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EUTYCHES ET EUTYCHI ANISME


à).X’a-lrhi àrpÉ^Tw ; -py-Tivi-a. "xal « ripy.a vevôixevov. Hserctic. fabuhirum compendium, 1. IV, c. xiii, P. G., t. Lxxxiii, col. 437. On a supposé que l’évêque de Cyr visait aussi Eutychès dans le second dialogue de VEranistès, où l’interlocuteur monophysite déclare " qu’après l’union, seule la divinité est demeurée, l’humanité ayant été absorbée par elle, à peu près comme une goutte de miel mêlée à l’eau de la mer s’y dissout. » Ibid., col. 153 ; cf. col. 157. L’hypothèse est vraisemblable. Écrivant en 447, Théodoret pouvait savoir déjà que le favori de Chrysaphe n’admettait qu’une seule nature après l’union, et tirer de là très naturellement la théorie de l’absorption de l’humanité par la divinité. Après le concile de 448, au contraire, il expliqua la doctrine de l’archimandrite en fonction de la négation de la consubstantialité du Christ avec la Vierge. De là, la théorie tout opposée de la condensation du Verbe en chair, exprimée dans les Fables hcréliques.

Eutychès est traité de docète et de phantasiaste par Anastase le Sinaïte. Hodegus, c. vi, P. G., t. Lxxxix, col. 99. On trouve la même accusation dans YHénotique de Zenon, Évagrc, H.E., 1. III, c. xi, P. G., t. Lxxxvi, col. 2624, et chez les monophysites sévériens, qui lui attribuent en particulier la théorie de la concrétisation du Verbe en chair. Cf. Lebon, Le monophysisme sèvérien, Louvain, 1909, p. 489 sq. Plusieurs Pères font remarquer qu’en voulant combattre Nestorius, il a abouti à la même conclusion que lui, c’est-à-dire à la négation de la maternité divine de Marie, mais entre les deux hérétiques il y a cette dilTérence que le condamné d’Éphèse voyait au moins en la Vierge la mère véritable d’un homme, tandis qu’Eutychès n’en faisait qu’un canal inerte. Cf. Petau, De inearnatione, 1. I, c. xiv, xv.

Ainsi Eutychès a eu beau anathématiser Valentin, Apollinaire et tous les docètes, ses formules lui ont valu d’être classé à côté de ces hérétiques. Il faut attendre les temps modernes pour trouver un jugement plus indulgent sur sa doctrine personnelle. Tillemont écrit : « Peut-être qu’on pourrait croire que, comme il avait peu de génie et peu de science, il errait plutôt dans les termes que dans le sens, si nous ne le voyions obstiné à soutenir ses mauvaises expressions. » Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Paris, 1711, t. XV, p. 491. Combefis et Le Quien déclarent que les formules cutychiennes pouvaient s’entendre dans un sens différent de celui que leur donnèrent les Pères du synode de 448 : Potins cum Combe fîsio dicendum Eiilyclicm non eo sensu negasse Christum esse consubstanlialem nobis humanitatc, ac duas habuissc naturas, quasi caro sive humanitas ex Virgine procrcala non sit, aut Cliristo defucrit, vcl per mutalionem siue conversionem vel per absorptionem aut deperditionem ; sed ut natura divina sola proprie natura sit et dicatur, quse. primas in inearnatione partes habeat, non liumana qusi secundas tantum ; illa, inqnam, quæ aliam liabeat, non quæ habeatur et superioris liabentis sit ; tanquam illius videlicet appendix, eique pêne immersa. Le Quien, Dissertatio damascenica, II, 14, P. G., t. xciv, col. 285. C’est là une conception quasi cyrillienne. Eutychès voulait peut-être dire cela, mais que ne s’en cst-il expliqué clairement ?

III. I-2UTYCHI.’NISME ET MONOPHYSISME. Éty inologiquement, le terme de « monophysisme » peut servir à désigner toute doctrine qui ne reconnaît dans le Verbe incarné qu’une seule çûo-i ; après l’union de l’humanité et de la divinité.

