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ÉVÊQUES. ORIGINE DE L'ÉPISCOPAT


évêque placé à la têle d’une Église peu distante d'Éphèse et auquel saint Jean avait confié un jeune homme de grande espérance. — d. Mais le témoignage le plus important est encore celui de saint Irénée, Conl. hier., . III, iii, 4 : « Polycarpe, qui non seulement fut disciple des apôtres, mais vécut dans l’intimité de ceux qui avaient vu le Christ et qui fut établi parles apôtres évêque de l'Église de Smyrnc, en Asie, …enseigna toujours ce qu’il avait appris des apôtres, » etc.

6. Les Églises de Paul.

Du vivant de l’apôtre, il n’y eut point d'évêques dans les communautés chrétiennes relevant de lui ; il n’y eut que des visiteurs ou délégués temporaires, pareils aux périodcules des temps postérieurs, ornés si l’on veut du caractère épiscopal, mais révocables à discrétion et ne jouissant ni d’une autorité autonome ni d’une situation fixe. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, t. i, p. 478-485. Il est possible que ces Églises, au point de vue de l’organisation épiscopale, aient été en retard sur j les autres. Je ne parle pas des Églises d’Asie Mineure qui, après sa mort, passèrent sous l’influence de saint Jean et où nous avons vu l'épiscopat sédentaire établi dès la fin du 1°='e siècle ; il n’est ici question que des Églises de Crète, de Macédoine et de Grèce. — a) Églises de Crête. — Vers 170, Denys de Corinthe, écrivant à l'Église de Gortyne et aux autres chrétientés (Trapoc/c’aç) de Crète, fait l'éloge de leur évêque Philippe, Eusèbe, H. E., 1. IV, xxiii, 5, auteur d’un savant traité contre Marcion. Ibid., 1. IV, 25. Philippe de Gortyne n'était pas le seul évêque de l’ile, comme les paroles d’Eusèbe le donneraient à penser ; car Denys de Corinthe écrivait aussi à Pinytus de Cnosse, ibid., 1. IV, xxiii, 7, l’un des personnages les plus célèbres de son temps. Ibid., 1. IV, 21. Il y avait donc en Crète, après le milieu du ue siècle, au moins deux évêques et très probablement davantage s’il faut entendre le mot Trapor/fai, Eusèbe, //./?., 1. IV, xxiii, 5, au sens usuel d'église épiscopale. Rien n’indique d’ailleurs que l’organisation épiscopale fût récente dans l’ile. — b) Églises de Macédoine. — Dans sa lettre aux Phillppiens, saint Polj’carpe ne fait aucune mention de l'évéque. Fautil en conclure que Philippes n’en avait point encore ? L’adresse « à l'Église de Philippes » ne prouverait rien : c'était le style ordinaire des. correspondances d'église à église. Mais le fait que les Philippiens recourent à un évêque étranger pour leurs difficultés intérieures donne à réfléchir. Ad Phil., iii, xi. Polycarpe recommande d’obéir aux prêtres et aux diacres, v, 3 ; il trace aux prêtres leur devoir, vi, 1. De tout cela il semble ressortir ou que le siège de Philippes se trouvait momentanément vacant ou que, à la date de 107115, l’organisation épiscopale n’y était pas inaugurée encore. Nous ne tenons pas compte de la lettre aux Philippiens du pseudoIgnace, œuvre apocryphe du ive siècle, dans Funk, Patres aposlolici, 2'= édit., t. II, p. 122. Une tradition déjà ancienne au temps d’Origène faisait d’un compagnon de Paul, Caius, le premier évêque de Thessalonique. Comment, in Epist. ad Rom., xvi, 23. Cela prouve tout au moins la haute antiquité de l'épiscopat dans cette Église paulinienne. — c) Il n’y a point à faire fond sur l’auteur du Prædesiinatiis, i, 23, au dire duquel Apollonius, évêque de Corinthe, aurait réfuté Cerdon et l’aurait fait condamner par un synode oriental. Mais, vers le milieu du n'e siècle, au temps où Hégésippe visita Corinthe, Primus en était évêque et la manière dont Hégésippe en parle, dans Eusèbe, //. E., 1. IV, xxii, 2, montre bien qu’il y avait eu avant lui d’autres évêques. D’autre part, Denys de Corinthe, aux environs de 170, affirme que Denys l’Aréopagite, le converti de saint Paul, avait été le premier évêque i

d’Athènes, dans Eusèbe, H. E., 1. III, iv, 10. Il en résulte qu'à cette époque l’organisation épiscopale d’Athènes était censée remonter aux apôtres, et il est difficile de supposer que Corinthe ait été en retard sur Athènes. On doit donc admettre, ce semble, que les deux principales chrétientés fondées par saint Paul en Grèce eurent des évêques dès le i'^'e siècle. La lettre de Clément de Rome aux Corinthiens, dûment expfiquée, ne s’y oppose point.

