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EVANGILES APOCRYPHES

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Épiphane mentionne un Évangile d’Eve. Hscr., xxvi, 2, 3, 5, P. G., t. xLi, col. 333, 336, 340. Nous étudierons seulement les plus importants.

Évangile des douze apôtres ou des ébioniles.


Do nombreuses confusions se sont produites touchant cet Évangile, qui a été identifié par saint Épiphane, et à l’occasion par saint Jérôme, avec l'Évangile selon les Hébreux. Depuis Hilgenfeld, les critiques sont d’accord pour identifier l'Évangile des douze, cité par Origène, HomiL, i, in Luc, avec l'Évangile signalé par Épiphane, Hwr., xxx, 3, P. G., t. xli, col. 409, comme en usage parmi les ébionites gnostiques, et pour distinguer cette compilation hérétique de l'Évangile selon les Hébreux.

Les quelques citations faites par Épiphane de cet Évangile ébionite permettent d’en préciser le contenu et le caractère. Ce devait être un Évangile du type synoptique, débutant comme Marc par le récit de la prédication du Baptiste. Mais l’auteur savait à l’occasion modifier du tout au tout les paroles authentiques du Sauveur, pour les faire déposer en faveur de sa doctrine. Cette doctrine est celle des ébionites postérieurs, partisans d’Helxaï. Au moment du baptême, le Christ céleste, la plus parfaite créature du Père, s’est uni à l’homme Jésus, qui, par suite de cette union, peut être nommé le Fils de Dieu. Au point de vue moral, on rejetait l’Ancien Testament, Jésus était venu détruire les sacrifices anciens ; les tendances étaient nettement ascétiques, et l’on répudiait l’usage de la viande et du vin. Jean-Baptiste avait le premier donné l’exemple de cette abstinence, l'Évangile des ébionites lui refusait même l’usage des sauterelles dont le solitaire faisait sa nourriture d’après les Évangiles canoniques : Jésus lui-même avait déclaré qu’il ne désirait nullement manger l’agneau pascal.

L’auteur semble avoir utilisé les trois Synoptiques et peut-être même le quatrième Évangile. Il prend d’ailleurs toute liberté avec ses sources. L'époque de la composition doit se placer vers la fin du 11° siècle ou vers le commencement du iii"^. Zahn la remonterait jusque vers 170.

D’après la théorie de M. Schmidtke, mentionnée plus haut, VÉvangile des ébionites ne se distinguerait pas de l'Évangile des Hébreux auquel font allusion Clément d’Alexandrie, Origène Eusèbe, et que saint Jérôme aurait malencontreusement confondu avec V Évangile des Nazaréens. C’est donc à lui qu’il faudrait rajiporter les doctrines particulières signalées plus haut dans VÉvangile des Hébreux et plus ou moins conformes à la stricte orthodoxie. Par contre, l'Évangile des ébionites ne contenait rien qui pût faire songer aux doctrines d’Helxaï. Le passage, interprété par Épiphane (n. 1 de Preuschen) comme affirmant que le Christ est la créature la plus parfaite du Père, ne peut appartenir à cet Évangile, ou du moins n’a pas ce sens.

De l'Évangile des ébionites (identique à l'Évangile des Hébreux), il faut distinguer l'Évangile des douze apôtres. Celui-ci ne semble pas avoir été en usage dans des cercles judéo-chrétiens, mais bien chez des gnostiques d’origine païenne. En fait, on en retrouve des traces chez des sectaires orientaux mentionnés par saint Éphrem sous le nom de gougéens. S. Éphrem, Opéra, Rome, t. 11, p. 440, 485, 493. D’après un catalogue d’hérvsies, compilé au début du V siècle par l'évêque syrien Maruta de Maipherkat, ces gougéens se seraient forgé, avec le nom des douze apôtres, douze évangélistes. Le texte de Maruta, dans Texte and U ntersuehungen, t. xix, fasc. 1, appendice, p. 1011. D’une lettre de Jacques d'Édesse il ressort que ces hérétiques avaient plutôt des attaches avec la gnose syrienne qu’avec le judéochristianisme. Cf. Revue de l’Orient chrétien, 1905, t. x, p. 278. La distinction

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

entre l'Évangile des ébionites et celui des douze est ce qu’il y a de plus solide dans toute la théorie de M. Schmidtke. Le reste semble bien caduc.

