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DIEU (SA NATURE D’APRES LA PHILOSOPHIE MODERNE


Dieu que propose Malebranclie, le caractère intellectualiste. Il convient de signaler maintenant un autre caractère, que, faute <Tun meilleur terme, nous appellerons mystique. Dans la théodicée de Descartes, le Dieu de la raison semble juxtaposé, sinon étranger, au Dieu de la révélation. Dans latbéodicée de Malebranclie, les deux notions se relient si intimement, que la transition est insensible et la distinction supprimée. Le Verbe unit la philosophie a^’ec la théologie, comme il rapproche Dieu et le monde. Sans nier l’enseignement chrétien : que l’œuvre de Jésus-Christ fut de racheter le monde, il pense que la rédemption n’épuise pas le sens et les trésors de l’incarnation. Celle-ci répond encore à d’autres fins, que pressent le philosophe. Au inonde si peu consistant, en effet, comment donner de la solidité ? Comment élever jusqu’à Dieu des êtres si distants de lui ? Comment aider le néant à lui rendre gloire ? Dieu s’incarne ; il s’incarne, c’est-à-dire qu’il unit à sa personne divine, non pas un ange, mais un homme. Dès lors, esprit et matière, les deux éléments de la création sont transfigurés. Le monde n’eût-il pas eu besoin d’être purifié, il convenait encore à la majesté du créateur qu’il fût divinisé. Malebranclie réclame le droit de parler, comme philosophe, du Dieu incarné.

Toutes les questions théologiques se relient. Une fois la soudure faite, ou plutôt, une fois la continuité naturelle rétablie, entre la métaphysique et le dogme, le philosophe voit foute la doctrine révélée passer devant ses yeux. Il ne pourra plus se récuser et invoquer son incompétence. Malebranclie, quelque embarras qu’il éprouve parfois, accepte cette conséquence de son principe sur les rapports de la raison et de la foi. Ainsi convient-il qu’il lui faut définir, non seulement le miracle mais la grâce. Il le fait, conformément à sa théorie sur les lois générales de la providence. Il affirme que l’ordre de la nature et l’ordre de la grâce sont soumis à la même divine méthode. Si les miracles font brèche aux lois naturelles que nous connaissons, ils s’opèrent néanmoins en vertu de lois générales, que nous ignorons. Joly, op. cit., p. 163, 179, 195.

Pascal 1623 I(162) prend à l’égard du Dieu de la philosophie une altitude qui ne correspond ni à celle de Descartes, ni à celle de Malebranclie. Il ne juxtapose pas la notion naturelle de Dieu et la notion révélée, comme le premier. Il ne les confond pas non plus, comme le second. Il sacrifie la première au profit de la seconde. Sans doute, on peut, « selon les lumières naturelles, i et en vertu des règles d’un sage pari, estimer prudent de croire en Dieu. Mais de là à être persuadé que Dieu existe, il J a une distance que Pascal luiméme se plaît à signaler. Pentéet, édit. Havet, Paris, 1880, a. 10, n. I. i Nous connaissons l’existence de l’infini, mais « parce qu’il a étendue comme nous. » l’n tel iiilini, qui semble identiques l’espace, et qui, coin me l’espace, est un être tout idéal, dont le fondement seul e-i réel, mais matériel ; un infini si improprement nommé, et qu’il faudrait plutôt appeler indéfini, ne représente pas la divinité, g Nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni étendue ni bornes, i i Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. i limi. v.n dépit

du ps. XVIII, du C. KXXVIII du livre de Job, du c. l de

l’Épltre aux Romains, l’K Pascal écrit : « C’est une

admirable que jamais auteur canonique ne servi de la nature pour prouver Dieu, i a. 10, n. 3.

A quoi sert-il, da reste, de connaître Dieu par raisonnement ire di persuasion t le double défaut d’être « inutile au salut », a, 8, n. I.ef d’être précain

Ceux a qui Dieu a donné la religion par sent ni

du cœur —ont l.ieu heureui et bien légitimement pet n, ni. i.’preuve ! métaphysique ! —ont si nnement des hommes, et si impli quées, qu’elles frappent peu ; et quand cela servirait à quelques-uns, ce ne serait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration, mais une heure après ils craignent de s’être trompés, » a. 10, n. 2. « Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui s’arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans médiateur : et par là ils tombent, ou dans l’athéisme, ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également, » a. 22, n. 1. Cf. le mot Dieu, dans le Vocabulaire publié par la Société française de philosophie, Bulletin, août 190’i, et en particulier, la lettre de M. Maurice Blondel sur la formule : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. » Voir également SullyPrudhomme, La vraie religion selon Pascal, Paris, 1905, part. I, 1. I, c. iv ; part. III, c. n ; part. IV, c. n. Voir col. 803-806.

Spinoza (16321677). On peut énumérer les divers éléments qui entrent dans la notion spinoziste de Dieu, mais on ne saurait les grouper tous dans une définition synthétique. Cette impossibilité vient de plusieurs causes. D’abord, multiplicité des inlluences subies. Spinoza s’inspire, à des degrés divers, du néoplatonisme, de la scolastique, du judaïsme, du panthéisme de la Renaissance, des idées cartésiennes. Secondement, diversité des points de vue et des points de départ. Spinoza s’attaque au problème philosophique, comme on procède au percement d’un tunnel ou à la construction d’une voie souterraine, c’est-à-dire par tronçons. La méthode spinoziste consiste à amorcer en plusieurs endroits le travail de perforation. Par malheur, ces différents initia philosophandi, prolongés idéalement, ne se rencontrent pas toujours, soit que les directions divergent, soit que les plans se superposent. Ainsi la notion métaphysique, la notion psychologique et la notion scientifique de la divinité ne s’accordent pas. Le Dieu— substance, le Dieu-pensée et le Dieu-nature repn sentent trois concepts opposés, plutôt que trois aspeols conciliables, de l’Être infini. Troisièmement, le vocabulaire de Spinoza estéquivoqne. Empruntant au dogme judéo-chrétien les termes de foi, révélation, prophétie, et à la théodicée personnaliste les termes de volonté, pensée, amour, création, il donne aux uns et aux autres une signification nouvelle. Il transpose le langai la religion surnaturelle en un ton naturaliste, et le langage du peraonnalisme en un mode impersonnel. Quatrième source d’obscurité : Spinoza admet parfois une dualité d’enseignement : ésotérisme pour les initiés, exotérisme pour la foule a qui l’obéissance tient lieu de raison. Enfin, ce qui accroît la difficulté, c’est que Spinoza, loin de laisser entendre que sa doctrine est discontinue et flottante, s’efforce de lui donner les apparences d’un enchaînement rectiligne

Le premier trait qui caractérise la définition spinoziste (le Dien, c’est donc qu’elle est ambiguë et dispai aie L’effort du commentateur et de l’historien consiste tout d’abord a établir ce fait et a en préciser les causée. H remarquera ensuite qui’cette vague pi de Dieu pénètre toute la philosophie de Spinoza De même que d’autres ramèneront tonte métaphysiq une philosophie de ou à une psychologie,

Spinoza l’identifie A la théodicée même. Pour lui. la

philosophie entière Be réduit à la définition de Dieui Dieu n’est pas la troisième partie d’un cour— de métaphysique ou l’on étudie d’abord l’I tel la mai

mi aucun souci de

iq it les loi’i’[ — i chologii Dieu

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Dieu n’est m identique, ni transcendant, mai— immanent a l’univers ; c’e i 1 1° — * qu’il s’en distin comme la lubstana nme le prini ipi