Historiquement, le noni de « monophysites » a été donné à tous ceux qui ont rejeté la définition du concile de Chalcédoine disant anatlième aux partisans d’une seule nature ((pvTi ;) après l’union (xa’i TO’j ; Ô’jo ; j.1v T.oh tt, ; évcotîw ; ç-jtsi ; toO K-jp ; oy (J.’jOôjov raç, (jic’av 6à i.f : h. -r, -/ â’vtocriv àvaTuXÔTTOVTa ; àva6qj.an’i ; £t), et proclamant que Dieu le Verbe, Fils unique de Dieu, né de la Vierge Marie quant à son humanité, est en deux natures, h à-iio çûasirt, qui demeurent sans confusion, sans changement, sans division ni séparation.

Doctrinalement, le monophysisme est quelque chose de très complexe. Ce mot couvre les explications les plus diverses du mode d’union des deux natures dans le Christ. Il déborde même la christologie et s’étend jusqu’à la théologie trinitaire.

L’eutychianisme est une espèce de monophysisme. Toute doctrine compromettant l’immutabilité du Verbe ou s’attaquant à la réalité et à l’intégrité de l’humanité du Clirist et aboutissant ainsi à une seule « p-Jo-iç, ce dernier terme étant pris dans le sens de « nature individuelle » , ou, si l’on veut, de personne, mais de personne constituant un tout naturel composé de parties proprement dites, mérite d’être rapporté à l’eutychianisme. Nous avons vii, en effet, que les formules cutychiennes : Une seule nature après l’union ; Le Christ ne nous est pas consubstantiel, ont été entendues dans le sens de l’affirmation d’une seule essence dans le Christ, quel que soit le moyen par lequel on arrive à ce résultat.

Tous les monophysites de l’histoire, c’est-à-dire tous les adversaires du concile de Chalcédoine, ont-ils été des eutychiens ? A cette question, dés les origines et jusqu’à nos jours, il a été fait deux réponses contradictoires. Les uns ont vii, ou du moins ont soupçonné des eutychiens dans tous les antichalcédoniens ; les autres ont distingué plusieurs sortes de monophysites, parmi lesquels les eutychiens, loin d’occuper le premier rang, forment la partie la moins brillante. Des études récentes, dont les conclusions peuvent être corroborées par beaucoup de témoignages de l’antiquité, ont prouvé que la distinction s’imposait entre eutycliianisme et monophysisme. Signalons parmi ces études celle de M. J. Lebon intitulée : Le monophysisme sévérien, Louvain, 1909. La distinction a pour base les sens variés qui ont été donnés au mot s-j^ ;  ; dans la christologie orientale.

Ce n’est guère qu’après le concile de Chalcédoine que ce terme a été pris dans le sens abstrait de nature, d’essence spécifique commune à plusieurs individus. Il ne semble pas qu’aucun monophysite ait affirmé l’existence d’une seule s-Jai ; de ce genre dans le Christ. Ce sont les orthodoxes qui ont eu recours à cette signification pour éclaircir et différencier les concepts de nature et de personne et légitimer les formules dyophysites de la défiwition conciliaire et du tome de saint Léon. Ils se sont bien gardés du reste de considérer la nature humaine du Christ comme correspondant à la nature humaine en général, à l’universel « humanité » . C’est autour de deux autres significations du mot cpjtjt ; que s’est livrée la bataille entre chalcédoniens et monophysites.

Les deux çjo-si ; que le concile de Chalcédoine reconnaît dans le Christ, la çûaii ; divine et la cp-jo-t ; humaine, sont deux natures concrètes, individuelles, mais elles sont considérées et fixées en elles-mêmes, abstraction faite du sujet, de la personne dans laquelle elles subsistent. En d’autres termes, le concile donne au mot çûoi ; le sens de nature prise comme telle, d’essence, abstraction faite du mode de subsistance. Le sujet qui possède à la fois ces deux natures, ces deux essences, l’hypostase, la personne qui subsiste en elles, est l’hypostase, la personne du Verbe monogène. Affirmer dans le Christ, après l’union de l’humanité et de la divinité, une seule çÛTiç dans le sens chalcédonien du mot, c’est précisément ce que nous avons appelé l’eutychianisme. Mais il faut remarquer que l’unique ç-jir ;  ;