Le texte dans Preuschen, Anlilegomena, p. 9-12 ; Hilgenfeld, 'oi>iim Testanientum extra canonem receptum, fasc. 4, p. 32 sq. ; Zahn, Gescliiclite des N. T. Kanons, t. 11, p. 721-742 ; Harnack, Clironologie, 1, p. 625-631. L'Évangile des douze apôtres, public en copte, avec uns traduction française, par Révillout, dans Palrologia orienlalis, t. II, p. 123-183, est une compilation de basse époque.

Évangile de Thomas.

Hippolyte, P/ ! 170sop/(., 1. V,

7, P. G., t. XVI, col. 3131, nous a conservé une citation d’un Évangile selon Thomas, en usage parmi les naasséniens, et qui est également signalé par Origène, HomiL, I, in Luc., et par Eusèbe, H. E., 1. III, 25, 6, parmi les Évangiles apocryphes. D’autre part, Cyrille de Jérusalem, Cal., iv, 36 ; vi, 31, P. G., t. xxxiii, col. 500, 593, connaît un Évangile selon Thomas, en usage parmi les manichéens et rédigé par un des trois disciples de Manès. Est-ce le même écrit ? Et si l’on répond affirmativement, quelle est la relation entre cet Évangile hérétique et les récits de l’enfance de Thomas, le philosophe Israélite ? Faute d’indications suffisantes sur le contenu de cet Évangile, il est assez difficile de le savoir. La citation conservée par Hippolyte est ainsi libellée : « Celui qui me cherche me trouvera parmi les enfants de sept ans, car c’est là que dans le quatorzième éon, caché, je me manifesterai. » Les histoires merveilleuses de l’enfance du Sauveur ne seraient-elles point un commentaire de cette parole ?

Le texte dans Preuschen, Anlilegomena, p. 21 ; cf. Zahn, Gescliiclite des N. T. Kanons, t. i, p. 746-748 ; t. 11, p. 768775 ; Harnack, Clironologie, 1, p. 593-595 ; littérature plus complète dans Ehrhard, Die allcliristliche Litleratur, etc., p. 141-142.

Évangile de Philippe.

Cet Évangile n’est mentionné ni par Origène, ni par Eusèbe, ni par les divers

catalogues d’apocryphes ; mais un passage de la Pistis Sophia, écrit gnostique du nie siècle, montre que l’on connaissait dans les cercles gnostiques de l’Egypte un Évangile de Philippe. Ce devait être un écrit de caractère ésolérique, oïi le prétendu Philippe consignait les révélations qui lui avaient été faites par Jésus ressuscité. Saint Épiphane, i/ « r., xxvt, 13, P. G., t. XLI, col. 352, a retrouvé ce livre entre les mains des gnostiques de son temps, et en a donné une citation de quelques lignes : l'âme délivrée de son corps et montant vers les régions célestes reçoit le mot de passe qui lui permettra de franchir les différents cieux ; elle doit pouvoir répondre que sur la terre elle n’a pas enfanté de fils pour le prince (archonte) de ce monde. La tendance est donc nettement encratite et dualistique. Nous sommes très loin des Synoptiques. Le texte peut être de la fin du iie siècle.

Le texte de la Pislis Sophia, dans Harnuck, Geschichte der altchristl. Littcratiir, t. i, p. 14 ; la citation d'Épiphane, dans Preuschen, Anlilegomena, p. 15 ; Harnack, Chronologie, 1, p. 592 sq. ; Zahn, Geschidile des N. T. Kanons, t. 11, p. 761768 ; Forschimgen zur Gesch., etc., t. vi, p. 24-27.

Évangile de Marcion.

Il représente un type

tout différent d’apocryphe. Tandis que les charlatans de Syrie ou d’Egypte essayaient de faire passer leurs drôleries sous le couvert de noms vénérables, Marcion entreprenait résolument de modifier un des Évangiles canoniques pour le faire cadrer avec ses vues particulières. Convaincu qu’il faut purifier l'Église de toute iunuence juive, pénétré de la distinction essentielle entre le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau, il rejette du capon toute la Bible des Juifs et ne conserve dans le Nouveau Testament qu’un seul Évangile, le sien, et dix Épîtres de saint Paul. Ii

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