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EVE

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tournoyant signifierait la justice inllexible de Dieu. L’histoire de la chute n’est donc pas une spéculation morale allégorique, sans faits positifs ; c’est un récit historique avec une part de symbole, notamment dans le rôle du serpent. L’innocence et le péché, dans la Revue biblique, 1897, t. vi, p. 356-368. Cf. La méthode historique, 2° cdit., Paris, 1904, p. 185, 217-219. Cette explication a été adoptée par M. Vénard, Chronique biblique, dans la Revue du clergé français, 1907, t. Lvii, p. 159. M. J. Nikel pense aussi que peut-être l’écrivain inspiré a emprunté certaines données de la tradition populaire et les a revêtues d’une forme allégorique que ses contemporains comprenaient. Dus Aile Testament im Lichteder cdloricntalischenForschungen. I. Die biblische Urgeschichte, Munster, 1909, p. 38.

En affirmant, elle aussi, le sens littéral historique du c. III de la Genèse, la Commission biblique, dans sa décision déjà citée du 30 juin 1909, par la formule : divini prxcepti, diabolo sub scrpentis specie suasore, transgressio, semble avoir exclu l’interprétation purement symbolique du serpent et s’être ralliée à l’opinion commune des exégétes catholiques, suivant laquelle le démon aurait pris les apparences sensibles du serpent pour persuader à la première femme la transgression du précepte divin. La Commission biblique reconnaît toutefois ici encore que le sens littéral historique n’exclut pas l’emploi de locutions métaphoriques ou anthropomorphiqucs, ad 3°™, 5°"". Acta apostolicse sedis, t. i, p. 568. Cf. A. Lesêtre, Les récils de l’histoire sainte. La chute de l’homme, dans la Revue pratique d’apologétique, 1906, t. ii, p. 35-37.

Interprétation théologique du récit.

1. Épreuve.

— La première femme avait été soumise à la même épreuve que le premier homme ; elle connaissait la prohibition divine et sa sanction. Gen., iii, 2, 3 ; cf. II, 16, 17. Voir t. I, col. 375. — 2. Tentation. — D’après saint Thomas, Sum. theol., ! ’, q. xcviii, a. 2, ad 2’"", elle aurait eu lieu peu après la création de la première femme. Le tentateur a été le serpent, non pas un animal de l’espèce serpent, représentant le tentateur, mais l’antique serpent, c’est-à-dire le démon lui-même. Sap., II, 24 ; Joa., viii, 24 ; Apoc, xii, 9 ; xx, 2. Le diable ajustement porté’le nom d’antique serpent, parce qu’il avait pris les apparences sensibles de cette espèce animale. Voir t. iv, col. 322-323. Il se montre plus habile que la femme et sa supériorité intellectuelle décèle un esprit mauvais, ennemi de l’homme. Le serpent-animal n’a jamais parlé. Si le serpent de la Genèse parle, c’est qu’il n’est pas une simple bête des champs. Il s’adresse à la femme, qui est plus faible et qui n’a pas reçu directement de Dieu le commandement de s’abstenir, sous peine de mort, du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Saint Thomas déclare qu’avant le péché, le démon ayant sur l’homme moins de pouvoir n’a pu tenter Eve par suggestion intérieure ; il a dû recourir à la suggestion extérieure, Sum. theol.. IIa-IIæ*, q. cLxv, a. 2, ad 2°"’, et Suarez, De opcre sex dierum, 1. IV, c. i, n. 2, t. iii, p. 325, opposait cet enseignement de saint Thomas à Cajetan, qui ne voyait dans tout le dialogue du serpent avec la femme que suggestions intérieures. Il y aurait donc eu émission de paroles, et Eve ne s’en étonna pas, parce qu’elle avait compris que ce n’était pas un animal qui lui parlait. L’esprit tentateur interroge la femme sur le précepte d’Élohim, et il l’exagère en demandant s’il s’étendait à la manducation de tous les fruits du paradis. La fennne rétablit la vérité, en mentionnant, toutefois, que la défense portait aussi sur le simple toucher du fruit du seul arbre de la connaissance du bien et du mal. Le serpent nie la sanction que Dieu avait jointe à l’inobservation

