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EUTYCHÈS ET EUTYCII I ANISME

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autres moines de Constantinople le défenseur résolu du théoiocos. On ne le vil point au concile d'Éphèse, quoi qu’en aient dit certains historiens, qui l’ont identifié par erreur avec le diacre Eutychès, un des clercs de la suite de Cyrille d’Alexandrie. Tillemont, Mémoires pour servir ù l’histoire eeclésiasiique, Paris, 1711, t. XV, )). 487. Mais il intervint utilement en faveur de l’orthodoxie, en se joignant à la procession monacale qui, sous la conduite de l’abbé Dalmace, alla supplier l’empereur Théodose II de délivrer Cyrille et Meninon emprisonnés à Éphèse. Mansi, op. cit., t. vi, col. 628, 713. Cf. Nestorius, Le livre d’Hcractide de Damas, trad. Xau, Paris, 1910, p. 240 sq. Saint Cyrille l’avait en particulière estime et lui envoya un exemplaire des actes du concile de 431. Mansi, ibid., col. 631. Un peu plus tard, le syncelle de l'évêquc d’Alexandrie, Épiphane, dans une lettre à Maximien, successeur de Nestorius sur le siège de Constantinople, sollicitait l’appui d’Eutychès en même temps que celui de Dalmace contre la faction nestorienne de la cour. Synodicon, c. ccii, Mansi, op. cit., t. v, col. 989.

Eutychès resta fidèle à ses amitiés alexandrines et, comme nous le verrons, Dioscore, le successeur de Cyrille, mort en 444, ne sut que trop les mettre à profit. L’influence de l’archimandrite constantinopolitain s’accrut considérablement par le fait de la mort de saint Dalmace (vers 440) et par l’arrivée au pouvoir dès 441 de l’eunuque Chrysaphe, qu’il avait tenu sur les fonts baptismaux. Il usa et abusa de cette influence contre tous ceux qui lui parurent suspects de nestorianisme. Parmi ceux qui, du vivant même de Cyrille, avaient mené campagne contre Nestorius et ses maîtres, Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste, se trouvaient des apollinaristes déguisés et de vrais luonophysites. Tout ce monde tut heureux de se mettre en relation avec le fougueux antinestorien qui anathématisait publiquement Diodore et Théodore et jouissait de toutes les faveurs de Chrysaphe. De sourdes menées furent ourdies contre les Orientaux, partisans de deux natures dans le Christ. Eutychès en fut l'âme autant que l’instrument. Par Uranius, évêque d’Himéric en Osroènc, il cabalait contre Ibas d'Édesse. Par le solitaire Barsumas et d’autres agents, il s’en prenait à Domnus d’Antioche et à Théodoret. En Egypte, Dioscore ne demandait pas mieux que de se servir de lui pour assouvir ses rancunes contre les Orientaux et rabaisser le siège de Constantinople dont la prépondérance l’offusquait.

Dans le courant de l’année 448, une série de mesures vexatoires, où il était aisé de reconnaître la main du favori de Chrysaphe et celle du patriarche alexandrin, furent prises par le pouvoir impérial contre les évêques de Syrie. L’ancien ami de Nestorius, le comte Irénée, que Domnus avait élevé au siège épiscopal de Tyr, fut déposé, et un décret impérial du 16 février 448 renouvela la sentence portée en 435 contre les écrits de Nestorius et de Porphyre, en l'étendant à tous les écrits dirigés contre le concile d'Éphèse et saint Cyrille. Mansi, t. V, col. 417. Cette dernière clause visait directement Théodoret, qui essaya vainement de prendre la défense d' Irénée et fut bientôt obligé d'établir sa propre orthodoxie contre des accusations malveillantes, que Dioscore avait accueillies avec faveur. Epist., lxxxiii, P. G., t. lxxxiii, col. 1265. Bientôt un décret impé-rial lui ordonna de quitter Antioche, où il s'était rendu sur l’invitation de son patriarche, et de n’en plus sortir. Théodoret, Episl., lxxxvi-lxxxix, col. 1276 sq. Dioscore n’avait pas réussi à le faire accuser d’hérésie ; le décret prétendait simplement que l'évêque de Cyr était trop remuant, organisait trop de synodes et pouvait être l’occasion de troubles. Domnus lui-même se vit admonesté avec arrogance par le « Pharaon » .

