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DIEU (SA NATURE SELON LES SCOLASTIQUES)

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voulait faire quelque comparaison avec des noms connus pour préciser ce qui vient d’être rapporté, on pourrait rapprocher Averroès d’Hermès et de Giinther, Avicenne et Maimonide de certains pseudo-mystiques comme maître Eckart ou de certains protestants libéraux comme Ritschl. C’est de cette position singulière de la philosophie musulmane par rapport à l’orthodoxie et à la valeur de la raison que naquit l’averroïsme latin au XIIIe siècle et la théorie des deux vérités : verum (pliilosophicum) vero (theologico) conlradicere potest. Ce premier coup d’oeil sur la spéculation arabe montre assez quelle masse de problèmes jeta dans le monde latin d’un seul coup l’introduction de la philosophie orientale. Entrons dans le détail.

Théodicée des Motékallim.

Maimonide nous a laissé, et les scolastiques du xni c siècle connaissaient par lui, les douze propositions fondamentales des Motékallim. Op. cit., t. I, c. LXX1II. Il nous rapporte aussi comment en théodicée ils s’appliquaient à défendre contre les philosophes, d’abord, la création et la nouveauté ou non-éternité du monde ; ensuite et subséquemment, l’existence de Dieu ; puis, l’unité divine, entendue plutôt au sens de la simplicité que de l’unicité, enfin l’incorporante ou spiritualité de Dieu. Ibid.jC. lxxiv sq. D’accord sur ces points, sauf quelques rares exceptions en ce qui concerne la démonstrabilité de l’existence et de l’unité de Dieu, les Motékallim étaient divisés au sujet des noms ou attributs divins. Dés le milieu du VIIIe siècle une secte dissidente, les Motazélites, nia les attributs, sous le faux prétexte que la pluralité des attributs est incompatible avec l’unité absolue de la nature divine. C’était, on le voit, se faire de la simplicité de Dieu une notion telle que la Trinité des chrétiens devenait un trithéisme ; mais c’était aussi transformer en expressions figurées, en métaphores et en symboles, tous les noms qu’avec l’Écriture et les chrétiens le Coran donne à Dieu. Opposés aux Motazélites, les Motékallim concédaient qu’il ne faut pas prendre à la lettre les anthropomorphismes de l’Ecriture ; mais ils soutenaient qu’il faut admettre en Dieu dis attributs éternels et essentiels, à savoir la vie, la science, la puissance et la volonté, nous dirions la personnalité. Ces attributs étaient éternels, parce qu’indépendants de la création ; ils étaient essentiels, parce que non distincts de l’essence divine. Certains Motazélites se rapprochèrent de cette manière orthodoxe de penser, à l’aide des formules suivantes : Dieu est vivant par son essence ; il sait par son essence. Au xe siècle, se forma la secte des Acharites, directement opposée à celle des Motazélites ; ils professaient sans détour les attributs divins, mais ils les prétendaient distincts de l’essence. C’est de cette secte que parle saint Thomas, lorsqu’il rapporte que quelques-uns ont prétendu que les noms divins ne signifient pas la substance divine, sed intentiones qtuudam additas essentielles, De potentia, q. iiv a. 6, ou encore, a liqua dispositio additae us. De veritate, q. ii a. 2.

Bien que très’lui-i u âge d’interpréter le

Coran, les Acharites, à l’inverse des Hanbalites, prenaient au sens figuré les formules comme celle-ci : Dieu ndit. (.i. Averroès, Accord de in religion et de la philosophie, trad Gauthier, Alger, l’.)0.*>, p. 48, 27 ; Maimonide. ir.el. Muni, . I i. p, ISO, 207 sq. ; Iiiinr.in li. Macdonald, Development of nxuslin theology, Londres, 1903 ; Kaufmann, Geschichle der Atlributenlehre , , , der jùdischen Religionsphilosophie, Gotha, 1877.

