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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES’1128

s’efforce de conserver les nombreux éléments de vérité

contenus dans les théories de Plotin [et de Proclus]. Il parle la langue de l’école où se forma sa jeunesse. » On peut ajouter avec II. Koch, l’seudo-Dionysiits Areopaflita, p. 255, que l’auteur des écrits dionysiens a utilisé la philosophie néoplatonicienne dans une mesure où nul écrivain chrétien ne l’avait fait avant lui et ne l’a fait après. On peut appliquer spécialement à sa Ihéodicée ce qui a été dit de son orthodoxie en général et des difficultés que présente sa terminologie, dans l’article qui lui a été consacré, col. 433 sq. Du reste, l’étude du pseudo-Denys ne peut pas être considérée comme complète et définitive. Si ses dépendances ont été bien examinées du point de vue littéraire et philosophique, il n’en est pas de même du point de vue doctrinal et théologique. En face des ressemblances, nombreuses et incontestables, que ses écrits ont avec ceux des néoplatoniciens non chrétiens, il serait bon de mettre les dissemblances, nombreuses aussi et non moins incontestables.

b) Saint Jean Damascène (f vers 750). — Si le dernier des Pères grecs se recommande spécialement à notre attention, ce n’est ni par l’éclat du génie ni par l’originalité des vues, mais par un double caractère qui le relie à la fois au passé et à l’avenir. Par rapport à l’Age scolastique qui suivra, il est précurseur parla combinaison, dans sa tbéodicée, d’éléments néoplatoniciens et aristotéliciens, et généralement par l’usage qu’il fit de la philosophie, de la logique en particulier, comme instrument de la théologie. Par rapport aux siècles qui précèdent, il est écho, mais écho intelligent, qui ne répète pas tout ce qu’il a entendu, mais procède avec discernement.

La théodicée de saint Jean Damascène est tout entière dans le I er livre de son E.cposilio fidei ortliodoxæ, P. G., t. xciv, col. 790-860. Les quatorze chapitres se rapportent tous, sauf les vi e, vir— et viii e, à Dieu considéré dans l’unité de sa nature. L’exposition, quoique didactique, est loin d’être parfaitement méthodique ; les répétitions et les digressions sont nombreuses. L’ineffabilité et l’incompréhensibilité divines sont comme posées en principe : appïixov xb 0sîov —Lai àLarâXïiTCTov, c. i, col. 789. Il s’agit alors de Dieu considéré dans sa nature, telle qu’elle est en elle-même, xi Sa Iffti ©soc o’jCTÎa, ou dans le comment de ses perfections, de son ubiquité par exemple, r, 71o> ; è(mv èv ucdjiv, ou dans le comment des opérations qui relèvent de sa vie intime, comme la génération du Verbe, r, xcài ; èauxbv xsviocra ; 6 SJ.ovoyEvi, ç Yiôç, c. II, col. 793. Dieu incompréhensible est, au même titre, ineffable : xb ©EÏov àxaTâ).Y)lcrov ov, Txâvxa> ; y.où avd>vu(i.ov Eorat, c. xii, col. 845.

Nous ne sommes pourtant pas réduits à une ignorance absolue. Tout mortel sait naturellement, çuaixûg, que Dieu existe, et le monde rend témoignage à son auteur, c. i, col. 789. Plus loin, l’existence de Dieu est démontrée ex professo : à-nôoeibi 6t<. iort 0e<Sç, c. iii, col. 794 sq. Trois preuves sont proposées. La première repose sur la mutabilité des êtres et la contingence qui en résulte : xpeuxà tosvuv o’vxa, nâvxwç y.a xx « rxâ. Il faut monter à un premier principe, incréé, immuable : et Se axxiaxa…, Tcâvxw ; xai axp£7rxa. La seconde preuve est fondée sur la conservation et le gouvernement du monde ; elle conduit à Dieu providence : Lai ie ixpovooû|j.£vo ; . Vient ensuite la preuve téléologique, tirée de l’ordre universel ; elle aboutit à Dieu suprême artisan : 6 xs-/v : xï) ; xoûxmv, xai y.oyov e/Œî ; 7r5(71.

