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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES]


et les philosophes de la Grèce ne sont arrivés sur Dieu « m’a des opinions multiples et discordantes ; quelquesuns cependant ont rendu témoignage à Dieu et à son unité. Platon surtout, sous l’influence des Livres saints dont il connut quelque chose en Egypte. La doctrine de l’ineflabilité divine revient à ce propos, fondée sur deux raisons : Nemo praiexslitit, <jui nomen Deo iniponeret, nec se ipsum numinandum duxit, n. 21, col. 277. Ainsi, pas de nom propre au sens d’un nom personnel qu’on impose à quelqu’un pour le distinguer des autres, car personne n’existe avant Dieu pour pouvoir le dénommer ainsi ; pas davantage de nom propre au sens d’un nom qui exprime la nature d’un être, car Dieu seul pourrait se définir ainsi, et il ne l’a pas fait. La parole dite à Moïse, Exod., ni, 14 :’Eywe I jx t 6 cîiv (traduction des Septante), n’énonce en réalité qu’une propriété du vrai Dieu, mais une propriété essentielle et qui le distingue de tout autre être : ut per participium EXisiEys, Dei existentis et non existentium discrimen doceret. Ibid., col. 279. L’existence dont il s’agit, c’est l’existence sans limites, qui comprend le passé, le présent et l’avenir, n. 25, col. 287.

La conception de Dieu qui se dégage decet enseignement n’est certes pas vulgaire, et elle n’est pas purement philosophique, elle est aussi chrétienne. Ce n’est pas à dire qu’elle ait toute la netteté désirable. Les expressions dont l’apologiste se sert plusieurs fois, donneraient facilement l’impression d’un Etre qui serait au-dessus et en dehors du monde, par exemple, Dial. cum Tryph., n. 56 : to-j iv toiç —JTcEpoupavîoi ; às’i [xévovxoç ; n. 60 : tû> imïp v.haii.o’t 9e<ii, col. 596, 613. Dans ce dernier passage, saint Justin suppose même que, pour apparaître en un lieu déterminé du monde, le Dieu suprême devrait quitter les espaces supracélestes : Nemo tamen non omnino mente captus auctorem universorum et pctrentem relictis omnibus supercœlestibus in paria lerrse parlicula visum dicere audeat, col. 611. Idée reprise et développée plus loin : « Ce Père ineffable, ce maître de l’univers ne se rend nulle part, il ne se promène pas, il ne dort ni ne se lève, mais il reste là où il habite, quel que soit cet endroit ; il y voit tout et entend tout, non par les yeux et les oreilles, mais d’une façon qui ne se peut dire, et nul de nous n’échappe à sa connaissance. II ne se meut point, il n’est compris dans aucun lieu, pas même dans le monde entier, puisqu’il était avant que le monde n’existât. Comment donc pourrait-il parler à quelqu’un, ou lui apparaître, ou se faire voir dans un étroit espace de cette terre ? » N. 127, col. 771. Le but de l’apologiste est d’établir la distinction réelle du Père et du Fils, en montrant que les théophanies de l’Ancien Testament doivent être exclusivement attribuées au second. L’argumentation n’est pas heureuse ; elle crée même une difficulté réelle, classique dans le traité De Deo trino, contre la consubstantialité du Père et du Fils. Abstraction faite de cet inconvénient, il est juste de reconnaître que, considéré dans sa nature divine, Dieu le Père n’est pas susceptible de relations locales, ni par conséquent d’un mode de présence dépendant de ces relations ; mais pourquoi ne pourraitil pas apparaître d’une autre manière, ou sous une forme d’emprunt, comme le Verbe, ou à l’aide d’un symbole qui le représenterait, comme le Saint-Esprit ? Supposer que Dieu le Père, et lui seul, est tellement lixé dans les espaces supracélestes, qu’il ne puisse se faire voir ailleurs, c’est émettre une assertion arbitraire et qui s’harmonise peu avec l’immanence ou l’ubiquité divine, admise, semble-t-il, par Justin quand il fait du Dieu incréé et inénarrable le témoin de nos pensées et de nos actions, 8eôv rbv à^lw^tov xa appTjTov [AapTUpa e’/ovtectûiv te >.oyi(T[j.(ov xat tcov 7TP<xEeu>v, n. 12, col. 464. Il est vrai que la présence dite de connaissance et de puissance n’entraîne pas nécessairement

la présence substantielle, au sens propre du mot ; aussi, même sur ce point, la pensée de l’apologiste reste inachevée et ambiguë.

