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ÉVÈQUES. ORIGINE DE L'ÉPISCOPAT


saint Jcicnie ccnibat les pittentions ridicules de quelques diacres romains qui voulaient s'égaler aux prêtres. Entre autres arguments qu’ils faisaient valoir était celui-ci : « A Rome, l'évêque est choisi sur le témoignage des diacres. » Pourquoi m’objecter, répond saint Jérôme, une coutume locale ? D’ailleurs, le fait ne prouve rien, car on peut lui opposer l’usage d’Alexandrie où les prêtres non seulement désignent le futur évêque aux électeurs, mais l'élisent euxmêmes et, qui plus est, le tirent de leur propre collège. Il est évident qu’il ne s’agit ici que de l'élection ou désignation de l'évêque ; et si saint Jérôme ne parle pas de consécration, c’est qu’il n’avait point à en parler. Quant à la coutume à laquelle il fait allusion, elle est confirmée par saint Épiphane, Hær., Lxviii, 1 ; Lxix, 12, d’après lequel, à la mort de l'évêque d’Alexandrie, son successeur était élu immédiatement, cefqui suppose la présence en ville ou dans le voisinage des électeurs. S’il faut en croire Libérât, Breviar., 20, P. L., t. lxviii, col. 1036, c’est le nouvel élu qui présidait lui-même aux funérailles de son défunt prédécesseur. Cependant le patriarche Eutychius afiîrme que les douze prêtres d’Alexandrie non seulement élisaient, mais consacraient l'élu. Voici ses paroles tirées de ses Annales dont le texte arabe subsiste seul (voir la version latine du passage dans P. G., t. cxi, col. 982) : « L'évangéliste Marc établit douze prêtres qui demeureraient avec le patriarche Hananias et qui, en cas de vacance du siège, éliraient l’un d’entre eux et, les onze autres lui imposant les mains, le consacreraient patriarche. Ensuite ils choisiraient quelqu’un pour remplacer l'élu, afin de conserver toujours le ncmbre de douze prêtres. » Il ajoute que cette coutume se maintint jusqu’au temps du patriarche Alexandre qui fut présent au concile de Nicée. Alexandre décida que le patriarche serait désormais sacré par les évêques de la province et pris soit parmi les douze prêtres soit parmi d’autres personnages méritants. Eutychius est un garant des plus médiocres et l'époque tardive où il vivait (933940) diminue encore la valeur de son témoignage. Si le fait est exact — et le contraire ne peut pas être prouvé absolument — il constituerait une des nombreuses singularités de l'Éghse d’Egypte. Cf. L. Sanders. Études sur saint Jérôme, p. 330-335 ; dom Cabrol, art. Alexandrie. Élection du patriarche, dans le Dictionnaire d’archéologie, t. i, col. 1204-1210.

3° L'épiscoped unitaire. — Au iv<e siècle, tout le monde l’accorde, il n’y a pas trace d'épiscopat multiple simultané et l’on ne soupçonne même pas l’existence d’un état antérieur où plusieurs évêques auraient gouverné ensemble une même Église. Les commentateurs de cette époque savent que les mots Trpeo-gijTspoi et ÈTtiV/f-Tioi pouvaient à l’origine désigner soit les évêques soit les prêtres, mais quand ils expliquent la suscription de l'Épître aux Philippiens (i, 1 : oliv ÈTrio-xoTroiç na Siaxôvoiç), ils déclarent sans hésiter que le pluriel ÈTitCTxouoi doit se prendre ici au sens de « prêtres » , parce qu’il est inouï qu’il y ait jamais eu plus d’un évêque dans une seule et même^ Église. Ainsi saint Jean Chrysostome : « Y avait-il donc plusieurs évêques dans la même ville ? Certainement non. Mais Paul appelle ainsi les prêtres. » P. G., t. lxii, col. 183. Saint Jérôme : Philippi urbs est Maccdoniæ et certe in una civitate plures episcopi esse non poterant. Sed quia eosdem episcopos illo tempore quos et preshijleros appellabant, propterea indifferenter de episcopis quasi de presbyteris est locutus. Comment, in Tit., i, 5, P. L., t. xxvi, col. 563. Inutile de transcrire les textes de l’Ambrosiaster, de Pelage, de Théodore de Mopsueste et des commentateurs plus récents. La doctrine de l’unité de l'épiscopat n'était pas moins fortement ancrée

