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ÉVÊQUES. ORIGINE DE L'ÉPISCOPAT


consacrer l’eucharistie, comme le dit expressément le même saint Ignace, Ad Smijrn., viii, 1, déclarant « légitime l’eucharistie célébrée par l'évêque ou par celui à qui l'évêque donne cette permission. » Il était entendu que les évêques étrangers, concile d’Elvire de 314, can. 19, et même les chorévêques, synode de Néocésarée de 315, can. 13, avaient le droit d’ofïrir le sacrifice eucharistique. L’admission à la pénitence publique et la réintégration dans l'Église, étant des actes de iuridiction, relevaient aussi naturellement de l'évêque seul. Toutefois, en l’absence de l'évêque et sur son autorisation expresse ou tacite, les prêtres et quelquefois à leur défaut les diacres levaient les censures encourues par les apostats. Voir de Smedt, L’organisation des Églises chrétiennes au iW siècle, p. 11. Enfin, dans les églises épiscopales, la prédication était en droit réservée à l'évêque ; mais l’histoire nous olTre de nombreux exemples de prêtres autorisés à prêcher devant leur évêque et à sa place. Ce privilège fut accordé entre autres à saint Cyrille de Jérusalem par Maxime, à saint Jean Chrysostome par Fabien, à saint Augustin par Valère. La chose, commune et presque usuelle en Orient où l’on vit même des laïques, tels qu’Origène, invités à prendre la parole devant des évêques, était beaucoup plus rare en Occident, s’il faut en juger par l'étonnement causé par le cas d’Augustin, Possidius, Vita Aiigustini, v, quoique saint Jérôme trouvât abusive l’interdiction qui pesait sur les prêtres : Pessimæ consiietudinis est in quibusdnm ecclesiis tacere presbytères et præsentibus episcopis non loqui, quasi aul invideani aut non dignentur audire. Epist., ad Nepolianum, P. L., t. xxii, col. 534.

En résumé, dans les villes épiscopales, l’exercice des fonctions sacrées, pour les prêtres et les diacres, était subordonné à la volonté de l'évêque : ils ne les exerçaient que conjointement avec l'évêque ou, en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier, avec son autorisation. Dans les villes non épiscopales, les prêtres et les diacres, ayant une délégation expresse ou tacite de leur évêque, pouvaient naturellement remplir les fonctions de leur ordre, mais toujours sous la dépendance du pasteur suprême : Inde pcr temporuni et suecessionum vices episeoporum ordinatio et Ecclesiie ratio decurrit, ut Ecclesia super episcopos constitucdnr et omnis aclus Ecclesix per eosdem præpositos gubernetur. S. Cyprien, Epist., xxxiii, P. L., t. iii, col. 298. Telle est la formule de l'épiscopat monarcliique pleinement confirmée par l’histoire des trois premiers siècles.

5° Diffusion graduelle de l'épiscopat. — Si l’institution de l'épiscopat remonte aux apôtres, la détermination des sièges épiscopaux est subordonnée à des causes diverses. Théodore de Mopsueste nous expose à ce sujet une tliéorie curieuse dont il nous faut examiner ici le bien ou le mal fondé. Comment. in Epist. Pcmli, ancienne traduction latine publiée par Swetc, Cambridge, 1882, t. ii, p. 118-125, et texte grec de ce passage conservé dans les Chaînes. A propos de I Tim., iii, 8, Théodore remarque, d’accord en cela avec beaucoup d’autres interprètes, qu’autrefois les prêtres s’appelaient indifféremment npioêÛTspot ou inio-A’jTz’ii : le premier nom étant une appellation honorifique empruntée à la terminologie juive ; le second répondant à leur qualité d’inspecteurs ou d’administrateurs. Il ajoute, ibid., p. 121 :

Ci Sï| TO-J -/EipoToveïv Ceux qui jouissaient du

àVj-jiTÎav k'/ovTc ;, ol vOv pouvoir de conférer les ordres

ovofjiaïôfjiEvo'. ÈTrc’a/.OTtoi, où et que nous nommons main lviâç É/.y.>, T|(7Îa ; yvjo).vioi. tenant évêques, n'étant pas

àXX' sTiap/ia ; ôXv) ; èçettc)- préposés à une saille Église,

te ;, t ?, tûv àTtoatôX’ov mais ; toute une province,

àxaXoûvTo TïpCKj/iYopi’x. s’appelaient alors apôtres.

