Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

1549

EUSEBE DE NICOMÉDIE

1550

semblée, n’avait pour but que de décliner la compétence et la suprématie du pape. Elle est’importante à un autre point de vue, parce qu’elle marque l’attitude nouvelle prise par les eusébiens dans la question doctrinale, relative à la foi de Nicée. Sous l’influence d’Eusébe et de ses partisans, bien qu’ils ne fussent que la minorité, le concile tint pour non avenue la sentence de Jules, et formula deux canons en particulier, qui visaient nettement saint Athanase pour empêcher définitivement sa réintégration sur le siège d’Alexandrie. D’après le canon 4, en effet, l’évêque déposé par un synode, qui oserait continuer ses fonctions, ne doit plus compter d’être réintégré. D’après le canon 12, j.’évêque, déposé par un synode, qui vient importuner l’empereur au lieu de porter sa cause devant un synode plus considérable, n’a plus droit au pardon, ne peut plus présenter sa défense et doit perdre tout espoir d’être réintégré. Lauchert, Die Kanones der wichtigsten allkirchlichen Concilien, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 43, 46. En même temps, au concile d’Antioche, se produisent coup sur coup trois formules ou professions de foi, bientôt suivies d’une quatrième, recueillies par saint Athanase. De synodis, 22-25, P. G., t. XXV, col. 720 sq. ; cf. Hahn, Bibliolhek der Symbole, 3e édit., § 153-156. Toutes passent sous silence r6|j.oo’j<jio : de Nicée ; mais les trois dernières abandonnent l’arianisme proprement dit, sauf à accuser de sabellianisme la doctrine de Nicée. Elles inaugurent l’ère des formules dogmatiques et forment, selon l’expression de Socrate, l’entrée de ce labyrinthe de professions de foi, dans les détours duquel devait s’égarer par la suite la croyance de l’Église d’Orient. La première seule nous intéresse ici, parce qu’elle est manifestement l’œuvre d’évêques qui, au concile de Tyr et à Jérusalem, avaient pris fait et cause pour Arius, et qu’on peut y voir, sans la moindre témérité, la main d’Eusèbe de Constantinople et de ses partisans. Voir t. I, col. 1810. « Nous ne sommes pas, y est-il dit, des sectateurs d’Arius. Comment, étant évêques, pourrions-nous nous mettre à la suite d’un prêtre ? Nous n’avons pas d’autre foi que celle qui a été transmise dès le commencement. Mais ayant eu à nous enquérir de sa foi, à lui, et à l’apprécier, nous l’avons plutôt accueilli que suivi. Vous le verrez par ce que nous allons dire. » Suit la formule, dont la lettre est orthodoxe, mais dont le sens reste néanmoins marqué d’une tendance antinicéenne, et où le terme ô|j, oo’jiTio ; est soigneusement omis.

Mort d’Eusèbe.

La réponse du pape Jules à la

lettre d’Eusèbe de Nicomédie et de ses collègues fut ferme ; mais quand elle parvint en Orient, l’un de ses principaux signataires n’était plus. Eusèbe, en effet, était mort à la fin de cette même année ou au commencement de 342, en communion extérieure avec l’Église, puisque le schisme latent n’était pas déclaré. Il avait jusque-là renversé tous les obstacles sauf ses rancunes et son ambition, et triomphé de tous sauf de lui-même. Triste figure d’un évêque intelligent et habile, mais ambitieux et intrigant, ami du pouvoir pour arriver à ses fins, inspirateur et soutien acharné d’une erreur doctrinale, qui lui fit soutenir, trop souvent par des moyens malhonnêtes et injustes, contre les champions de l’orthodoxie, une lutte âpre, incessante, où il goûta peut-être l’amère joie de la vengeance satisfaite, mais où il a perdu à coup sûr tout droit au moindre éloge de la’postérité. « S’il se fût toujours mêlé de ses propres affaires, dit Mgr Duchesne, Hist. anc. de V Église, t. ii, p. 212, et qu’il n’eût pas eu la fatale idée de s’interposer entre Arius et son évêque, l’arianisme serait resté un conflit alexandrin, et l’on eût pu le réduire sans trop de peine. Mais Eusèbe déchaîna contre l’évêque d’Alexandrie d’abord l’épiscopat d’Orient, puis l’empereur et l’empire. La mé moire de ce prélat intrigant, chez lequel on ne relève aucun trait sympathique, demeure chargée d’une lourde responsabilité.

