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EUTYCHÈS ET E UTYCHIANISME


Jean II l’approuva, le 25 mars de l’anncc suivante. Sur les détails de cette affaire, voir Théopaschite (Controverse). Cf. J. Lebon, op. cit., p. 481 sq. ; J. Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 26.

Quels ont été les partisans de cette forme de l’eutycliianisme ? Il est diflicile de donner des noms. Certains auteurs, nous l’avons vii, ont soupçonné Eutydiès lui-même de l’avoir professée. On a de bonnes raisons de douter que Pierre le Foulon ait été un véritable théopaschite. Sa formule fut reçue non seulement par les monophysites, mais par beaucoup de catholiques orientaux. On la rapportait, comme nous lavons déjà dit, à la seconde persomie de la Trinité, au Verbe incarné, tandis qu'à Constantinople et en Occident, le Trisagion était une formule trinitaire. Cf. Valesius, Obscrvationcs ad hist. eccles. Evagrii, P. G., t. Lxxxvi, col. 289 1-2896 ; Assémani, Bibliotheca orientalis, t. ii, col. 180. Il est évident que le monophysisme grossier dont nous nous occupons ne dut pas recruter l'éhte intellex ; tuelle des antichalcédoniens. Il dut compter des adeptes surtout parmi la foule des moines ignorants incapables d’expliquer le Ihéotocos dans un sens orthodoxe. II en existait certainement de ceux-là déjà du vivant de saint Cyrille, et l’on sait que ce Père dut renoncer à poursuivre sa campagne contre Théodore de IMopsueste, parce que l’antinestorianisme de certains moines d’Arménie se colorait d’un monopliysisme assez prononce. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclcrcq, t. II, p. 421.

2° Théorie de l'évanouissement du Verbe dans l’inimanité. — Jean, évêque de Tomi vers 448, décrivait ainsi l’hérésie d’Eutj’cliès : Apollinaris obslinalissimi hæretici tertium dogma consectans, ita interpretatur illud cvangelislæ qiiod ait : Vcrbiim caro factnm est et habitavit in nobis, quasi Verbi esseidiu sit in carncm conversa. Duin enim timet ne, si duas in Christo confi-Ictur ncduras, quarlam inlroducat in Trinitede personum, impia confusione ipsuni Dei Filiuni a deitatis suse nulura pronunlicd denuilalum, ita ut inconvertibilem dicat et passionibus subdat, immortalemque morti subjicial, et cum qui non cecidit… resurre.visse contendat, passage cité par Marins Mercator, qui ne se trouvait pas dans l'édition des œuvres de cet auteur publiée par Baluze en 1684 et que dom Morin a retrouvé et publié dans The journal of theolugical studies, 1905, p. 74 sq. Ici encore, il est difficile d’apporter les noms de ceux qui ont patronné cette étrange théorie dans l’antiquité. Au.xixe siècle, le protestantisme allemand l’a ressuscitée sous le nom de Icénosc. Prenant à la lettre l’expression du texte christologique de l'Épître aux Philippiens : e.vin(Uiipit senictipsum (en grec : è/ivwyôv âa-jrov, littéralement : se vida lui-même), certains tliéologiens allemands ont enseigné cette absurdité que le Verbe, en se faisant homme, se serait dépouillé momentanément de sa divinité. Il y a presque autant de formes de la kénosc que de théologiens qui l’ont soutenue. Elles seront signalées à l’art. Kénose.

Ce qui est certain, c’est que la doctrine de la transformation du Verbe en l’humanité est antérieure à plutychès. Saint Hilaire de Poitiers connaît des hérétiques qui enseignent que le Verbe a cessé d'être Dieu par le fait qu’il a joué le rôle de l'âme dans le corps : defecisse omnino Dcum Verbnm in animam corporis volant, ut non idem /uerit Jésus Christus hominis filius, qui et Dei lilius. De Trinitede, 1. X, 50, l'.L., t. X, col. 383. Le l^ synode de Sirmium en 351 portalt l’anatlième suivant : « Si quelqu’un comprend les paroles : Le Verbe s’est fait chair, en ce sens que le 'erbe aurait été transformé en chair, ou bien qu’en prenant la chair il a subi un changement, qu’il soit

anathéme. » Hahn, Bibliothek dcr Symbole und Glaubensregeln der alten Kirche, 3°^ édit., Brcslau, 1897, p. 197-198. Saint Ambroise attribue aux apollinaristes la doctrine condamnée par le synode de Sirmium. De incarmdionis dominicie sacramento, 60, P. L., t. xvi, col. 833.

