le prêtre qui célèbre, il n’est permis de se communier soi-même. »
Mais ce furent surtout les deux derniers articles qui domièrent lieu aux discussions. A propos du 9^, Melchior Cano, Jean d’Ortega et d’autres, Theiner, t. I, p. 494, 496, 499, 500 ; Pallavicini, Histoire du concile de Trente, trad. franc., 1. XII, 2, soutinrent l’opinion que la grâce est plus abondamment donnée dans la communion sous les deux espèces. Une opposition aussi vive se manifesta contre le 10 « . Quelques théologiens soutinrent l’opinion de Cajetan, selon laquelle il suffit, pour conmiunier, que l’on soit en état de gr.âce, quelle que soit la manière dont les péchés ont été effacés, par la contrition ou par la confession ; ainsi François de Toro et Réginald de Gênes. Theiner, t. I, p. 496, 499. D’autres, tout en admettant que e concile puisse rendre la confession obligatoire, exposèrent qu’il serait dur de condamner comme hérétique ce que de grands théologiens ont enseigné ; tout au plus pouvait-on avoir égard aux dangers de sacrilège que leur opinion entraînait, et la condamner comme dangereuse ; ainsi Melchior Cano, Jean d’Ortega et Martin d’Olave. Theiner t. i, p. 494, 496. Ambroise Storch demandait que l’on ajoutât au moins la restriction : habita copia confessarii. Theiner, t. I, p. 497.
Ces observations furent transmises aux Pères le 17 septembre en même temps qu’on leur distribuait les articles, divisés en deux catégories, ceux qui avaient été jugés à l’unanimité condamnables et ceux pour lesquels on avait demandé des explications plus complètes ou des retouches. Theiner, t. I, p. 501-502 ; Pallavicini, op. cit., 1. XII, 2, 9.
2. Discussion des articles par les P^res. — A leur tour, les Pères donnèrent leur avis dans des congrégations générales qui se tinrent du 21 au 30 septembre. Plusieurs se contentèrent d’approuver les remarques des théologiens ; mais d’autres y ajoutèrent des observations nouvelles et intéressantes. A diverses reprises, on insista sur le principe que des théologiens avaient déjà souligné. « Le concile, dit le cardinal légat Crescenzi, a assez à faire s’il veut condamner les hérétiques ; il n’a pas à prendre parti dans les discussions d’éc : 1e, » Theiner, t. i, p. 502 ; et son obseration fut répétée mot pour mot par Guerrero, archevêque de Grenade. « Le rôle du concile, dit plus clairement encore Alepo, archevêque de Sassari, n’est pas de décider des controverses ou de condamner des opinions scolastiques, mais seulement des hérésies. » Ibid., p. 504. Ce fut, en effet, d’après ce principe qu’on se régla dans les discussions, surtout pour les deux derniers articles.
Reçoit-on autant de grâces sous une seule espèce que sous les deux ? Mieux vaut ne pas prendre parti, dit le cardinal légat, mieux vaut même ne pas parler de cette question ; affirmer l’égalité absolue de la grâce, ce serait condamner un grand nombre de théologiens catholiques ; affirmer ou laisser supposer l’inégalité de grâces, ce serait s’exposer à mécontenter les laïcs qui se croiraient partiellement frustrés de l’efOcacité de la communion. Theiner, t. i, p. 502. La majorité fut du même avis. La confession doit-elle précéder la communion ? La plupart opinèrent pour l’affirmative, mais avec des nuances. Le cardinal Madrucci, évêque de Trente, aurait voulu que l’on ajoutât la restriction : habita copia confessarii, aut saltem in voto. Theiner, t. i, p. 503. Le cardinal légat pensiiit, au contraire, que l’on pouvait imposer la confession sans aucune restriction, puisqu’on cas de nécessité, on peut se confesser â des laïcs, même à des femmes. Ibid., p. 502. Campeggi, évêque de Feltre, désirait que l’on ne parlât pas de la confession, soit pour ne pas condamner une opinion théo logique, soit pour ne pas imposer aux prêtres des charges nouvelles. Ibid., p. 506. Jofre de Borja, évêque de Ségorbe, proposait de remplacer les mots discutés par une simple recommandation adressée aux prêtres de se bien préparer et de se confesser avant de célébrer. Ibid. Presque aucun ne jugea qu’on dût affirmer sous peine d’hérésie la nécessité de la confession.
