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1513 EUNOMIUS - EUxNOMlΠUT YCHIENS (E UNOMIΠUPSYCHIENS) 1514

lisine pur et le système cartésien des idées innées se rencontreraient.

Saint Grégoire de Nysse considère cette théorie eunoinienne comme dépendant, au moins médiatement, de la philosophie platonicienne du langage, telle qu’on la trouve dans le dialogue intitulé Kpar’jXoç. M. Diekamp confirme ce jugement, p. 149 sq., en relevant dans cet écrit diverses assertions semblables ou analogues à celles d’Eunoniius, en particulier sur le rapport naturel qui existe entre les choses et leurs noms, sur la prérogative essentielle à tout vrai nom de désigner les êtres par leur nature ou leurs propriétés, sur la dénégation de cette prérogative aux noms donnés arbitrairement, sur la nécessité d’une sagesse éminente et supérieure à la sagesse humaine dans celui qui impose les noms.

La connexion de cette idéologie avec les points de la théodicée eunomienne précédemment exposés, est trop étroite et trop facile à saisir pour qu’il soit nécessaire de s’y arrêter. De même, la réfutation de cette théorie se rattache, comme la partie au tout, à la réfutation générale de la théodicée eunomienne. Voir Dieu (.Sa nature d’après les Pères), t. iv, col. 1083 sq.

Vie chrétienne.

Eunomius proclamait ce principe, en le reliant à l’enseignement « des hommes

saints et bienheureux, » apparemment ceux de son parti : « Ce qui donne au mystère de la piété sa vraie sanction, ce n’est ni la sainteté des noms, ni la propriété des rites et des symboles mystiques, mais l’exactitude de la doctrine. » S. Grégoire de Nysse, Contra Eunom., 1. XI, col. 878 sq. Ce principe allait de luimême à déprécier le rôle et l’importance des sacrements et des observances liturgiques, dans l’entretien et le développement de la vie chrétienne. La liberté avec laquelle les eunomiens passaient de la théorie à la pratique est suffîsamment attestée par leur conduite dans l’administration du baptême. Voir Anoméens, 1. 1, col. 1325. Au même esprit d’intellectualisme abstrait et rationaliste se rattachent l’aversion d’Eunomius pour l’ascétisme chrétien, signalée par l'évêque de Nysse, 1. I, col. 282, et l’opposition au culte des saints et des reliques, dont parlent Astère d’Amasée, Homil., x, P. G., t. xl, col. 331, et saint Jérôme, In VigilaRtium, c. viii, P.L., t. xxiii, col. 347.

Malgré ces tendances, et peut-être à cause de ces tendances, il est de mode parmi les protestants modernes de tracer d’Eunomius un assez beau portrait ; on loue sa décision et son courage, la fermeté et la noblesse de son caractère, son désintéressement, parfois même l’intégrité de ses mœurs. Saint Grégoire de Nysse, 1. I, col. 265, 282, n’est pas aussi flatteur pour le personnage ; et, comme il défie ses adversaires de lui porter un démenti, il semble bien qu’il ait ses rai- ! sons pour porter ce jugement. A l’exemple de New- ' man, The arians oj tlic fourlh ceniurij, Londres, 1876, p. 339, on peut rendre un certain hommage à cette franchise de conviction qui porta le chef des eunomiens à dédaigner, habituellement parlant, les dissij Ululations et les compromis, à une époque où les aca- ! ciens et les cudoxiens donnèrent tant d’exemples de servilité vénale. En raison de la réelle originalité avec laquelle la figure d’Eunomius se détache, C. Ullmann a pu l’appeler « l’un des plus intéressants hérétiques du ive siècle. » Gregorius von Nazianz der Tlieologe, Gotha, 1867, p. 221. Mais ce point de vue relatif ne doit pas faire oublier ce qu’il y avait de foncièrement ruineux dans ce philosophisme rationaliste, doublé ] d’un dialecticisme purement mécanique, où les mystères fondamentaux de la foi chrétienne, interprétés en dehors de la vraie tradition, perdaient leur signification.

I. Sources anciennes pour la biographie d’Eunomius. — Les historiens ecclésiastiques cités au cours de l’article :

Philostoigc, spécialement renseigné comme anoméen, mais partial dans son appréciation des faits et gestes d’Eunomius ; Socrate, Sozomène et Théodoret. Quelques détails complémentaires dans saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, 1. I.

