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ÉVANGÉLIQUE ^ÉGLISE) — ÉVANGILE

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rique ou en Australie. Le gouvernement se justifiait en prétendant, par la bouche du ministre Altenstein, qu’il fallait protéger ces aveugles sectaires contre leur propre folie. II avait pour complice la presse libérale, qui tout entière applaudissait à ces exploits. Pour combler la mesure, un décret royal du 28 février 1834 déclarait illégal et prohibait tout culte luthérien. Mais les mesures violentes n’y faisaient rien et l'Église évangélique offrait elle-même le spectacle d’un chaos. Aussi, ; la veille de sa mort (1840), Frédéric-Guillaume III pouvait-il dire justement : « Je voulais l’union ; c’est la désunion qui est venue. »

Le premier acte de son successeur, Frédéric-Guillaume IV, fut de rapporter ces mesures violentes et de concéder la formation d’une Égliseluthérienne séparée. Il se contenta de la laisser à ses propres ressources, réservant les subsides de l'État aux communautés qui avaient adhéré à l'Église évangélique. Mais au sein de celle-ci continuaient les polémiques dogmatiques. Les théologiens réclamaient un symbole dans lequel serait exprimé le consensus doctrinal des adhérents. Le synode général de Berlin (1846)essaya de résoudre l’insoluble problème. Il décida, au point de vue doctrinal, de publier une profession de fol ; au point de vue constitutionnel, d'établir des conseils presbytéraux composés de pasteurs et de laïques et soumis à un consistoire suprême. On chargea un théologien de Bonn, Karl Emmanuel Nitzsch, de rédiger la profession de foi. Tout son ctîort fut d'éviter la moindre précision et de rassembler les textes bibliques que l’on présentait aux fidèles comme le résumé de la doctrine chrétienne, avec toute liberté de les entendre comme il leur plairait.

Le synode accepta cette formule. Il n’en fut pas de même de l’opinion. Hengstenberg, en particulier, défendit la vieille orthodoxie luthérienne contre le nouveau symbole. Et la conséquence de cette suprême tentative fut une dissolution plus complète encore au sein de l'Église évangélique. Obligés de se tourner du côté des œuvres et de l’action, les partisans de l’union entreprirent de réaliser l’unité en dehors de toute idée purement dogmatique ou même rituelle. Ce fut le point de départ de la Mission intérieure, de l'œuvre des diaconesses, de l’Union Gustave-Adolphe pour l'évangélisation des districts protestants perdus au milieu d’autres confessions religieuses. Mais le lien trop lâche qui serrait l'Église évangélique n’en fut point renforcé. "Toutes ces œuvres finirent par se particulariser complètement, sans garder, avec l'établissement d'État que Frédéric-Guillaume III avait voulu fonder, d’autres rapports que des relations purement nominales.

De tous côtés, l'édifice évangélique cédait sous son propre poids. La poussée des idées libérales allait lui porter un nouveau coup. La constitution de 1848 accordée par le roi de Prusse à ses sujets stipulait l’indépendance de toute société religieuse en ce qui concernait ses affaires propres. Cette formule n'était pas acceptée au reste par les tenants de la vieille orthodoxie luthérienne. Hengstenberg défendait toujours les droits absolus du souverain en matière religieuse et l’ancienne formule : Cujus regio, ejus rcligio. Pour accorder cette théorie avec les faits, il recourait aux expédients théologiques les plus ingénieux et les moins raisonnables, attribuant au roi, à titre de principal membre de l'Église, le droit de régler qu’il ne réglerait pas les questions religieuses. Ainsi disparaissait l’idée même qui avait présidé à la fondation de l'Église évangélique : la centralisation de toutes les forces protestantes sous l’hégémonie prussienne.

