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DIEU (SA NATURE SELON LES SCOLASTIQUES)

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dans le sujet que nous avons à traiter est essentiel au point de vue doctrinal. Les éludes développées consacrées aux principaux scolastiques et divers articles plus spéculatifs ont indiqué déjà ce qu’offre de spécial le détail de la théodicée de ces auteurs et des diverses écoles, et, conformément au plan de ce dictionnaire, ce travail se poursuivra. Il ne nous reste donc qu’à présenter ici, ce qui ne peut pas trouver place ailleurs, un aperçu historique de la formation de la doctrine sur Dieu dans la scolastique. Dans ce but, nons ferons l’inventaire des données, procédés et conclusions de la théodicée auxiie siècle. Puis nous chercherons à expliquer comment se fit au xiiie siècle l’introduction de la doctrine de l’acte et de la puissance qui est la note caractéristique de la théodicée scolastique. De la sorte nous espérons d’une part donner une réponse aux attaques courantes contre la scolastique, d’autre part dégager les idées maîtresses de la théodicée de l’École, et, par le moyen de l’histoire, montrer quel est le sens des controverses qu’on y agite et quelle en est la méthode. Commençons par quelques notions générales sur ce dernier sujet qui est des plus complexes.

I. Méthode des études scolastiques sur la nature de Dieu. — Relativement à la nature de Dieu, on peut caractériser le mouvement théologique des XIe et XIIe siècles, période des origines prochaines de la scolastique, par trois noms : saint Bernard, saint Anselme et Pierre Lombard. Cf. Grabmann, Die Geschichle der scholaslisclien Melhode, Fribourg-en-Brisgau, 1909, 1. 1 ; Robert, Les Ecoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du x IIe siècle, Paris, 1909.

Saint Bernard.

Saint Bernard, que pour cette raison l’on appelle souvent le dernier des Pères, représente spécialement l’élément traditionnel. Ce qu’il nous a laissé sur la nature divine est la synthèse, filtrée à travers une âme aussi religieuse qu’élevée, de ce qu’extrayaient à son époque de l’Écriture, des Pères et des textes canoniques, les glossateurs de la Bible, les faiseurs de « chaînes », les compilateurs de décrétâtes et aussi les « sententiaires ». Ces derniers, en se livrant au travail de recueillir les g pensées » des Pères, essayaient de les ordonner d’une façon méthodique, en vue de l’enseignement religieux. Ils ne tardèrent pas à remarquer que, d’accord quant au fond des vérités enseignées sur Dieu par l’Église, les Pères ne l’étaient pas toujours sur les preuves et les explications qu’ils en donnaient. Mais, dans ce désaccord même, un procédé leur restait commun : l’emploi d’arguments rationnels sur la nature divine.

l’Saint Anselme. — Saint Anselme dégagea ce point commun et par là fonda la scolastique, comme vient de le rappeler Pie X. Encyclique Communium rerum. C’est avre une pleine conscience de la nouveauté qu’il Introduisait, que saint Anselme écrivit ses deux traités sur Dieu, le Monologium, el le Pro$logion. P. L., t. ii. ni, col. 143, 223. Il suffit pour s’en convaincre dru lire les premières lignes, et spécialement la courte préface du Monologium, que l’auteur supplie les copistes de ne jamais omettre en reproduisant le corps de l’ouvrage. Cette préface a durant des siècles fourni

; 'i tous les commentateurs du Maître des Sentences le

thème qu’ils développent, au prologue du I « livre, sur l’objet et sur la méthode de la théologie ; la pensée de saint Anselme fait lefonddei où saint Thomas

traite proprio marie du même sujet, Contra gentet, I. I, c. i-ix ; Sum. theol., I », q. i ; au xvii cardinal’I plus’le deus cent I |

in-folio <’page

de saint Anselme, Fheologia tancli Antelmi, Homo, . t. i, p. 35-246 ; et, de nos joui - en. ore,

directement on indirectement, di ne pa >age de

l archevêque d i. que inspin ni les me,

théolo iei i but d leui ti nr Dieu, comme

DICT. Iii : Tlli’il.. CATIIOL.

on peut le voir par exemple dans les Prolegomena du Tractatus de Deo uno de I-’ranzelin.

