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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES)


réalité objective des créatures, quand de fait elles existent, mais seulement à lui refuser la prérogative divine d’être par nature ou essentiellement. C’est dans le même sens qu’il dit ailleurs : Dieu seul est immortel, car il n’existe pas, comme les autres, par grâce, mais par nature. Dialog. adversus pelagianos, 1. II, n. 7, t. xxii, col. 542. Et comme il est par nature, par nature aussi Dieu est immuablement ce qu’il est et tout ce qu’il peut être : Dei solius naturam esse » nmutabilem, de quo scribitur, Ps. cr,’28 : Tu vero ipse es. Ad Gal., i, 8, t. xxvi, col. 320.

Mais, si dans la notion d’être nous possédons enfin un nom propre, et même le vrai nom de Dieu, celui-ci restera-t-il encore ineffable, incompréhensible, impénétrable en sa nature ? L’Occident vu-t-il faire échec à l’Orient, et marcher sur les brisées d’Eunomius ? La supposition est inadmissible, non moins que fausse. Autre chose est le nom propre, entendu généralement d’une dénomination qui convient réellement à Dieu par nature et qui le dislingue des créatures ; autre chose est le nom propre, entendu dans le sens plus rigoureux de terme qui exprimerait en soi et qui manifesterait à l’esprit de l’auditeur, par une notion directe et adéquate, la nature intime de Dieu, tel qu’il est en lui-même. Les Pères latins affirment avec autant d’énergie que les Pères grecs, non seulement l’invisibilité matérielle, mais l’ineffabilité et l’incompréhensibililé de l’essence divine.

L’invisibilité matérielle est un pur corollaire de la spiritualité divine, souvent inculquée par nos trois docteurs, par opposition à l’erreur anthropomorphique. A propos de ces paroles de David : Deprecalus sum faciem luatn in loto corde meo, Ps. cxvni, 58, saint Ililaire fait cette remarque : Scil invisibilem esse carnalibus oculis gloriam Dei. In ps. c.xyiu. lit. iivi n. 7, t. ix, col. 555. Plus loin, il juge ainsi l’exégèse qui prétendait tirer du livre de la Genèse, i, 26, l’idée d’un Dieu corporel : Sed hsec iu/iilelitatis deliramenta sunt. In ps. i xxix, n. 4, col. 720. Saint Ambroise n’est pas moins expressif : AZternus corporalibus non videtur aspectibus. In ps. rxvni, serm. xviii, n. ii, t. xv, col. 14(57. Le inonde, parce que corporel, ne peut pas s’appeler proprement l’ombre de Dieu : rii/n incorporel Dei corporea adumbratio esse non possit. Hexæm., 1. I, c. v, n. 18, t. xiv, col. 131. Saint Jérôme, comme saint.Ican Chrysoslome, ne se lasse pas de tenir son lecteur en éveil contre les expressions anlhropomorpliiques qu’il rencontre sur son chemin ; voir, par exemple, In Isaiam, xi.vi, I sq., t. xxiv, col. 451 ; In Ezech., viii, 3, t. xxv, col. 78 ; I" ps. m ni, 8 sq., Anecd. Mareds., t. m b, p. 129 ; cf. t. m c, p. 83 ; In ps. x, 5, ibid., t. m c, p. 6. Dieu, pur esprit, n’est pas seulement invisible aux feux du corps ; il est incompréhensible. Dans le passa ;  : >— même où il admire et scrute la profondeur des paroles : Ego snm qui sum, saint Ililaire conclut a une grandeur de Dieu telle qu’on ne peut la concevoir par la raison, mais seulement y croire : quantUS </ intelligi mm potest, et potest credi.De Trinilate, i, x. t— x. col..’il. Quand il s’agit d’exprimer Dieu tel qu’il i en tout ce qu’il est, notre langage est radicalement impuissant : Deum ni est. quantusque est, non eloquetur. La science parfaite, ici, consiste à savoir que Dieu est inénarrable, bien qu’on ne puisse l’igno)ierfccla scientia est, su— limon scire, ut licet mm ignorabilem, lameu inenarrabilem n "is. Ibid., n. 7, col. 57. Quelque beauté que noua loi prêtions, Dotre conception reste au-dessous de la réalité, que, cependant, Dieu échappe pleini m. ni a noire con : algue un pulcherrimui f)em est confitendus, « ( neque in Ira sententiam sit intelligendi, neque extra mlcWgentiam sentiendi. Ibid., i. 7. col.