3° Théorie de la métcanorphose réelle du Verbe en chair. — Cette doctrine diffère de la précédente en ce qu’elle enseigne que le Verbe a tiré de lui-même la chair en laquelle il s’est transformé, et ne l’a pas prise d’ailleurs. Saint Cyrille la signale en plusieurs endroits de ses écrits, notamment dans sa Lettre à Acace de Mélitene, où il parle d’anciens hérétiques qui ont enseigné que le Verbe de Dieu s'était formé un corps à l’aide de la divinité. Mansi, op. cit., t. v, col. 319-320. Cf. De recta fuie ad Theodosium imperatorem, 6, P. G., t. lxxvi, col. 1140, où il est dit : « Ils enseignent que le Verbe né de Dieu le Père s’est transformé lui-même dans la nature des os, des nerfs et de la chair et tournent en ridicule sa naissance d’une vierge : TtapaTtTpàiOat tDctnl tov iv. Bîo-j ria-rpô ; Ç'jvta Aôyove !  ; oirtstov xs y.al uî-jptov y.oà aap/.b ; ç-j(71v. » Mais c’est surtout Nestorius qui nous donne dans le Livre d’Héraclide une description détaillée de cette hérésie suivie d’une bonne réfutation : ^ Il appartient, disent ces hérétiques, à la nature toute-puissante et infinie de pouvoir tout faire ; toutes les autres choses sont limitées par sa volonté et elle n’est limitée par rien. Dieu est devenu chair en vérité, bien qu’il fût toujours Dieu par sa nature, de même que de l’eau vive., lorsqu’elle est congelée, reste de l’eau et est appelée de l’eau congelée. Il agissait en tout comme Dieu ; il faisait aussi en vérité les opérations de la chair, il souffrait comme la chair. Il eut faim, il eut soif, il fut fatigué, il souffrit et il fut crucifié en vérité, parce qu’il était chair en vérité. C’est ainsi que l’eau, qui ne peut être brisée (dans son état ordinaire), l’est cependant en vérité, lorsqu’elle est congelée et elle revêt réellement les propriétés de la nature qu’elle est devenue Ainsi, dès que Dieu est devenu chair en réalité, il a supporté réellement les affections de la nature qu’il a prise, sans abandonner en rien sa propre nature. » Trad. Nau, p. 8, 9 ; cf. p. 11.

Ce n’est pas seulement une fois que Dieu s’est métamorphosé. Il a aussi apparu en vérité dans une nature visible aux patriarches et aux saints de l’Ancien Testament : « Il nmrchait dans celui qui marchait, , parlait dans celui qui parlait, mangeait et buvait dans celui c}ui mangeait et qui buvait ; car Dieu ne fait rien pour tromper, mais il fait tout en vérité. Il est, , en effet, le créateur, et le créateur ne fait rien par apparence et illusion. » Ibid., p. 9.

Ces anciennes théophanies ne constituent pas cependant autant d’incarnations. Les hérétiques réservent ce nom d’incarnation à l’apparition de Dieu à tous les hommes, et non à tel ou tel personnage en particulier, comme à Abraham et à Jacob. Ibid., p. 17.. Ils justifient leur système, en disant que, si Dieu s'était uni à une nature humaine prise hors de la divinité, il y aurait eu addition à la Trinité d’une essence étrangère : « Si l’incarnation n’a pas eu lieu de cette nuinière, mais si elle s’est produite dans une nature humaine diflérente (de Dieu) et non par le moyen de la seule essence divine, comment la Trinité ne reçoit-elle pas une addition dans sa nature, puisqu’elle a pris l’essence d’un autre'? > Ibid., p. 19 ; cf. p. 11.

Comment expliquer que Dieu, en devenant chair, n’a pas perdu sa nature ? Voici la réponse : « Il n’y a pas deux essences, mais la même essence divine qui est devenue aussi l’essence de la chair ; c’est pourquoi il n’y a qu’une essence. De même, les eaux, soit courantes, soit congelées, ne sont pas deux essences d’eau mais une seule, qui subsiste à l'état liquide et à