D’autre part, en essayant de mettre la main sur toute l’Église d’Orient, en revendiquant son autonomie et son indépendance vis-à-vis de l’Église romaine, tout en faisant appel au pape contre l’évêque d’Alexandrie, Eusèbe de Nicomédie préluda à la rivalité qui devait un jour se traduire par la séparation et le schisme.

V. Sa funeste influence.

1°A Sardique et à Philippopolis. — Eusèbe de Nicomédie était mort évêque de Constantinople, mais son esprit d’intrigue, de chicane et de rouerie lui survécut ; il laissait plusieurs héritiers de sa tactique, qui allaient continuer son œuvre avec un égal acharnement. Les évêques de son parti commencèrent par élire comme évêque de Constantinople un digne remplaçant d’un tel brouillon, Macédonius, contre l’évêque Paul que les orthodoxes avaient rappelé ; puis ils l’intronisèrent de force, non sans occasionner l’effusion du sang. Pendant ce temps, Narcisse de Néronias, Maris de Chalcédoine, Théodore d’Héraclée et Marc d’Aréthuse portaient inutilement en Gaule la quatrième formule d’Antioche. L’empereur Constant, pour répondre aux désirs du pape Jules, obtint de son frère. Constance, la convocation d’un concile à Sardique, aujourd’hui Sophia, pour y régler tous les différends qui agitaient l’Église. La mesure était opportune et nécessaire, mais les eusébiens, plus attachés que jamais aux décisions du concile de’Tyr, allaient, pour leur part, la rendre illusoire. Il fallait bien obéir pourtant, puisque tel était l’ordre de Constance. Ils obéirent donc, mais avec le projet bien arrêté de ne paraître à Sardique, ni comme juges, la chose était jugée, ni comme parties ; à quoi bon siéger de nouveau, quand on avait déjà siégé et délibéré canoniquement ? Les eusébiens arrivèrent au nombre de soixante-seize et se trouvèrent en face de quatre-vingt-quatorze orthodoxes. Tous les principaux évêques de leur parti étaient là : Etienne d’Antioche, Acace de Césarée, Basile d’Ancyre, Théodore d’Héraclée, Marc d’Aréthuse, Maris de Chalcédoine, Ursace et Valens. Ils exigèrent tout d’abord qu’on maintînt les dépositions prononcées en Orient contre Athanase, Marcel d’Ancyre et les autres. Sur le refus de la majorité, qui entendait ne rien préjuger et agir en connaissance de cause, et sous d’autres prétextes, ils quittèrent Sardique et se rendirent à Philippopolis, qui dépendait de l’empereur Constance. Là ils rédigèrent une lettre, où ils déclaraient refuser d’admettre qu’Athanase, Marcel et les autres pussent être réhabilités par des gens sans autorité, qui ne connaissaient pas les faits, et que les Occidentaux eussent la prétention de reviser la sentence des Orientaux. Ils maintinrent donc toutes les sentences précédemment portées en Orient contre les évêques visés, et, payant d’audace, ils déclarèrent déposés et excommuniés le pape Jules, le vieil Osius et tous les évêques assemblés à Sardique. Leur lettre encyclique était adressée à Grégoire d’Alexandrie, Amphion et Nicomédie, Douât, l’évêque schismatique de Carthage, et aux autres évêques, prêtres et diacres de l’Église catholique. S. Hilaire, Fragm., iii, P. L., t. X, col. 658 sq. En outre, ils formulèrent une profession de foi, identique au fond à la quatrième formule d’Antioche, où l’arianisme pur est condamné. C’était la guerre religieuse de nouveau rallumée. Mais les évêques restés à Sardique jugèrent qu’Athanase, Marcel et les autres devaient être réintégrés sur leurs sièges. Ils proposèrent même une fomiule de foi, qui pourtant fut laissée de côté, mais que les eusébiens devaient exploiter dans la suite. Ils portèrent enfin plusieurs canons, dont quelques-uns visent nette-