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EUTYCHÈS ET EUTYCHIANISME

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Il paraît qu’en sortant du concile de Flavien, l’archimandrite avait été insulté par la populace. Pour défendre sa réputation, il fit placarder sur les places publiques des affiches justificatives. S. Léon, EpisL, xxiii, ad Flnvianum, P. L., t. liv, col. 731. En même temps il réclama la protection de l’empereur, qui, grâce sans doute à Chrysaphe, lui fit bon accueil et consentit à appuver d’une lettre sa requête au pape Léon. P. L., ibid., col. 730. Théodose II alla plus loin ; comme il le déclare lui-même dans sa lettre au concile d'Éphèse, Mansi, op. cit., t. vi, col. 597, il essaya à plusieurs reprises d’amener Flavien à n’exiger d’Eutvchès, pour le recevoir dans sa communion, que la signature du symbole de Nicée confirmé à Éphèse, en 431. L’archevêque rejeta ce compromis, ce qui mécontenta fort l’empereur, qui exigea de lui une profession de foi. Mansi, ibid., col. 539-540.

Au printemps de 449, Eutychès lança une nouvelle plainte contre Flavien. Il prétendit que les actes du synode de 448, rédigés par ordre de l’archevêque, étaient falsifiés en plusieurs endroits, et il s’adressa à l’empereur pour en obtenir la vérification devant un nouveau svnode. Mansi, col. 764-766. Théodose II accéda à sa demande, et le 13 avril 449, un second concile composé de trentt^^quatre évêques se réunit dans le portique de la grande église de Constantinople sous la présidence de Flavien. Trois fonctionnaires impériaux, le Patrice Florent, le comte Mamas et le tribun Macédonius, y assistèrent. Flavien et ses notaires sortirent victorieux de l'épreuve. Les envoyés d’Eutychès ne purent établir aucun grief sérieux contre les actes incriminés. Une seule accusation ne fut pas éclaircie ; Constantin, l’un des délégués d’Eutychès, alfirmait que la sentence portée contre l’archimandrite avait été rédigée par Flavien antérieurement à la session finale. Sur l’ordre de l’empereur, une nouvelle commission d’enquête se réunit encore, le 27 avril 449, pour examiner spécialement ce point. Mais on n’en pouvait rien tirer pour infirmer la procédure suivie à l'égard d’Eutychès, puisque celui-ci avait refusé à deux reprises de se présenter au concile et que, dans la présomption qu’il ne se rendrait pas à une troisième invitation, Flavien avait bien pu libeller d’avance son décret. Mansi, ibid., col. 753-828.

Toutes ces tracasseries étaient de mauvais augure pour l’archevêque de Constantinople, qui fit son possible pour assurer l’exécution de la sentence contre Eutychès. Il la fit connaître aux évêques d’Orient et écrivit au pape Léon un rapport détaillé sur toute l’afiaire. Le pape n’eut pas de peine à reconnaître qu’Eutychès s'écartait de la vraie foi, et il annonça à Flavien qu’il préparait un exposé complet de la doctrine catholique. Epi.st., xxvii, ad Flaviamim, P. L., t. LIV, col. 752.

Pressentant sans doute que Rome ne lui serait pas favorable, Eutychès avait déjà, dès le début de 449, sollicité un concile œcuménique. Dioscore fit une demande semblable. Théodose l’I, que Chrysaphe menait à sa guise, ne pouvait refuser. Par une lettre du 30 mars 449, il manda aux métropolitains de son empire d’avoir à se rendre à Éphèse avec quelques-uns de leurs sufiYagants pour le 1° août suivant. Mansi, op. cit., t. VI, col. 588 sq. Nous n’avons pas à raconter ici l’histoire de ce triste concile, que le pape saint Léon qualifia si justement de brigandage. Disons seulement que Dioscore y parla en maître, et que, par l’intimidation et la violence il y fit condamner Flavien et réhabiliter Eutychès par presque tout l'épiscopat oriental. Les légats du pape ne purent faire lire à l’assemblée les lettres de saint Léon dont ils étaient porteurs et qui condamnaient la doctrine de l’archimandrite constantinopolitain. De celui-ci Dioscore n’exigea qu’une vague profession de foi.