4° Théodicée det phi — plies. Les philosophes étaient d’accord i lei Motékallim sur la démonstrabilité de l’existence et dei attributs di Dieu ; mais ils

soumet ta ie ni à une critique très fini >nls qu’y

employaient les Motékallim ainsi que li - preuves qu’ils apportaient de la création et de la non-éternité du inonde. <T. Muller, Philosophie und Théologie des Averroès, 1875, p. 23. Sur ce dernier point ils adoptait ut

les vues d’Aristote et attaquaient la création ex nihilo et post nihilum, comme on l’a dit t. iii, col. 2083. Quant aux preuves de l’existence et des attributs de Dieu, ils les empruntaient surtout à Aristote et les ramenaient par suite à la causalité, non sans y mêler quelquefois des vues néoplatoniciennes ; car pour eux, comme pour nos scolastiques à qui ils la passèrent, la Theologia Aristolelis, qui n’est qu’un extrait des livres IV à VI des Ennéades, était un ouvrage authentique. Cf. Dieterici, Die sogenannte Théologie des Arisloteles, Leipzig, 1882. De la sorte, les scolastiques trouvèrent dans les philosophes arabes avec des arguments péripatéticiens très élaborés surtout en ce qui concerne les attributs négatifs et métaphysiques de Dieu, la critique des procédés moins solides des partisans de l’atomisme. Il ne paraît pas" douteux que la partie critique aussi bien que la partie constructive de la philosophie arabe ait grandement incliné le xiiie siècle vers Aristote. En tout cas, nous avons déjà dit, col. 931, qu’en ce qui touche les preuves de l’existence de Dieu les scolastiques durent beaucoup aux Arabes, spécialement au point de vue dialeclique. On retrouve, en effet, leurs argumentations, même les plus subtiles, chez Alfarabi, Aviccbron, Avicenne, Ibn Tofaïl, Averroès et Maimonide. Il en est de même en ce qui concerne la démonstration des attributs. On peut, il est vrai, sur ce dernier point considérer comme insignifiant l’apport de nouveaux moyens termes dû aux Arabes, puisque les moyens termes nouveaux qui leur ont été empruntés au XIIIe siècle, ou n’ont pas survécu à la critique de la scolastique postérieure, ou sont restés en controverse. Mais il en va autrement quant à la précision des formules, à la rigueur et à la profondeur d’analyse des démonstrations. Ici, le xnr siècle paraît très original, si on le compare au XIIe ; comparé à la philosophie arabe, il ne produit pas la même impression de nouveauté’.

On a vu que l’antiquité chrétienne avait distingué les noms figurés de Dieu et ceux qui se disent au sens propre : ceux-ci avaient été divisés en attributs relatifs et absolus, et ces derniers en attributs positifs et négatifs. Ces distinctions et cette classification ne s’étaient point oubliées, nous en avons retrouvé la tradition au XIIe siècle. Mais il faut avouer qu’elles sont loin d’avoir chez Pierre Lombard et chez ses contemporains la netteté’et le relief qu’elles ont chez les scolastiques du xili’siècle. De plus, nous avons vu que si au XIIe siècle l’accord existait sur la valeur ontologique des noms divins, la justification de cette doctrine au point de vue philosophique laissait beaucoup a désirer. De même au XIIe siècle la parfaite simplicité divine avait été définie contre Gilbert de la Porrée, mais la question des rapports du fini et de I infini, de l’être potentiel à l’être absolu avait été mal résolue ; et si saint Bernard avait posé les principes exacts en ce qui touche en Dieu aux rapports des attributs et de l’essence, ce problème n’avait pas étédéveloppé. I’- iahes ont rendu ici à l’Église un service auquel un ne s’attendait pas. Ayant reçu leur péripslétisme néoplatonicien de mains chrétiennes, ils transmirent à l’Occident chrétien, sinon de nouveaux témoins de la tradition palristique, du moins le moyen de mieux comprendre les témoins de cette tradition qui étaient alors connus. I t philosophes dans leur polémique centre les Motékallim

au sujet des attributs, de leur distinction OU de leur

identité avec l’essi nce divine, avaient bi aucoup étudié 1rs classifications anciennes que noua avont t apport* et. ils en avaient r.-ut grand usage pour résoudre le pi"

Lie de la simplicité divine mieux que m-faisaient

leurs adversaires ; dans ce but ils avaient employé la

psychologie et.hi « h i., métaphysique d’Aristote. I’Bl poinls le il" lit cil. le iii’n’eut qu’.i profiter des analyses t. nies dans le monde musul man. de Bagdad < Cordoue, durant troi II fut