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DIEU (SA NAÎTRE D’APRÈS LES PÈRES

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Théologie, p. 550-551 ; E. Jacquier, Histoire des livres , hi Nouveau Testament, Paris, 1908, t. iv, p. 110-411.

Les Théologies du Nouveau Testament contiennent peu de choses sur la théodicée. Leurs auteurs se bornent, à propos de l’enseignement de Jésus, à signaler que le nom de n père o est le nom spécial de Dieu dans le Nouveau Testament, et ils négligent presque complètement de relever les autres traits qui caractérisent la nature de Dieu et ses perfections. Il n’y a donc pas de bibliographie à citer. On peut voir, par exemple, J.Tixeront, Histoire des dot/mes, Paris, 1905, t. i, p. 06-67, 78, 83-84, 107, 111 ; J. Bovon, Théologie du Nouveau Testament, 2’édit, Lausanne et Paris, 1902, t. I, p. 392-395, 495-497 ; Brassac, Manuel biblique, 12- édit., Paris, 1909, t. IV, p. 26, 549-550, 565569, 692.

E. Mangenot.


IV. DIEU. SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES.


I. Le problème : se pose-t-il, et dans quel sens ?
II. Développement général de la doctrine patristique sur Dieu (théologie au sens restreint, théodicée).
III. Notre connaissance de la nature divine : sa portée réelle et ses limites.
IV. Les attributs divins considérés en eux-mêmes et dans leur rapport à la nature.
V. L’apport philosophique dans la théodicée des Pères.

I. LE PROBLEME : SE POSE-T-IL, ET DANS QUEL SENS" ?

Le problème se pose-t-il ?

La question serait oiseuse, si l’agnosticisme moderne, pur ou mitigé, théorique ou pratique, ne faisait au théologien un devoir de la prévenir. A quoi bon parler de nature, quand il s’agit de Celui qui, pour les Pères comme pour le bon sens, est l’Inconnaissable ? Car n’est-ce pas ainsi que les Pères ont considéré Dieu ? Du jour où la double question se posa nette et formulée de savoir que Dieu existe, quod sit, ôti êctiv, et de dire ce qu’il est, quid sit, ts’î k’<rnv, tous ne déclarèrent-ils pas, d’un commun accord, leur ignorance, leur impuissance à l’égard de la seconde question ? Dans ses Bamp. ton Lectures pour l’année 1858, The Liniits of religions thought, le Rév. H. Longueville Mansel, doyen de Saint-Paul de Londres, a développé cette thèse : Notre connaissance de Dieu est relative, et non pas absolue ; termes équivoques, mais dont le sens, dans la pensée de l’auteur, est que nous n’atteignons rien d’absolu en Dieu, nous le connaissons seulement sous des aspects relatifs, fondés sur les liens qui existent de fait entre lui et nous, par exemple, Dieu créateur, Dieu bon pour nous, Dieu sage dans le gouvernement de l’univers, etc.

Pour confirmer cette doctrine, le Rév. Mansel étale complaisamment, au début de son livre, 5e édit., Londres, 1870, p. xx sq., une longue liste d’autorités, où figurent en première ligne quatorze Pères de l’Église, y compris les plus grands. Autorités qui, nous dit-on, prouvent la thèse sous l’une des trois formes suivantes : 1° la nature absolue de Dieu nous est inconnue ; 2° les notions que fournit la conscience humaine ne représentent pas la nature absolue de Dieu ; 3° la sainte Écriture nous révèle Dieu à l’aide de conceptions relatives, proportionnées à nos facultés. On entend saint Athanase dire que Dieu « est au-dessus de toute substance et de toute pensée humaine. » