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EUSTATHIENS D’ANTIOCHE

EUSTRATE

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Tel n’est pas l’avis de l’ensemble des critiques et des historiens du dogme. La plupart, au contraire, placent en première ligne les malentendus dogmatiques, et seulement au second rang les questions disciplinaires et les influences personnelles. Ce n’est que dans l’exposé de ces malentendus dogmatiques que se manifestent généralement les nuances d’opinion. Les protestants d’Allemagne mettent en avant l’opposition de deux théologies, et regardent la théologie du parti mélécicn comme une déformation de la doctrine de Nicéc. A les entendre, ce serait même cette déformation qui, adoptée par les docteurs cappadociens, serait ensuite devenue l’orthodoxie grecque. Cette thèse n’est certainement pas la vérité. L’ensemble des auteurs catholiques reconnaissent l’orthodoxie de Mélècc à partir de l’année 363 ou des années suivantes. Mais ils afilrment, en outre, que sa théologie n’a pas toujours été immuable. « Cet évêque, que ses malheurs ont rendu dans la suite très respectable, venait d’un peu loin. Il a eu pour les personnes et les doctrines de l’arianisme une indulgence inquiétante. Mélèce était du nombre des évêques orientaux qu’un mouvement graduel a réunis à l’orthodoxie. Les eustathiens d’Antioche, connaissant mieux que personne cet état de choses, en ont été fortifiés dans leur opposition à Mélèce. » L. Saltet, Le schisme d’Antioche au /re siècle, dans le Bulktin de litlératurc ecclésiastique, 1906, t. viii, p. 123.

Un écrivain catholique contemporain, le P. E. Bouv>', proposait naguère, comme explication du schisme antiochien, une dualité de tradition théologique comprise d’une manière différente de celle qu’exposent les protestants d’Allemagne. « Dans l'école d’Antioclie, on signale une tradition qui a pour point de départ la doctrine de Paul de Samosate, qui s’amende et se réconcilie avec l’orthodoxie dans la personne de saint Lucien le martyr, qui conserve des affinités suspectes avec les ariens ou les semi-ariens, qui enfin aboutit à une hérésie nouvelle avec Théodore de Mopsueste et Nestorius. Tout cela est vrai, sans doute, mais, à côté de cette tradition lucianiste, n’y en a-t-il pas une autre qui s’accorde avec la première sur plusieurs points, mais non sur tous, qui est, comme la première, hostile à Origène, mais qui se montre beaucoup plus intransigeante dans la lutte contre l’arianisme ; qui n’est point d’ailleurs originaire d’Antioche, mais qui est venue d’Asie-Mineure, plus exactement de Pamphylie avec saint Eustathe de Side, et qui, selon toute probabilité, se rattache directement à saint Méthode d’Olympe et peut-être à l’apologiste Athénagore ? Cette dualité de tradition à Antioclie n’estelle pas la seule explication plausible du long schisme qui désola l'Église de Syrie ? » E. Bouvy, La méthode historique et les Pères de l'Église, dans la Revue augustinicnne, 1905, t. vi, p. 171.

On le voit, très divergentes sont les théories concernant les motifs dogmatiques du schisme antiochien. Mais, quelle que soit la nuance d’opinion que l’on adopte, il paraît bien certain que les divisions doctrinales expliquent mieux que toute autre raison l’obstination des eustathiens. Il faut en tenir compte pour comprendre qu’il y ait eu à Antioche, de 330 à 398, deux partis ecclésiastiques, dont chacun se prétendait catholique et revendiquait la possession légitime du siège épiscopal. Les eustathiens, appelés aussi pauliniens du nom du successeur d’Eustathe reconnu par eux, voulaient demeurer fidèles à la doctrine de saint Eustathe exilé par les ariens en 330. Ce parti fut le seul reconnu par les patriarches d’Alexandrie et aussi, en définitive, par Rome : Le parti mélécicn eut pour chef ce.Mélèce dont l’ortliodoxie avait été quelque temps suspecte et pouvait dès lors le demeurer aux yeux des adversaires. Il avait été nommé^ d’ailleurs, en 360,

par les homéens successeurs des évêques ariens qui avaient occupé le siège d’Antioche après Eustathe.

