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DIEU (SA NATURE SELOxN LES SCOLASTIQUES ;


substantia divina] asserenda est esse spirilus, et non corpus. Le contenu positif de la notion de spiritualité et la supériorité de l’esprit sur la matière peuvent s’expliciter de plusieurs manières. D’abord, au point de vue physique, à l’aide des notions d’indivisibilité, d’extension ou de diffusion virtuelles, d’indépendance des relations locales ou temporelles. On trouve des traces de cette façon de concevoir la spiritualité, dans saint Anselme, loc. cit. ; cf. ibid., c. xxiii, col. 176 ; dans saint Bernard, De consideratione, 1. V, c. vi, P. L.. t. clxxxii, col. 796 ; dans Hugues de Saint-Victor, Eruditio didascalica, 1. VII, c. xix, ibid., col. 828, et dans Alain de Lille, parlant après le Trismégiste de la sphère intelligible dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Theologicee regulse, iiv P. L., t. ccx, col. 627. Cf. Baumgartner, Die Philosophie des Alanus de Insulis, Munster, 1896, p. 118, 128, au t. m des Beitràge de B ; cumker. Cette conception n’a rien de surprenant chez des penseurs aussi nourris de saint Augustin. On peut aussi s’expliciter la notion de spiritualité, au point de vue psychologique, par les opérations de la vie intelligente et volontaire, par la conscience psychologique : propriétés et fonctions qui ne conviennent pas à la matière et ne dépendent pas d’elle. En ce sens « esprit » signifie être intelligent et conscient de soi ; « pur esprit » signifie être intelligent et conscient, absolument dégagé des imperfections de la matière. Nous dirons plus loin comment un argument, emprunté par saint Thomas à Avicenne, de l’aveu de Capréolus, amena dès le xiv siècle les scolastiques à se demander si l’indivisibilité physique est la raison formelle de l’intellectivité. Sans traiter cette question abstruse, dont la Hiérarchie céleste du pseudo-Denys suggérait pourtant l’idée, le xiie siècle se contenta de prendre pour matériellement équivalentes les deux conceptions, et prouva l’intellectualité divine soit par l’argument général de l’ordre du monde, soit par la considération du miroir intérieur. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. 1, part. III, c. VI sq., col. 219 ; Eruditio didascalica, l.VII, c. XVI sq., col. 823 ; De cxlesli hierarchia, 1. III, P. L., t. CLXXV, col. 977. Voir aussi Pierre Lombard, 1. [, dist. XXXV, XLV.

6. Omniprésence.

Pour achever l’énumération des problèmes sur les attributs qu’étudia spécialement le xiie siècle, il faut dire un mot de l’omniprésence el de la toute-puissance. Ilonorius d’Autun, à la question JJbi habitat Deus ? répond dans son Elucidarium,’’>. i’. L., t. ci.xxii, col. 1111 : Quamvis ubique potentialiter, lamen in intellecluali cxlo substanlialiter, et le ciel intellectuel est le troisième, où la sainte Trinité est vue face à face ; on dit qu’il est partout parce que dans le même moment où il dispose tout en Orient, il dispose tout en Occident, ce que ne peut pas faire par exemple un ange. D’après une lettre de Gauthier de Morlagne à Thierry de Chartres, ce dernier répétait souvent que I lieu n’est point substantiellement partout, mais seulement par sa puissance. Cf. d’Achery, Spicilegium, Paris, 172.’ ! . t. iii, p. Ô22. Depuis Bayle, la tradition de ranger certains scolastiques parmi les panthéistes est de mise ; i. Hauréau, Histoirede la philosophie tcolattique, Paris, 1*72. t. i. p..’(12, puis M. Clerval, Let école » de Chartres au moyen dge du le, Paris, 1895, ont fait de Thierry un pantb parce qu’il dit que Dieu est la fornfe de

des chose ioil parce qu’il aurait <"-cri t : oi i/imii est, i h Deo est, quia unum est. Hauréau, Notù et el extraits, Paris, 1890, t. i. p. 83. Hais M. Bœumker a remarqué que la lecture de M. Hauréau es) fautive ; il but lire simplement, omne quod est, ideo rsi, quia unum est, phrase qui n’étonnera aucun lecteur de ou d’Alain de Lille. Archiv fur Geschichte det Philosophie, Berlin, t.. p. 138. Quant A la formule,’lu mitas singulit rébus forma r