VI. L'ÉPISCOPAT AU COURS DES TROIS PREMIERS

SIÈCLES. — 1° L'élection des évêques. — Dans le Nouveau Testament, en dehors des fonctions charismatiques dont l’Esprit-Saint est le seul dispensateur, nous voyons que les dignitaires de l'Église sont choisis par les apôtres ou par leurs délégués, non sans l’agrément, formel ou tacite, des fidèles. Au retour de leur mission commune, Paul et Barnabe « élirent des anciens dans chaque Église » fondée par eux. Act., xiv, 23. Paul laissa Tite en Crète « pour établir dans chaque ville des anciens. » Tit., i, 5. Il donnait à Timothée des instructions dans le même sens, I Tim., iii, 15, en lui recommandant de ne pas se hâter d’imposer les mains, I Tim., v, 22, aux candidats insufiisamment éprouvés. Dans tous ces cas, il s’agit d’ordinations [sacerdotales ; mais l’apôtre envoie aussi ses représentants dans les diverses Églises pour y remplir des fonctions épiscopales, sans consulter au préalable les intéressés. Il est bien vrai qu’il tient compte de leurs sentiments et de leurs désirs. Mais, s’il veut que les candidats jouissent d’une réputation sans tache et s’il a soin de prendre pour délégués des hommes qu’il sait être agréables aux Égfises, il ne s’en réserve pas moins le choix. Dans trois cas seulement apparaît l’initiative des fidèles et cela sur la concession expresse des apôtres : dans l'élection des sept diacres hellénistes, Act., vi, 3, dans la désignation des arbitres appelés à régler les difi'érends entre chrétiens, I Cor., vi, 4, et dans le choix de députés chargés de traiter une affaire et spécialement de porter des aumônes. I Cor., xvi, 3 ; Act., XI, 30. Il était tout naturel d’abandonner aux fidèles le fibre choix de leurs arbitres et l’on sait de quelles garanties s’entouraient les apôtres — saint Paul en particulier — quand ils avaient à s’occuper des questions d’argent ; mais, pour ce qui est de l'élection des dignitaires ecclésiastiques, il n’y a pas dans le Nouveau Testament d’autre exemple de l’intervention active du peuple que celui du mode d'élection des diacres hefiénistes ; et ici la condescendance des apôtres s’expUque par le souci de mettre fin aux plaintes des néophytes et d'écarter tout soupçon de partialité. — Les témoignages patristiques se trouvent d’accord avec les données du Nouveau Testament. D’après saint Clément de Rome, / Cor., xlii, 4, les apôtres « étabfissaient (xaSiuravo/), comme évêques et diacres, les prémices » de leur prédication. Ils n’agissaient point ainsi en vertu de leur autorité spéciale d’apôtres, car leurs successeurs firent de même, de sorte que tous les supérieurs ecclésiastiques avaient été « établis par les apôtres ou par d’autres hommes éprouvés avec le consentement de toute l'Église (iô/rf., xliv, 3 : xara^TraOévra ; Im' Èxstvwv T] u.srai^ù Cip' Érépwv £XXrjfc|j.(OV avôpwv uvjvsuôoy.ïiaiiTïjç tt, ; £/./.>ï)fria ; niaqi). L'Église n’intervient que pour accepter et agréer le choix qu’on lui propose. Les autres Pères s’expriment à peu près comme saint Clément. Saint Irénée dit que « Polycarpe fut établi (xaïa^Txôst ;) évêque de Smyrne par les apôtres. » Cont. hser., 1. III, iir, 4. Clément d’Alexandrie raconte comment saint Jean se transportait de vil’e en ville pour y fonder des chrétientés nouvelles et y « établir des évêques. » Quis dives salvctur, 42, P. G., t. ix, col. 648. La Doctrine des apôtres, xv, 1, est en désaccord