Une autre question plus troublante, parce qu’elle se compliquait de politique et que les passions populaires y étaient mêlées, était celle de la communion sous les deux espèces. Les utraquistes étaient nombreux en Allemagne ; depuis le concile de Bâle, ils prétendaient s’autoriser d’une reconnaissance officielle de leur pratique, et les discussions soulevées par le protestantisme leur étaient une occasion de renouveler leurs réclamations contre le refus de Rome de sanctionner sur ce point les Compactala. Plusieurs évêques, surtout allemands, furent d’avis qu’il serait expédient de concéder à l’Allemagne la communion sous les deux espèces : ce serait, disait le cardinal de Trente, accéder aux vœux très pressants des catholiques allemands, travailler efficacement au rétablissement de la paix religieuse et faciliter la réunion de l’Allemagne à l’Église. Theiner, t. i, p. 503. Paul II Gregoranczi, évêque d’Agram, alla plus loin ; il soutint, en s’appuyant sur divers textes d’Écriture, que la communion sous les deux espèces est de droit divin et que, si l’Église a pu avoir des raisons dans le passé de modifier la loi divine, elle peut en avoir d’autres maintenant pour y revenir en faveur de l’Église d’Allemagne. Ibid., p. 503-504. Preconio, évêque de Monopoli, exprima la même pensée. Ibid., p. 510. Tel ne fut pas l’avis de la majorité ; on reconnut le plein pouvoir de l’Église en pareille matière, parce que, justement, le droit divin n’y est pas engagé ; plusieurs cependant ne virent aucun inconvénient à faire aux Allemands la concession souhaitée, à certaines conditions qu’indiquait Fonseca, évêque de Castellamare : qu’ils la demandent, qu’ils reconnaissent que l’Église ne [^s’est point trompée en prohiban la communion sous les deux espèces et qu’ils professent, conformément à la doctrine catholique, que Jésus-Christ tout entier est contenu sous une espèce aussi bien que sous les deux. Theiner, t. i, p. 506.
Cette discussion en amorça une autre. Pour prouver l’institution divine de la communion sous les deux espèces, les évêques d’Agram et de Monopoli s’étaient en partie appuyés sur le c. vi de saint Jean, où Jésus semble distinguer et imposer la double communion. Plusieurs Pères en prirent occasion pour exprimer leur avis sur le sens général de ce chapitre. Le plus grand nombre y virent au sens littéral une promesse formelle de l’eucharistie ; ainsi Ayala, évêque de Guadix, de Acufia y Avellaneda, évêque d’Astorga, et d’autres, Theiner, t. i, p. 512 sq. ; quant à l’argument que les utraquistes prétendaient en tirer, ils répondirent, soit en rappelant d’autres passages du même chapitre où la communion du pain est seule affirmée nécessaire, soit, comme le firent de Hérédia, évêque de Cagliari, et Fonseca, évêque de Castellamare, en disant que, Jésus-Christ étant présent tout entier sous chaque espèce, quiconque reçoit le pain consacré mange la chair et boit le sang du Christ. Mais d’autres orateurs soutinrent une interprétation différente. Augustin, évêque de Huesca, et Foscarari, évêque de Modène, Theiner, t. i, p. 509, 515, prétendirent que ce chapitre doit s’entendre au sens littéral d’une manducation spirituelle du Christ par la foi, et que c’est seulement par allégorie qu’on peut y voir une promesse du sacrement. Piccolomini, évêque de Lanciano, appliqua à ce chapitre la théorie de saint Augustin sur la multiplicité des sens lit-