Théodoret nous a laissé le récit de la première réconciliation des eustathiens avec le reste de l'Église antiochienne sous l'épiscopat d’Alexandre. Les exhortations persuasives de cet évêque, dit l’historien, « réunirent les euslathiens au reste du corps de l'Église et l’on improvisa une fête telle que jamais personne n’en avait vu de pareille. A la tête de tous ses fidèles, clergé et peuple, Alexandre se rendit au lieu de réunion des eustathiens. Il les prit dans son cortège, on chanta des hymnes, on déroula les chants à l’unisson, depuis la porte occidentale jusqu'à la grande église ; la place publique était remplie d’hommes, et un courant humain apparut serpentant tout le long de l’Oronte. Les juifs, les ariens et les quelques païens qui restaient à Antioche, voj^ant ce spectacle, gémissaient et se lamentaient : tous les autres fleuves venaient ainsi se jeter dans l’océan de l'Église ! » Théodoret, H. E., 1. V, c. xxxv ; cꝟ. 1. III, c. II, P. G., t. lxxxii, col. 1265 sq., 1088 sq. C'était vers 414 ou 417. Ajoutons que le pape saint Innocent I^ avait une part importante dans cette réconciliation qui coïncide avec celle des joannites ou partisans de saint Jean Chrysostome, et que le pape avait demandée comme condition de la reconnaissance d’Alexandre. Cf. Cavallera, op. cit., p. 293.

Tout ne fut pas fini cependant. « Un groupe d’eustathiens demeura irréductible. Le souvenir d’Eustathe suggéra à un évêque, qui ne passa que trois ans à Antioche et mourut exilé lui aussi, le moyen de ramener les derniers dissidents. » Cavallera, ibid. Vers 482, l'êvêque Calendion obtint de l’empereur Zenon l’autorisation de faire rapporter, de Trajanopolis de Thrace ou de Philippes de Macédoine, les reliques de saint Eustathe. On fît à ces restes vénérés un accueil triomphal. Toute la ville se porta à leur rencontre à une certaine distance d’Antioche. Et à l’occasion de ce retour de leur chef parmi eux, les quelques eustathiens, jusque-là réfractaires, se réunirent définitivement au corps de l'Église. Théodore le Lecteur, H. E., 1. II, c. I, P. L., t. Lxxxvi, col. 183 ; Théophane, Chronographia, a. m. 5981 (a. C. 481), P. G., t. cviii, col. 324 ; Victor de Tunnuna, Chronica, dans Mommsen, Chronica minora, Berlin, 1894, t. ii, p. 191 ; cf. Boschius, rrnf/a/( ; s historico-chronologicus de patriarchis Antiochenis, dans Acta sanctorum, julii t. iv, § 49, n. 408.

Sans voir nécessairement dans le schisme eustathien d’Antioche le prélude du schisme photien, considération contre laquelle proteste à bon droit Cavallera, op. cit., p. 323, il semble impossible de méconnaître l’importance théologique de ce long conflit.

Cavallera, Le schisme d’Antioche (/r'-re siècle), Paris, 1905, spécialement, p. 267-323 ; Saltet, Le schisme d’Arr tioche au ive siècle, dans le Bulletin de lilléralure ecclésiastique, 1906, t. VIII, p. 123 sq. ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 645-646.

S. Salaville.

    1. EUSTRATE##


EUSTRATE, de Constantinople, au VI'e siècle. C'était un prêtre attaché à l'église de Sainte-Sophie, familier du patriarche Eutychius, qu’il suivit dans son exil à Ainasée et, lorsque celui-ci revint sur la chaire patriarcale, il l’assista à sa mort survenue le 6 avril 582 et prononça l’année suivante, semble-t-il, en présence de l’empereur Maurice, son oraison funèbre qui constitue aujourd’hui la biographie de ce patriarche. Le texte dans P. G., l. lxxxvi, col. 2273-2390 ; dans les Acta sanctorum, t. i aprilis, p. li-lxx, et en traduction latine, op. cit., p. 547-569. On connaît de lui un autre ouvrage intitulé : Aôy& ; àvaipeTtiixor irpb ; toÎ/ ; liyo'/Tx ; (XTi èvspYcïv tàç Ttov àvÔpojTiajv ij/uxàç (XErà ty)v Sii’s’j^iv T(ôv êauT5)v o-wjj.aTwv… Il y réfute, comme l’indique