du précepte, et il attribue la défense à une basse jalousie de Dieu, qui veut empêcher les hommes de lui resseinbler et de connaître, comme lui, le bien et le mal. Après avoir ébranlé la confiance en Dieu et la foi en ses menaces, il promet la ressemblance à Dieu par l’acquisition de la science. S. Thomas, Sum. theol., 11^ Iff, q. CLXV, a. 2. — 3. Le péché. — C’est en l’adhésion à cette fausse promesse, c’est dans le désir orgueilleux de ressembler à Dieu que saint Thomas fait consister le premier péché. Ibid., q. clxiii, a. 1, 2. Voir t. i, col. 376. Suarez expose la même doctrine. De opère sex dierum, 1. IV, c. ii, n. 5, t. iii, p. 335. La faute de la première femme a donc été un péché d’orgueil ; elle a cédé à un mouvement déréglé de’amour de sa propre excellence. Ce dérèglement dans l’esprit produisit un dérèglement des sens. La concupiscence put être éveillée. La femme vit l’arbre avec d’autres yeux que précédemment, elle trouva à son fruit des charmes inconnus jusqu’alors ; elle céda à un mouvement de curiosité sensuelle et de gourmandise. C’est ainsi qu’elle fut séduite par l’astuce du serpent. II Cor., xi, 3 ; I Tim., ii, 14. Le péché a donc commencé par la femme. Eccli., xxv, 33. De séduite, la femme devint bientôt séductrice. Après avoir mangé du fruit défendu, elle en donna à son mari, qui en mangea par complaisance coupable pour sa femme. Voir t. i, col. 376. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que le premier péché n’a pas été un acte charnel, comme l’entendait ï’h'ûon. De opiflcio mundi, dans Opéra, Paris, 1640, p. 35-37 ; cf. De agricullura, ibid., p. 201, comme quelques-uns le pensaientdu temps de saint Augustin, De Gcnesi ad litteram, I XI, c. xli. P. L., t. XX.XIV, col, 452, et comme beaucoup de personnes se l’imaginent aujourd’hui encore. Rien n’est plus contraire à l’esprit du récit, puisque la création de la femme a eu lieu en vue du mariage. Sur la gravité du péché d’Eve comparé à celui d’Adam, voir S. Th<îmas, Sum. theol., II » II-’, q. clxiii, a. 4 ; Suarez, De opère sex dierum, 1. IV, c. v, t. iii, p. 356-360. — 4. Conséquences dit péché.

Les yeux des deux coupables furent ouverts, mais dans un sens bien différent de celui que le serpent avait dit. Sous l’action de la concupiscence éveillée, ils remarquèrent leur nudité. S. Augustin, De civitate Dei, 1. XIII, c. xiii, P. L., t. XLI, col. 386 ; De nupliis et concupiscentiis, I. I, c. VIT, P. L., t. xLiv, col. 417-418. Elle leur parut inconvenante, et ils se firent des ceintures pour la couvrir. Dans le même motif de pudeur et aussi par conscience de leur faute, ils se cachèrent pour échapper aux regards de Dieu. — 5. Punition du péché. — Eve, interrogée par Dieu, rejette sa faute sur le serpent qui l’a trompée. Dieu punit les coupables. — a) Le démon. — Dieu établit entre lui et la femme et entre leur descendance, une inimitié morale qui se perpétuera à tous les âges de l’humanité et qui consistera dans une lutte dans laquelle le genre humain, après quelques morsures du serpent infernal, aura finalement la victoire. Or, les Pères de l’Église ont interprété cette annonce prophétique d’une victoire définitive, remportée sur le démon par un descendant de la femme, le divin rédempteur de l’humanité. Voir Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. v, col. 111113. — b) La femme. — Elle n’est pas maudite comme le serpent ; elle n’est pas privée des fruits de la bénédiction divine, donnée au premier couple en vue de la perpétuité de l’espèce. Gen., i, 28. Son châtiment spécial est rattaché aux conditions de son existence sociale : elle est punie comme mère et comme épouse. Ehe subira les incommodités de la grossesse et les douleurs de l’enfantement. Malgré les peines de la maternité, elle reviendra toujours à son mari par le désir, et elle lui sera assujettie au point que, dans l’antiquité, elle né sera guère qu’une esclave. Cf. I Cor.,