composée d’un mot de Boèce qui appelle Dieu forma, et d’un mot de Denys qui dit que Dieu est l’esse omnium. Sans avoir recours aux considérations par lesquelles M. Breumker pense laver du soupçon de panthéisme le pseudo mystique Eckart — voir la discussion approfondie du sujet à propos de Wicliff dans Thomas Waldensis, Doctrinale antiquilalum fidei catholiese, Venise, 1757, t. i, 1. I, a. 1 — cette formule s’explique fort bien par la phraséologie du xiie siècle. Après Boèce, Gilbert de la Porrée et Alain de Lille appellent Dieu forma, dans le sens de cause, cf. Baumgartner, Alanus de Insulis, p. 126 ; et Thierry de Chartres n’entend pas le mot autrement, puisqu’il ajoute, après avoir parlé de la production de la lumière et de la chaleur par les corps chauds et lumineux : ila singulse res esse suum ex div171itate sortiuntur ; d’où il conclut à bon droit que tout ce qui existe n’est que parce que Dieu, l’unité supérieure, en qui se trouve toute perfection, existe. Bien de plus augustinien et de plus orthodoxe. Cf. S. Augustin, De moribus manichseorum, c. VI, n. 8, P. L., t. xxxii, col. 1348 ; De vera religione, c. xxxii, xxxiv, n. 63, P. L., t. xxxiv, col. 150. M. Hauréau pense que la présence substantielle de Dieu partout, communément enseignée par l’École, est la doctrine même de Proclus et de Spinoza ; mais, s’il en est ainsi, comment reprocher le panthéisme à Thierry de Chartres, qui, dans le passage même que l’on allègue, rejette la doctrine de l’ubiquité essentielle ? Thierry, en effet, garde le mot, Deus lotus et essentialiter ubique esse vere perhibetur ; mais l’explication qu’il en donne nie la doctrine communément admise, puisqu’il explique l’ubiquité divine par la seule opération de Dieu, et réduit la présence par essence à ce qu’on appelle en scolastique la présence par puissance, comme le lui reproche justement Gauthier de Mortagne. En réalité, loin d’être panthéistes, c’est pour mettre en relief la transcendance de Dieu, qu’Honorius d’Autun et Thierry ont mis en question ou nié ce que l’on appelle souvent aujourd’hui, non sans équivoque, l’immanence divine. Mais l’enseignement traditionnel sur l’omniprésence divine, exprimé par Hildebertdu Mans dans une prière rythmée du i ; enre de celles que l’on attribue communément à saint Thomas, Carmina, LUI, P. L., t. CLXXI, col. 1441, fut appuyé de ses raisons dogmatiques par Gauthier de Mortagne, loc. cit., mis en lumière et bien distingué du panthéisme par Hugues de Saint-Victor, Eruditio didascalica, 1. VII, c. xix, col. 828 ; De sacramentis, 1. I, part. III, c. xvii, col. 223 ; Allegorim m Novum Testamentum, 1. V, P. L., t. clxxv, col. S57 ; et soutenu par Pierre Lombard, 1. I, dist. XXXVII. Cf. Anselme, De fide Trinilatis, c. iv, P. L.. t. CLVIII, col. 273 ; Richard de Saint-Victor, De Trinitate, 1. H. c. XXIII, P. L., t. CXCVI, col. 913 ; pour la critique des textes allégués parle Lombard, voir S. Bonaventure, édit. Quaracchi, t. i, p. 632, 648. La doctrine du Maître des Sentences passa dans la scolastique, cf. S. Thomas. Sum. theol., K q. viii, a. : ï, et s. Bonaventure, In IV

Sent., 1. I. disl. XXX II. p. I, a. : i, q. II. H le SrluilniU de

Quaracchi. Ce ne fut que plus tard qu’on discuta entre thomistes et scotistes de la valeur de l’inférence est in/iu.ni immediato omnipotentiet ad ejus immensttatem et indistantiam u rebut, puis de la question connexe de la présence divine dans les espaces Imagi 7. Toute-puissance, — Le dogme de la liberté de Dieu dans les ouvres, ui eatra est des plus importants, non seulement pour la théologie de l’ordre surnaturel oii nou^ sommes 1 1 qui dépend, soit pour l’incarnation ii i, , rédemption, soit pour Is prédestination, du mi rdieui bon vouloir de Dieu, mais aussi i r la

théologie naturelle, rien ne mettant plu— eu relief la transcendance absolue de Dieu, que la pleine Indépen