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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


ment, et cette doctrine comprend des points déflnis aussi bien que de simples enseignements certains. Elle a été publiée par Eugène IV dans la bulle Exullatc Deo, du 22 novembre 1439.

2. Son enseignement eucliarislique.

Dans la liste des sept sacrements, l’eucharistie est placée la troisième après le baptême et la confirmation. Avec les cinq premiers, ce sacrement a été institué pour la perfection spirituelle de chaque chrétien en particulier, et il est le divin aliment des baptisés ou des confirmés. Comme tous les autres, il est constitué par trois choses qui sont absolument nécessaires à sa confection : videlicel rébus ianqiiam malcria, vcrbis lanquam forma, et persona minislri conjerenlis sacramentum cum inteniione faciendi quod jacil Ecclesia. C’est un des quatre sacrements, qui n’impriment pas de caractère et qui peuvent être réitérés. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 695.

Le paragraphe spécial, consacré à ce troisième sacrement, expose explicitement sa matière, sa forme et ses effets. La matière est du pain de blé et du vin de la vigne, auquel on doit mêler, avant la consécration, un peu d’eau (aqua modicissima). Comme les Arméniens ne pratiquaient pas le mélange d’eau au viii, voir 1. 1, col. 1956 ; t. ii, col. G98, on insiste longuement à son sujet. On justifie ce mélange par plusieurs raisons : a) les Pères et les docteurs de l'Église attestent que Jésus lui-même a institué l’eucharistie en se servant de vin mêlé d’eau ; b) il exprime le symbolisme relatif à la passion, qui a été indiqué dans une fausse décrétale du pape Alexandre I « % et suivant lequel le vin et l’eau du calice représentent le sang et l’eau qui ont coulé du côté du Christ sur la croix ; c) le symbolisme d’un des effets de l’eucharistie, à savoir, l’union du peuple chrétien au Christ, conformément à la parole de l’Apocalypse, xvii, 15 : Aquæ multœ… poputi mulli, et à la fausse décrétale attribuée au pape Jules I"'. Cet usage, suivi par l'Église romaine et par les Églises latine et grecque dès l’origine, doit être adopté partout. Aussi décide-t-on que les Arméniens eux-mêmes doivent se mettre d’accord avec le monde chrétien tout entier et que leurs prêtres doivent mêler au vin un peu d’eau à l’oblation du calice. La forme de l’eucharistie est dans les paroles mêmes par lesquelles le Sauveur a consacré ; le prêtre, en effet, dans la confection du sacrement, parle in persona Clirisli. Par la vertu de ces mêmes paroles, la substance du pain et celle du vin sont changées, l’une au corps, l’autre au sang du Christ, de telle sorte, toutefois, que le Christ tout entier soit contenu sous chaque espèce et sous cliaque partie de ces deux espèces après la séparation. Cette décision visait l'épiclèse qui, selon les Arméniens, voir t. i, col. 1956 ; t. ii, col. 698 ; cf. cependant t. v, col. 255-256, 263-264, opérait la consécration. Quant à l’elîet de l’eucharistie dans l'âme du digne communiant, c’est l’union du fidèle au Christ, et comme cette union se fait par la grâce, il en résulte que la grâce est augmentée dans les dignes communiants et que tous les effets produits par la nourriture et la boisson matérielles en vue de la vie corporelle, sustentando, augendo, reparando cl deleclando, sont réalisés par ce sacrement en vue de la vie spirituelle, selon une parole du pape Urbain. Denzinger-Bannwart, n. 698.

Décret pro jacobilis.