c) Tatien nous présente, dans son Oratio adversus Grxcos, ]’. G., t. vi. col. 803 sq.. une doctrine moins étendue que celle de saint Justin, son maître, mais analogue dans l’ensemble. Dieu n’a jamais commencé d’être ; c’est sa prérogative exclusive, puisqu’il est le principe de toutes choses. Il est esprit (c’est-à-dire sans chair, acrapxo : , n. 15, et sans corps, àooiu.a— : o : , n. 25, col. 837, 861) ; comme tel, invisible et intangible. Incompréhensible aussi, en lui-même, et inénarrable ; mais ses créatures nous le font connaître, ses œuvres nous témoignent de sa puissance invisible. Il n’a besoin de rien ni, par conséquent, de nos présent*, n i. col. 814. Une phrase mérite une attention spéciale : IlvE ; p.a 6 8eb{ ou Biîjxov Sià tyj ; v’L ?, ; . icvg*j|Kxicdv’.i ûXcxcôv xoù t(dv èy ol’j— ?, c/ï ( u. :  : mv xaTa<nceva<rnr, ç. « Dieu est esprit, non pas esprit diffus à travers la matière, mais créateur des esprits matériels et des formes attachées à la matière. » L’apologiste veut-il dire que la présence divine ne s’étend pas à la matière ? Cette interprétation ne serait pas tout à fait gratuite, car peu auparavant Tatien reprochait à Zenon d’avoir affirmé que Dieu se trouve dans les cloaques, les vers de terre et ceux qui commettent des actions indignes, n. 3, col. 811. Cf. Petau, Dogmala theolog., 1. III, c. vu. n. 3. Mais la limitation de la présence divine, que contient ce dernier texle, est loin de s’étendre à la matière prise dans toute son extension. Les termes : o-j otrLov osa — ! /, —Z’t.r^, semblent plutùt viser l’immanence panthéistique des stoïciens, qui concevaient Dieu comme l’âme du monde, en lui attribuant une sorte de coextension par rapport à la matière. Il reste qu’en face de cette notion fausse, Tatien ne pose pas une notion positive de l’ubiquité divine, qui soit distincte et adéquate. Il en va tout autrement de l’unité absolue du premier principe, fortement accentuée : la matière n’est pas, comme Dieu, incréée ; elle a été créée, non par un autre, mais par Dieu lui-même, unique auteur de tout ce qui existe en dehors de lui, n. 5, col. 818. Le mal ne vient pas de Dieu, bon par nature ; il vient de la créature raisonnable, qui abuse de sa liberté, n. 7, 11, col. 819, 830. Dans la partie polémique de son discours, Tatien raille, avec son outrance habituelle, les dieux et la philosophie du paganisme : ces dieux innombrables, qui se brouillent, se battent, se blessent, se marient, en un mot se montrent sujets aux mêmes passions que les hommes, n. 8, col, 822 ; ces philosophes superbes, qui n’ont su donner de Dieu que des notions discordantes, *n. 25, col. 859.

d) Athénagore composa vers 176-180 sa fIpea6E :’a zspi /piô-Tiavàiv, Legatio pro christianis, P. G., t. vi, col. 889 sq. Comme saint Justin, il repousse l’accusation d’athéisme, portée contre les chrétiens, et, comme Tatien, il réfute le polythéisme. Ce n’est pas être athée, que de distinguer Dieu de la matière, et de montrer l’infinie distance qui sépare les deux, l’un improduit et éternel, iyÉwr-ov xoù « tètov, l’autre produite et corruptible, yv/r-rf/ xai ; ûaptr, v, n. i. col. S97. Les poètes et les philosophes, s’élevant à la connaissance de l’Invisible par la considération de ses œuvres, ont rendu témoignage à l’existence de Dieu et à son unité ; c’est là qu’on aboutit invinciblement, quand on veut en venir aux principes des choses, n. ô. 7, col. 900, 901. Athénagore fait lui-même appel à l’ordre, à l’harmonie, à la beauté du monde, n. 4, 16, 22, 25, col. 898, 919, 942, 950, mais il développe surtout l’argument c< topologique ». n. 8, col. 905. S’il y avait à l’origine deux ou plusieurs dieux, ils seraient ou tousdans un seul et même lieu, ou chacun dans un lieu distinct ; deux suppositions qui répugnent également.