qui laissait le champ libre aux plus dangereuses équivoques. Eutvchès récita le symbole de Nicée en faisant remarquer que le concile d'Éphèse préside par Cyrille avait défendu d’y rien ajouter ou retrancher. Puis il protesta de son respect pour les saints Pères et anathématisa Manès, Valentin, ApoUinaire, Nestorius et tous les hérétiques depuis Simon le Magicien, ainsi que ceux qui enseignent que la chair de Jésus-Christ est descendue du ciel. Mansi, op. cit., t. V, col. 629-634. Il mit en doute l’impartiahte des légats romains à son égard et réclama contre les falsifications prétendues des actes du concile de 448. Après avoir entendu les Pères dire anathèine à quiconque reconnaissait deux natures en Jésus-Christ après l’incarnation, Dioscore leur demanda leur avis sur la doctrine d’Eutychès. Cent quatorze se prononcèrent pour l’orthodoxie de l’archimandrite, qui fut réintégre dans ses anciennes dignités. Mansi, ibid., col. 833-862. Ses moines, que Flavien avait excommuniés, furent également absous. Ibid., col. 862-870.

Le triomphe d’Eutychès et de Dioscore fut de courte durée. Ils réussirent sans doute à faire sanctionner par une loi impériale les décisions du brigandage d'Éphèse et à remplacer Flavien sur le siège de Constantinople par l’Alexandrin Anatole, tout dévoue à Dioscore. Mais le pape Léon protesta vivement contre les iniquités commises et refusa de reconnaître Anatole. Sur ces entrefaites. Théodose II mourut, lé 28 juillet 450, d’une chute de cheval, et, comme il ne laissait point d’héritiers, l’impératrice Pulchérie, celle-là même qui avait si bien défendu l’orthodoxie, lors de l’affaire nestorienne, prit en mains les rênes du gouvernement. Elle fit reconnaître comme emp^ reur le sénateur Marcien, qu’elle épousa, et après s'être débarrassée de Chrysaphe, elle s’empressa d’annuler les décrets du brigandage d'Éphèse. Eutychès fut expulsé de son monastère et relégué dans un endroit voisin de Constantinople. Anatole ne tarda pas à l’anathématiser dans un synode qu’il tint a Constantinople, en signant la lettre dogmatique de saint Léon à Flavien. Tous les évêques d’Orient firent de même, sauf Dioscore et les siens.

Le concile de Chalcédoine acheva la défaite de l’hérésiarque. Celui-ci n’y parut point, car sa cause avait déjà été jugée. On ne s’occupa de lui qu’indirectement, en examinant, à la I « session, la procédure du brigandage d'Éphèse. A la IV session, les évêques égyptiens consentirent à l’anathématiser tout en refusant de signer le « tome » de Léon. Mansi, t. vii, col 53 sq. Quant à sa doctrine d’une seule nature en Jésus-Christ après l’union, efie fut solennellement condamnée dans la définition que porta le concile et qui constitue un exposé complet et très précis de la foi catholique sur le mystère de l’incarnation. Voir Chalcédoine (Concile de), t. ii, col. 2190-2208.

Avant l’ouverture du concile, le pape saint Léon avait demandé à l’impératrice Pulchérie, dans une lettre datée du 9 juin 451, d’exiler Eutychès plus loin de Constantinople. Episl., lxxxiv, ad Pulchenam Augustam, P.L., t. liv, col. 922. Il avait été obéi. Le vieil archimandrite fut transféré ailleurs, on ne sait ou : il passa par Jérusalem, où le prêtre Hésychius lui offrit l’hospitalité. Duchesne, Histoire ancienne de VEglise, t m p 471. Une lettre de saint Léon à l’empereur Marc’ien, du 15 avril 454, nous apprend que l’hérésiarque continuait, du lieu de son nouvel exil, a répandre ses erreurs. Aussi le pape réclamait-il pour lui une retraite plus retirée, qui le mettrait dans l’impossibilité de nuire à la foi orthodoxe. Epist., cxxxiv, col 1095 A partir de ce moment, l’histoire le perd de vue. Par un édit du 28 juillet 452, l’empereur Marcien avait condamné ses ouvrages au feu. Mansi, op. cit., t. VII, col. 501. Une paraît pas du reste avoir beau-