L’avènement de Guillaume I'^ ne changea rien à la situation. En opposition avec le parti orthodoxe dont Hengstenberg était toujours leporte-parole, se formait, au sein même de l'Église d'État, une nouvelle généra tion pénétrée par les idées libérales, qui prit consrience d’elle-même en 1863 par la fondation de l’Union protestante (Protestanlenverein). Ses débuts furent pénibles. Mais le nombre de ses adhérents est toujours allé croissant. Ses tendances, qui la conduisaient à la séparation des Églises et de l'État, se restreignirent assez . longtemps à la lutte contre toute prétention de l’orthodoxie de régler les articles spéciaux des croyances chrétiennes, et même contre l’acceptation de toute dogmatique positive.

Mais les succès de la Prusse et l'établissement de l’unité allemande vinrent changer la situation de la monarchie prussienne en cette question de l’union des diverses confessions protestantes. Il fallait régler, pour tous les États de l’empire, les rapports constitutionnels entre les Églises et le gouvernement central. Les relations de l'État avec l'Église évangélique furent définies par les deux lois du 10 septembre 1873 et du 20 mai 1876. Un conseil ecclésiastique suprême résidant à Berlin réglait toutes les affaires religieuses. Huit consistoires provinciau.x s’occupaient des choses de moindre importance. Aucune distinction n'était faite entre luthérien et réformé, soit dans les facultés de théologie, soit dans les séminaires. Au point de vue pratique, la Bible de Luther servait aux deux confessions. Aucun livre liturgique ne recevait la consécration de l'État.

C’est dans ces termes que se maintient encore aujourd’hui l'Église évangélique. La statistique de 1905 lui attribuait 8390 paroisses avec 11795 églises.

Fœrster, Die Entstehung der Preiissischen Landeskirclte iinter der Regienmg Friedrich Willielm III, Tubingue, 19051907 ; F.Willielm, art. Evangeliccd Chiirch, dans The calholic encycZopedia, NewYork, 1909, t. v, p. 642-645 ; R. Seeberg, An der Scliwelle des zwangigslen Jahrhunderts, ^eTin, 1901, p. 33 sq.

A. HUMBERT.

1. EVANGILE.

I. Étymologie et sens profanes. II. Sens chrétiens.

I. Étymologie et sens profanes.

I^e nom d'Évangile, qui est la transcription du mot grec eùayYÉXtov, n’est pas d’origine chrétienne. C’est un vieux mot grec formé de ôj, « bien » , et de à-^YsÀ), êiv, a annoncer » , et signifiant étymologiquement bonne nouvelle. Toutefois, dans les plus anciens écrivains profanes qui l’emploient, il a d’autres significations et il désigne ou bien l'étrenne que l’on donne au porteur d’une bonne nouvelle, ainsi dans Homère, Odyss., xiv, 152, 166 ; cf. Cicéron, Ad Allie., II, 12 ; version des Septante, II Reg., iv, 10, ou bien le sacrifice offert aux dieux en action de grâce d’un heureux message. Xénophon, HelL, i. 6, 37 ; Diodore de Sicile, xv, 74 ; S. Chrysostome, In Acla, homil. xix, n. 5, P. G., t. lx, col. 157. Cependant il avait aussi sa signification étymologique de bonne nouvelle, d’annonce d’un heureux événement. Appius, Civ., IV, 20 ; Lucien, As// ;., 26 ; version des Septante, II Reg., XVIII, 20, 22, 25 ; IV Reg., vii, 9 ; S. Chrysostome, 7/1 Acla, homil. xxvi, n. 3, ibid., col. 201. Cf. F. Blass, Grammalik des Neulestamenllichen Griechisch, 2e édit., Gœttingue, 1902, p. 72. Il a été employé en ce sens de bonne nouvelle, spécialement dans le culte des empereurs romains. Une inscription trouvée récemment à Priene, en Asie Mineure, conservée maintenant au musée de Berlin et antérieure de peu d’années à l'ère chrétienne (vers l’an 9), déclare, lig. 40 et 41, que le jour de la naissance du dieu (l’empereur Auguste) a été, pour le monde entier, le commencement de bonnes nouvelles qui devaient se réaliser en sa personne. Diettenberger, Orienlis grœci inscripiiones seleclie, Leipzig, 1903, 1905, n. 458. Un fragment de papyrus de Berlin, publié par G. Parthey, Menioric delV Inslilulo di correspon-