, et Nacchianti, évêque de Chioggia ; quelques-uns, parmi lesquels Cornero, archevêque de Spalatro, et Barthélémy des Martyrs, archevêque de Braga, ibid., p. 41, désiraient même une rédaction plus précise pour qu’il n’y eût point d'équivoque possible. Guerrero, archevêque de Grenade, voulait la suppression pure et simple du canon ; car, disait-il, il est faux, si l’on veut parler des espèces ; s’il s’agit de Jésus-Christ aussi présent sous une espèce que sous les deux, c’est revenir sur une chose déjà définie ; si l’on parle du fruit et de la grâce reçue, on ne peut rien définir, puisque de très graves docteurs sont d’opinion différente. Cet avis radical ne plut pas à la majorité ; on se contenta de rédiger le canon sous cette forme : « Si quelqu’un nie que le Christ tout entier, source et auteur de toutes les grâces, soit reçu sous la seule espèce du pain, parce qu’on ne se conforme pas à l’institution du Christ lui-même qui voudrait qu’on le reçût sous les deux espèces, qu il soit anathème. » Cf. Merkle, op. cit., t. II, ]). 644.

Les quatre canons retouchés furent de nouveau remis aux Pères le 4 juillet ; on les avait fait précéder, comme l’avaient demandé le cardinal Madrucci, l’archevêque de Grenade et d’autres, de trois chapitres où la doctrine était exposée ; on proposait en même temps deux autres rédactions du 3'^ canon.

Theiner, t.ii, p. 45-47 ; Merkle, op. cit., t. ii, p. 614645,

Les discussions reprirent les 8 et 9 juillet et portèrent surtout, comme auparavant, sur le 3 « canon. L’archevêque de Grenade fut irréductible et plusieurs le suivirent dans ses protestations : ce canon ne lui plaisait sous aucune de ses trois formes. Il renouvela ses observations le 14 juillet quand, après de nouvelles retouches, on présenta de nouveau les canons et les chapitres à l’examen des Pères ; il se plaignit que la commission chargée de rédiger les chapitres n’ait pas été élue par le concile ; il demanda que l’on évitât, dans l’exposé de la doctrine, tout ce qui semblerait une préférence pour l’interprétation eucharistique du c. VI de saint Jean. Sur ce dernier point, l’archevêque obtint satisfaction. Le cardinal Séripandi lui répondit que l’intention du concile n'était point de décider quelle interprétation il fallait donner à ce chapitre, mais seulement de condamner les conclusions que les hérétiques prétendaient en tirer en faveur de la communion sous les deux espèces Aussi, à la fin de la congrégation générale qui eut lieu le soir du 14, on ajouta au c.i « ' un membre de phrase qui sauvegardait la pleine liberté d’interprétation. Le texte portait : « On ne peut non plus conclure <lu discours contenu au c. vi de saint Jean que le Seigneur ait prescrit la communion sous les deux espèces ; » on fit l’addition suivante : « de quelque manière qu’on le comprenne, selon les diverses interprétations des saints Pères et docteurs. » Theiner, t. ii, p. 55. Voir dans Cavallera, art. cit., p. 698-709, les opinions des Pères du concile sur ce point, l’intervention tardive de Salmeron et de Torrez et les rédactions successives du c. i « '.

Enfin, tout le monde s'étant à peu près mis d’accord, la session solennelle put avoir lieu au jour fixé, le 16 juillet. Après la messe chantée par l’archevêque de Spalatro, l'évêque de Tinia, Dudizio Sbardellato, prononça un discours sur la communion. Puis le célébrant lut les chapitres et les canons ; à l’exception de six évêques qui n’adhérèrent qu’avec une restriction, tous les membres présents les approuvèrent, à savoir les cinq présidents et légats, le cardinal Madrucci, trois patriarches, dix-neuf archevêques, cent quarante-huit évêques, quatre abbés et six généraux d’ordres. Theiner, t. ii, p. 56-57.

II. Doctrine du concile.

Les canons et chapitres qui ont rapport à la communion et à ses effets, soit dans la session XIII « , c. ii, vii, viii, et can. 5, 8-11, soit dans la session XX 1'=, ont été étudiés aux art. Communion eucharistique, t. iii, col. 481 sq., et Communion sous LES DEUX ESPÈCES, t. III, col. 552 sq. Nous n’avons donc à exposer que la doctrine relative à la présence réelle.

Le dogme de la présence réelle.

1. Erreurs

condamnées. — Parmi les novateurs contre lesquels le concile devait établir la foi de l'Église, régnait la plus grande diversité d’opinions sur le fait de la présence réelle.

a) Luther. — Luther n’a jamais osé nier la présence réelle ; aussi n’est-il pas cité parmi les hérétiques que visaient les art. 1 de 1547 et de 1551 : Hic error est Zwinglii, Œcolampadii et sacramentariorum. Theiner, t. i, p. 406, 488 ; Ehses, t. v, p. 869. Il a déclaré hautement queZwingleet Œcolampade étaient hérétiques. Ehses, t. v, p. 940. S’il faut en croire un passage d’une lettre adressée par lui aux fidèles de Strasbourg et citée par Bossuet, Histoire des variations, 1. II, 1, il eût été heureux de pouvoir ajouter cette négation à tant d’autres, afin d’accentuer davantage encore son opposition à la papauté ; mais il ne pouvait échapper à la force des paroles si simples de l’institution. Il ne faut, sans