La première preuve est d’une importance particulière ; car à la notion d’être nécessaire et immuable se rattachent, dans la pensée de son auteur, plusieurs autres propriétés fondamentales, comme la simplicité et l’infinité, qu’il ne se préoccupe amais d’établir sé parément. La spiritualité est une conséquence ; c’est chose manifeste, SfjXov, étant données les propriétés d’infinité, d’invisibilité, de simplicité, d’immutabilité, d’immensité, qui conviennent à la nature incréée, c. iv, col. 797. A la démonstration de l’existence divine, le saint docteur joint celle de l’unité : àît68etÇ( ; Sxi si ; ê<rri Sebe xal où noVLol, c. v, col. 800 sq. Il l’appuie sur l’absolue perfection de Dieu, Lara TTxvxa xÉ’/E’.ov, sur son immensité et sur le bon gouvernement de l’univers. Preuves traditionnelles, qui se retrouvent dans le Dialogue contre les manichéens, t. xciv, col. 1505 sq.

.Mais, quand il s’agit de Dieu, la raison humaine n’est pas l’unique source de connaissance ; il faut y joindre la révélation que Dieu a faite de lui-rnêrne, dans la mesure qui nous convenait, —Laxa xb sfixTÔv ï|f « v, d’abord par la loi et les prophètes, puis par son Fils unique, notre Dieu et Sauveur, c. I, col. 789. C’est appuyé sur ces deux sources que le docteur de Damas détermine ce que nous connaissons et professons touchant la divinité, c. ii, col. 792. L’énumération faite en cet endroit comprend d’abord tous les attributs, négatifs ou positifs, absolus ou relatifs, qui appartiennent à l’enseignement traditionnel ; puis, la trinité des personnes consubstantielles et l’incarnation du Verbe avec ses conséquences christologiques et sotériologiques. Cette énumération est reprise, quoique sous un aspect différent, à la fin du livre, c. xiv, col. 860.

Un chapitre spécial, le xiii e, est consacré aux rapports de Dieu à l’espace. Pour les corps, saint Jean Damascène adopte la notion aristotélicienne du lieu : TtE’paç TOÛ Tî-p’.É/ovxo : , y.aO’S TTEpii/Exa : TÔ r.-.y.vP, >i-i’i, . col. 849. Il ajoute, pour les substances incorporelles et intellectuelles, la notion du lieu spirituel, entendu d’un espace déterminé où s’exerce leur action et se limite leur présence. Pour Dieu, pur esprit, il ne peut être question du lieu corporel. Il n’est pas davantage restreint à un lieu spirituel. Il est au-dessus de tout lieu, intimement présent à tous les êtres, sans mélange aucun, à[uyû>ç, et contenant tout sans être contenu lui-même, v.a’ ; ~àvxa 7TîpiÉ’/ov, Lai ir t r, i<v.i Lx-x/vlz : 7r£p[E-/_op.Evov, col. 852, 853. En d’autres termes, il est immanent par sa présence, et transcendant par sa nature. Lui-même est en quelque sorte son propre lieu, et quand l’on dit qu’il est dans le lieu, cela doit s’entendre, dans un sens relatif, de l’endroit où son action s’exerce et se manifeste, lbid., col. 852.

La seule question de quelque importance qui se pose maintenant, est celle-ci : Jusqu’où va notre connaissance de Dieu ici-bas ? Sur ce point, saint Jean Damascène reproduit substantiellement la doctrine de saint Grégoire de Nazianze, son auteur favori, en y joignant quelques considérations de provenance dionysienne. Ce qui se rapporte à Dieu n’est, pour notre langage, ni complètement exprimable, ni complètement inexprimable ; pour notre connaissance, ni complètement accessible, ni complètement inaccessible, c. ii col. 792. Notre savoir va plus loin que notre parler ; pour beaucoup de choses relatives à la divinité, dont nous avons une connaissance à tout le moins obscure, l’expression propre et convenable nous manque et le langage humain s’impose. Par là s’expliquent toutes ces locutions anthropomorphiques qui apparaissent dans la sainte Écriture, c. xi, col. 841 sq. : 7t£pi xùjv (Tiopiaxiy.iii ; È~i 0soO LsyouÉv<ov.

La distinction des noms affirmatifs et négatifs est donnée, c. XII, col. 815 sq. Le saint docteur rattache les premiers au principe de causalité, ô> ; alxiov t<ôv Txivxtov y.axP.yopsixa : . Aussi rapporte-t-il au début du chapitre, en se référant expressément à Denys, toute une série de noms empruntés à la sainte Ecriture et convenant à Dieu au sens causal ; comme de dire qu’il est le principe et la source de toutes choses, l’être des