Depuis que Victor Cousin, suivi par Hauréau et aussi, dans une trop large mesure bien que dans un esprit différent, par M. de Wulf, a réduit ce qu’on appelle le problème scolastique à la discussion d’une prétention de Porphyre sur les universaux, on a beaucoup écrit sur la scolastique, mais sans prendre connaissance ou sans tenir compte de la série continue des travaux dont nous venons de faire mention. On y eût trouvé précisément la discussion du programme d’études tracé par saint Anselme en tête du Monologium. — l. L’objet principal de la scolastique est la nature divine, de meditanda divinilalis essentia et quibusdam aliis huic méditations cohærentibus. Sur ce point il n’existe chez les scolastiques aucune divergence. Après saint Thomas, qui enseigne, comme Duns Scot, que l’objet principal de la théologie est l’essence divine considérée absolument, on a opiné avec Gilles de Rome, Durand de SaintPourçain, que cet objet est l’essence divine considérée relativement, glorificalor, etc., ou uniquement dans le Christ ; mais, de toute façon, l’objet principal de la scolastique a toujours été la nature divine. Cf. Vasquez. In P m, disp. X, De subjecto theologiæ. S’en faire une autre idée, c’est aller contre les textes et les faits, c’est s’en interdire à jamais l’intelligence. Il est d’ailleurs aisé de saisir pourquoi il ne pouvait pas en être autrement. La scolastique est l’étude de la foi ; mais l’objet principal de la foi n’est autre que Dieu lui-même, suivant une phrase de saint Augustin devenue classique : Fides in Ecclesia brevissime traditur, in qua commendantur alterna quæ intelligi a carnalibus nondum possunt ; et temporalia, præterila et futura, quai pro salule hominum gessit elgestura est xternitas divinx providentise. Credamus ergo in Patrem et Filiuni et Spiritum Sanclum : hsce selerna sunt et incommatabilia, id est, unus Deus, unius subslcintige Trinilas alterna, Deus ex quo omnia, per quem omnia, in quo omnia. De agone christiano, c. XIII, P. L., t. XL, col. 299. — 2. Saint Anselme indique ensuite la méthode à suivre : l’emploi de la preuve rationnelle, sans appel direct à l’autorité de la parole divine, qualenus auctorilate Scriptural penitus iiiliil in ea persuaderetur. Cf. De fide Trinilalis, c. IV, ibid., col. 272. Subsidiairement, les objections soulevées par la raison seront résolues par le même procédé. — 3. Cependant tout en faisant o’uvre de philosophe, saint Anselme n’oublie pas que le philosophe, même lorsqu’il conclut d’après les seules lumières de sa raison, a soin, s’il est prudent, de contrôler ses principes et ses conclusions à l’aide de la philosophia perennis, et, s’il est catholique, à l’aide de l’enseignement de l’Église : nihil potui invenirente ineadixisse, quod non catholicorum Patrum, et maximebeati Augustini scriptis cohæreat. D’ailleurs, Anselme n’ignore pas et ne néglige pas la distinction entre les inysleres proprement dits, que la raison par elle-même ne saurait découvrir, el les vérités sur Dieu que nous pouvons connaître par la raison. De fide Tr171ilatis, c. ii, P. L., t. ci. iivi col. 263. Et si ce lut surtout au nom des données de la révélation que saint Bernard combattit Abélard et Gilbert de laPorrée, c’est

en vertu des méun ! g données qn’Anselme traita d’heivlique la dialectique île Roscelin. Ibid., col. 265.

30 Pierre Lombard. — L’innovation de --.ont Anselme rencontra des 1 aces, Mais elle eut de sages parti sans, spécialement dans l’école de Saint-Victor. Moins [que qu’on ne l’a prétendu, l’école de Saint Victor

l’appliqua & perfectionner h prograi tin..1 grands

trait-- par saint Anselme. Cf. Mignon, Lei origineê de lu tcolastique ri Huguei >ir Saint

t. I, c.lll. Sous l, i d nul de in 11 11 ont An sel 1

de la curiosité philosophique qui se faisait alors sentir, l’attention cialement

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