Sans traiter ce point aussi fréquemment que l’évêque de Poitiers, saint Ambroise n’en parle pas moins, en passant, dans des termes aussi fermes. Dans la prétention à pénétrer pleinement la nature divine, il ne voit que l’infatuation d’une dialectique perverse et fallacieuse : (/uomodo non infatuatur versutse disputationis aslutia ? Hexæm., 1. I, c. i, n. 9, t. XIV, col. 127. L’idée qu’il se fait de Dieu est tout autre : visu incomprehensibilis, falu inihterpretabilis, sensu inxstimabilis, fide sequendus, religione venerandns. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut s’en tenir au silence ou à la négation, car le saint docteur achève ainsi la phrase : ut quidquid religiosius sentiri potest, quidquid prsestantius ad décorent, quidquid sublimius ad’potestatem, hoc Deo intelligas convenire. De fide, 1. 1, c. xvi, n. 106, t. xvi, col. 553.

C’est dans le même esprit que saint Jérôme recommande la modestie dans les spéculations et les discours sur Dieu ; entre nos conceptions et sa nature il n’y a pas moins de distance qu’entre la terre et le ciel. In Eccle., v, 1, t. xxiii, col. 1052. « Voulez-vous savoir la nature de Dieu ? Voulez-vous savoir ce qu’est Dieu ? Sachez que vous l’ignorez : hoc scito quod nescias. » Paroles que le Père explique comme nous avons vu saint Jean Chrysostome expliquer la comparaison dont il se servait contre les anoméens. « En sachant que vous l’ignorez, ne vous trouvez-vous pas plus instruits que les autres ? Le païen voit une pierre, et la prend pour Dieu ; les philosophes voient le ciel, et le prennent pour Dieu ; d’autres voient le soleil, et le prennent pour Dieu. Comprenez donc combien vous l’emportez, vous qui dites : Une pierre ne peut pas être Dieu, le soleil ne peut pas être Dieu, etc. » In ps. xri, 6, Anecd. Mareds., t. m c, p. 74.

Le point de contact qui vient d’èlre signalé entre saint Jérôme et le grand orateur d’Antioche, n’est pas, en cette question, un fait isolé. Plusieurs fois le docleur dalmate parle de la vision d’isaïe, vi, 1, et son interprétation rappelle de très près celle de saint Jean Chrysoslome. Voir In Isaiam, i, 10 ; VI, 1, t. xxiv. col. 33, 92 sq. ; et surtout, le petit commentaire sur la ision de ce prophète, que je résume d’après les Anecdola Maredsolana, t. me, p. 107 sq. Les séraphins couvraient de leurs ailes la face de Dieu, ou plutôt la leur, pour faire comprendre au prophète que nul mortel ne peut voir Dieu tel qu’il est, juxta id quod est lirus. La parole dite par saint Jean, i, 18 : Deum nemo vidit unquam, ne s’applique pas seulement aux hommes, mais à toute créature raisonnable. Elle nous apprend que tout ce qui est en dehors de Dieu ne peut pas le voir tel qu’il est, mais seulement dans la mesure où il daigne se manifester : non /uxta id quod est Deus, sed juxta id quod se areaturis suis dignanter osicudit. Saint Paul, à son tour, nous enseigne qu’il faut savoir, non pas ce qu’est Dieu et comment il est, qui » et qualis sit. mais seulement qu’il existe, quod sit. Nous savons que Dieu existe, nous savons encore ce qn’il n est pas ; mais ce qu’il est et comment il l’est, nous ne le pouvons pas savoir. Par un effet di bonté’et île sa cl.’menée il s’est incliné vers nous, pour nous permettre de Bavoir de lui quelque chose, el de onnaitre dans ses bienfaits : ut aliqua île eo esstimare valeamus, esse ettm senlianius benaflei

Hais quand il s’agit iln comment de son élre, ./>.

autenx sit, la distance eal trop grande entre Dieu et la créature pour que celle-ci puisse prétendre à le connaître.

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saint l’i’i’iiie, mil homme mortel ne peut voir Dieu tel

qu’il est, el mé qu’aucune créature ne peut le voir

autrement que dan— la mesure ou lui-même daigni manifester, Comment Dieu m manifeste-l il aux bien heureux habitants du ciel ? C’est me.mire question, m