P. Martin, Actes du brigandage d'Éphèse, p. 184 208-209.

A Constantinople, où Flavien avait remplacé Proclus en 446, Eutychès régnait en maître : « Comme il n'était pas évêque, dit Nestorius dans le Livre d’Hcractide, trad. Nau, p. 294-295, il se donnait un autre rôle, grâce au pouvoir impérial : celui d'évêque des évêques. C’est lui qui dirigeait les affaires de l'Église, et il se servait de Flavien comme d’un serviteur pour exécuter les ordres de la cour… Il chassait de l'Église comme hérétiques tous ceux qui ne partageaient pas ses opinions ; quant à ceux qui l’aidaient, il les élevait et il leur portait secours. » Eutycliès alla jusqu'à écrire au pape Léon pour lui signaler le péril que courait la foi par le fait du nestorianisme renaissant et pour accuser les Orientaux orthodoxes, comme Domnus et Théodoret. Sa lettre, écrite au printemps de 448, ne nous est pas parvenue, mais nous en connaissons l’objet par la réponse prudente f[u’y fit le pape. Cf. S. Léon, Epist., xx, ad Eutijchen consl. abbalem, P. L., t. Liv, col. 713 ; Mansi, t. v, col. 1323.

Cependant le terrible inquisiteur qui troublait tout l’Orient par son zèle intempestif et dont le faible cerveau était hanté par le spectre du nestorianisme, était loin d'être d’une orthodoxie irréprochable. On s’aperçut bientôt qu'à force de poursuivre l’erreur de Nestorius, qui enseignait deux personnes en Jésus-Christ, il tombait dans une erreur opposée, c’est-à-dire dans le monophysisme. Armé de la formule cyrillienne : une seule nature incarnée du Verbe (ata ç-JTt ; to-j WsoO Aoyo’j T£Taf, y.(j)[j.£vr|), qu’il était incapable d’expliquer d’une manière orthodoxe, il voyait des nestoriens dans tous ceux qui reconnaissaient deux natures dans le Christ et les persécutait sans merci : il ne voulait pas que l’on dît, , même en paroles, deux natures dans le Christ. Nestorius. Le livre d’Héraclide, p. 295. Les Orientaux paraissent avoir hésité quelque temps avant de dénoncer la nouvelle hérésie. L’archimandrite, derrière lequel se cachaient Chrysaphe avec la cour et le Pharaon d’Egypte, était si puissant 1 Théodoret le premier commença l’attaque dans son Eranistès, composé en 447. Sans nommer personne, il réfutait, en trois dialogues intitulés "Aip-Tcto ;, AcjjvyuTor, 'ATTaOr, ;, le monophysisme pur, celui qui confond les deux natures du Christ en une seule et compromet ainsi l’immutabilité et l’impassibilité de la nature divine. L'évêque de Cyr avait visé juste et ne dut pas être trop étonné des représailles d’Eutychès et de Dioscore, qui l’atteignirent l’année suivante. C’est vraisemblablement au début de cette année 448 que Domnus d’Atitioche s’enhardit jusqu'à accuser Eutychès d’apollinarisme dans une lettre synodale adressée à l’empereur Théodosc IL Facundus d’Hermiane, Pro defensione trium capilulorum, 1. VIII, c. v ; l. XII, c. V, P.L., i. lxvii, col. 723, 849. Mais cette attaque ne paraît pas avoir eu de suite. A Constantinople, le timide et peu combattit Flavien, qui était mal vu à la cour, Théophane, Chronographia, an. 5940, Bonn, t. I, p. 150, et que Chrysaphe aurait voulu remplacer par Eutychès, n’avait pas été le dernier à s’apercevoir des erreurs de l’archimandrite, mais il louvoyait, n’osant l’attaquer en face. D’après Nestorius, il essayait d’humbles remontrances pour éviter une rupture : « Flavien envoya vers Eutychès, comme on le raconte, pour le prier et le supplier d’avoir pitié des Églises de Dieu, qui avaient été très éprouvées par les troubles précédents ; il leur suffisait de ce cju’on avait décidé lorsqu’on avait fait la paix (l’union de 433 entre saint Cyrille et Jean d’Antioche). » Le livre d’LIéraclide, p. 295. Mais l’orgueilleux archimandrite repoussa ces sages conseils : « On s’imagine que les hommes ont été purifiés des erreurs de Nestorius tandis qu’ils les ont adoptées. On croit que nous avons