dans les esprits dès le miheu du iiie siècle. Saint Cyprien conclut que Novatien est nécessairement intrus du fait que Corneille était déjà évêque légitime de Rome : Cum post primum secundus esse non passif, quisquis post unum qui solus esse debecd factus est non jam secundus ille sed nullus est. Epist. ad Antonian., 8, P. L., t. iii, col. 773. Quand il reproche à quelques confesseurs romains d’avoir, en favorisant l’intrus, violé « l’ordre de l'Église, la loi de l'Évangile, la règle de foi catholique, » Epist., xLvi, ad confessores roman., P. L., t. iv, col. 340, les confesseurs répliquent qu’ils se sont trompés sur une question de personnes, mais qu’ils n’ont jamais mis en doute la question de principe : Sineera tamen mens nostra semper in Ecclesia fuit nec ignorcmms unum Deum esse, et unum Christum esse Dominum quem confessi sumus, unum Spiritum Sanctum, unum episcopum in Ecclesia esse debere. Epist., vi, Cornelii ad Cyprian., 2, P. L., t. iii, col. 722. Le principe était si incontestable que le pape Corneille s’en sert auprès de Fabien d’Antioche comme d’un argument décisif pour prouver l’intrusion de Novatien : « Ce vengeur de l'Évangile ne savait donc pas que, dans l'Église cathohque, il ne doit y avoir qu’un seul évêque. » Eusébe, H. E., 1. VI, xliii, 11. Novatien n’ignorait pas cela, mais, refusant de reconnaître l'évêque légitime, il regardait le siège de Rome comme vacant. On a prétendu qu’Origène s'éloignait sur ce point de l’opinion commune, mais il suffit de lire le texte allégué pour voir qu’il n’en est rien : Per singulas Ecclesias bini sunt episcopi, alius visibilis, cdius invisibilis… Ego puto inveniri simul passe et angelum et homincni binos Ecclesiee episcopos. In Luc., homil. XIII, P. G., t. XIII, col. 1832. L’ange protecteur des Églises peut être appelé STriT/.OTro ; au sens étymologique de « surveillant » et d' « inspecteur » ; à ce point de vue, à côté de l'évêque visible, il y a un évêque invisible ; mais, pour Origène comme pour tout le monde, il n’y a qu’un seul évêque proprement dit. Même enseignement au iie siècle. Saint Irénée, n’ayant pas remarqué la synonymie primitive des mots èTziay.oTzoç et TtpeTÔÛTcpoç, suppose, contre le sens naturel du contexte, que les anciens d'Éphèse convoqués à Milet par saint Paul et appelés par lui è7tt(7/.o7tot, Act., XX, 17, 28, comprenaient les prêtres et les évêques d'Éphèse et des villes voisines, Cont. hær., 1. III, XIV, 2 : tant il est loin de soupçonner qu’une seule ville, par exemple, Éphèse, pût avoir plus d’un évêque. Le texte suivant, de saint Ignace, exprime avec une énergie singulière la pensée catholique. Ad Philad., iv :

Sno-jêâCTaie ouv [xtâ sjvyezsoinden’avoirqu’une

/aptCTTta yç-rry^a.v i.ià -^ocp seule eucharistie : une seule aàpi ToiKvplov 'riiJ.ù>vI.X. chair de N.-S. J.-C. et un Aa ev TtoTTipiov eîç êvwiriv seul calice de son sang pour roO aî'ixaTOi ; aùtoû, ëv 6u- [nous] unifier, un seul autel, [xtaciTipiov, (ôj ; gfç ÈircVxocomme il n’y a qu’un seul Koz (x[j, a T(5 Tcpe^rguTêpto) évêque avec le presbytérat xai 61a/.ôvoi ;. et les diacres.

L'épiscopat unitaire paraît au saint martyr si indiscutable qu’il s’en sert comme terme de comparaison pour recommander l’unité d’autel et de célébration du sacrifice eucharistique. On trouvera un commentaire de ce texte dans une autre lettre d' Ignace, Ad Smyrn., x.

La coexistence de deux évêques sur le même siège est, en effet, chose inouïe. Le cas d’un second candidat, dans les élections douteuses ou prétendues telles, n’est pas une exception ; car le doute ne confère pas un droit à plusieurs prétendants, mais empêche seulement de reconnaître le véritable élu. On n’objecterait pas avec plus de raison le cas de l'évêque