C’est ainsi que Timotliée gouvernait toute la province d’Asie et Tite la Crète entière, tandis que les églises particulières étaient confiées à de simples prêtres. Cependant les successeurs des apôtres, conscients de leur infériorité multiple, n’osèrent plus s’arroger le titre d’apôtres ; mais, laissant à leurs subordonnés le nom de prêtres, ils se réservèrent à eux-mêmes, qui possédaient la plénitude de l’ordre et de l’autorité, le nom d'évêques. Théodore continue, ibid., p. 124-125 :

'EfévovTO 6a 7t).£Îcij ; 5tà (j.àv TTiv ypei’av tô Tcpûiov, Jd-TSpov 8à y.a. inh cptXoti[j.ta ; Ttiiv TiotOJVTtoV év àp/-?) [Jiàv 8Ù0 /.ar ' ÈTrap^iav Yivo[xÉv(ov r, Totàiv xb TrXsîa TOV (rOÙTO Ô£ Srti T/]Ç SuiTSCûÇ

où Ttpô TToXXo’j [j.èv Èv uXeiaxat ; -î)v, àv bjia'.ç ôè xa’i a/pt Tfi ? 15sOpo irEpuXay[xÉvov Eupoi Tc ; av)' to-j 8à /pôvou 7Tpoox6/ovTo ; o-j xaxà TtôXiv Ytvo[J.îvcov (j.ôvov àXXà xat xatà tôtiov èv m aifjSs y_pt'-ct r|V.

Les évêques se multiplièrent, d’abord par nécessité, ensuite par l'émulation de ceux qui s’en mêlaient. A l’origine, ils étaient deux ou trois au plus par province : il en était ainsi naguère dans la plupart des Églises d’Occident et l’on trouverait encore cet usage dans quelquesunes. Dans la suite, il y en eut non seulement dans les villes, mais aussi dans les localités qui n’en avaient nul besoin.

Nous ne dirons rien de la première thèse, relative au changement des noms : elle s’appuie sur la synonymie originaire des mots upeiroJTepot et ÈTii’a/.OTtoi et sur ce fait reconnu que, dans ces temps reculés, le titre d’apôtre se prenait quelquefois au sens large et n'était pas exclusivement réservé aux Douze. Mais les autres déductions de Théodore — à savoir que les 7rpE(78jT£poi-âTr ; < ; zo7rot ne désignaient que des prêtres, que les évêques se faisaient d’abord appeler apôtres, qu’ils renoncèrent plus tard à ce titre ambitieux — sont arbitraires et artificielles et il n’est pas probable que l’auteur eût seul là-dessus des données positives. La seconde thèse, au contraire, mérite notre attention : les sièges épiscopaux auraient d’abord été très rares — deux ou trois au plus par province — puis, sous l’empire de causes diverses, ils se seraient multipliés à l’excès ; mais l’Occident conserverait encore à la fin du, 'ive siècle des vestiges de l’organisation primitive. — 1. Rareté originaire des sièges épiscopaux. — Des faits assez nombreux miUtent en faveur de cette partie de la thèse : a) Il est très probable que les Églises judéochrétiennes n’eurent toutes ensemble qu’un seul évêque. Eusébe le dit assez clairement : « L'Église entière des Hébreux convertis leur était confiée [aux évêques de Jérusalem], depuis le temps des apôtres jusqu’au jour où les Juifs s'étant de nouveau révoltés furent assiégés une fois encore et subirent de grandes défaites, » H. E., 1. IV, V, 2 (nous pensons que TjvErjTàvat aJToïi ; ne peut signifier que « leur fut recommandée, confiée » ). Cela nous reporte à la date de 135 ; ou peut-être — suivant la donnée fournie par saint Épiphane — à l’année 148, époque à laquelle les communautés judéo-chrétiennes se fondirent dans celles de langue grecque ou se séparèrent définitivement de la grande Église. On s’expliquerait ainsi pourquoi il n’y est jamais question de l’existence simultanée de plusieurs évêques et pourquoi la Doctrine des apôtres, destinée à des milieux judéo-chrétiens, engage les membres des Églises particulières à se choisir des iniG-Aonoi et des diacres, xv, 1, entendant par ÈTitaxoTTci : des dignitaires du second degré ou prêtres, selon une acception alors encore très usitée. — b) Peutêtre l'Église d’Alexandrie fut-elle dans le même cas. Eutychius, patriarche d’Egypte au x<e siècle, assure que « jusqu'à Démétrius (190-2 ! 2), onzième patriarche d’Alexandrie, il n’y eut pas d’autre évêque dans les