Ce décret, publié encore

par Eugène IV dans la bulle Cantate Domino du 4 février 1441, reproduit les précédents décrets progreecis et pro Armenis. Il ajoute à ce dernier une détermination, qu’il ne contient pas, sur la forme des paroles de la consécration du corps et du sang du Seigneur, que l'Église romaine a eu toujours coutume d’employer. Or, pour consacrer le corps du Christ, elle se sert de cette forme : Hoc est enim corpus meum, et pour le sang.

de cette autre : Hic est enim calix sanguinis mei, noui et œlcrni Testamenti, myslerium fldei, qui pro vobis et pro mullis cffundeliir in remissionem peccalorum. C’est l'énoncé d’un fait, et non d’une définition sur la forme qu’il serait nécessaire d’employer pour la validité du sacrement. Quant au pain de blé, avec lequel se fait le sacrement, il n’y a absolument aucune importance qu’il soit cuit le même jour ou auparavant, car, pourvu, , en effet, que la substance du pain demeure, il n’y a aucun doute à avoir qu’aussitôt après que les paroles de la consécration du corps ont été prononcées par le prêtre avec l’intention de consacrer, le pain ne soit transsubstantié au vrai corps du ^Christ. DenzingerBannwart, n. 715.

E. Mangenot.

VII. EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE. — Le concile de Trente, réuni pour condamner les erreurs des protestants, eut nécessairement à s’occuper de l’eucharistie, et il fit sur la matière des canons et des chapitres, que nous avons à expliquer. — I. Histoire du texte. II. Doctrine du concile.

I. Histoire du texte.

La discussion de la doctrine de l’eucharistie se ressentit, plus qu’aucune autre, des difficultés politiques qui troublèrent le concile. Loin de se poursuivre dans une tranquille continuité, elle dut être interrompue à diverses reprises, et parfois pour de longues années avant de s’achever. Commencée à Trente en février 1547, poursuivie à Bologne en mai de la même année, puis abandonnée, elle ne fut reprise à Trente qu’en 1551 ; là même, on crut devoir différer l’examen de certains articles qui ne furent discutés et définitivement promulgués qu’en 1562.

Il est nécessaire, si l’on veut exposer clairement l’histoire assez compliquée de ces discussions, d’en étudier séparément les diverses phases.

1 » Les discussions à Trente en 1517. — Dans une congrégation générale du 31 janvier 1547, le cardinal de Sainte-Croix proposa une nouvelle méthode destinée, dans sa pensée, à hâter les travaux du concile. Pendant que les Pères s’occupaient des sacrements en général, du baptême et de la confirmation, ou examinaient les canons de réforme sur la résidence, les théologiens pourraient traiter tout de suite de l’eucharistie. La raison qu’invoquait le cardinal était que, beaucoup de ceux-ci devant bientôt s’absenter pour les prélications du carême, il importait qu’ils eussent, avant leur départ, fourni une matière suffisante aux délibérations des prélats. On mènerait donc de front la double besogne. Massarelli, Diarium, III, dans Mcrkle, ConcHiiim tridenlinum, Fribourg-enBrisgau, t. i, p. 608 ; Theiner, Acto genuina SS. œcumenici concilii tridentini, Agram, 1874, t. i, p. 405.

On avait rédigé dix articles qui devaient servir de base aux discussions et dans lesquels on avait essayé de condenser les doctrines condamnables. En voici la teneur : « 1. Dans l’eucharistie, il n’y a pas réellement le corps et le sang de Notre-Seigneur JésusChrist, mais seulement en signe, comme on dit que le vin est dans l’enseigne d’une auberge. 2. Dans l’eucharistie, le Christ est donné ; mais il ne peut être mangé que spirituellement par la foi. 3. Dans l’eucharistie, il y a le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais en même temps que la substance du pain et du vin ; ainsi il n’y a pas transsubstantiation, mais union hypostatique de l’humanité du Christ avec la substance du pain et du Vin. 4. On ne doit pas adorer le Christ dans l’eucharistie, ni l’honorer par des fêtes, ni le promener en processions, ni le porter aux malades ; ceux qui l’adorent sont de vrais idolâtres. 5. Une faut pas conserver l’eucharistie dans le sanctuaire, mais la consommer tout de suite et la donner aux présents ; agir autrement, c’est abuser de