II. ÉCRITS.

Photius, BiWio// ! CC « , cod. 137, 138, P. G., t. ciii, col. 416 sq. ; Basnage, Aniniadversioiies circa Eiinomiiim et efits scripta, dans son édition de II. Canisii Lecliones antiquæ, t. i, p. 172 sq. ; J. A. Fabricius, Bibliolliecn grœca, édit. Harles, Hambourg, 1801, t. ix, p. 207 sq. ; C. H. G. Rettberg, Marcelliana. Accedil Eunomii ExOtir. ; T.lrt-u., :, Gœttingue, 1794 ; O. Bardenhewer, Les Pères de l'Éf/lise, trad. Godet, Paris, 1899, t. ii, p. 12.

III. Synthèses historiques ou dogmilTiques.

- Til— lemont. Mémoires, Paris, 1704, t. vi, art. 96-100, p. 501 sq. ; F. Diekamp, Die Gotlestchre des lieiligen Gregor von Nijssa, Munster, 1896, part. I, c. ii, m ; Scliwane, Histoire des dogmes, 2e édit., trad. Degert, Paris, 1903, t. ii a, Cl, § 3 ; c. II, § 15, p. 37 sq., 198 sq. ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 888 sq.

Auteurs protestants : C. R. W. KIose, Gescliictite iind Lehre des Eunomius, Kiel, 1833 ; A. Neander, GenernZ liiflorg o/ Ihe cljrislian religion and Church, trad. J. Terry, Londres, 1851, t. IV, p., 58 sq. ; A. Venables, art. Eunomius, dans .4 dictionarg of clirislian biograptuj, Londres, 1880, t. ii, p. 286-290 ;.T. A. Dorner, Historg of the development of Ihe doctrine of tlie person of Clirist, trad. Simon, Edimbourg, 1897, part. I, t. ii, p. 264 sq., 499 (note 50) ; F. Loofs, art. Eunomius, dans Realencgl<lopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1898, t. v, p. 597601.

X. Le B.chelet.

EUNOMIŒUTYCHŒNS (EUNOMIŒUPSYCHIENS). Hérétiques de la fin du ive siècle, ainsi appelés d’Eunomius, l’un des ciiefs des anoniéens, voir Anoméens, Eunomius, et d’Eutychius, EJTjyto :, l’un des disciples d’Eunomius, d’après Sozomène, H. E., VII, 17, P. G., t.Lxvii, col. 1464, 1465. D’après Nicéphore Calliste, au contraire, H. E., xii, 30, P. G., t. cxLvi, col. 842, il faudrait les appeler eunomioeupsychiens ; mais comme Nicéphore dépend de Sozomène, il y a lieu de croire à une erreur de transcription pour le nom du chef de cette secte, Ivj’l-jyioç pour Eùrj/tor.

Vers 379, des divisions éclatèrent parmi les anoméens. Les uns, avec le Cappadocien Théophronius, prétendaient qu’il y a diversité et changement dans la connaissance divine, suivant qu’elle a pour objet le passé, le présent ou l’avenir : d’où leur nom d’eunomiothéophroniens ; les autres, avec le laïque Eutychius de Constanlinople, soutenaient que le Fils, ayant tout reçu du Père, connaissait l’heure de la fin du monde et du jugement dernier : d’où leur nom d’eunomioeutychiens. On objectait à ces derniers ce texte formel : « Pour ce qui est de ce jour et de cette heure, nul ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul, » Marc, xiii, 32 ; cf. Matth., xxiv, 36, et l’on blâmait en conséquence la nouvelle exégèse. Mais loin de se tenir pour battu, Eutychius alla trouver son maitre Eunomius 'dors en exil. En même temps que lui, ses adversaires expédièrent un diacre et d’autres délégués pour faire condamner Eutychius et discuter au besoin avec lui. Ce fut en vain, car, à leur grand étonnement, Eunomius donna raison à Eutychius, et, chose plus grave parce qu’elle était contraire à tous les usages de la secte, il pria avec lui sans exiger une lettre de recommandation. Ainsi désavoués, les adversaires d’Eutychius attendirent la mort d’Eunomius, survenue peu après 392, et refusèrent dès lors d’avoir tout rapport avec celui qu’ils traitaient de dissident irréductible. Le parti anoméen fut alors scindé ; Eutychius fit bande à part et donna son nom à ses partisans.

Au point de vue doctrinal, les eunomioeutychiens erraient comme les anoméens sur la nature du Fils de Dieu, en soutenant qu’il n'était ni consubstantiel ni semblable à son Père, et ils prétendaient avec Eutychius que, malgré son infériorité de nature, le Fils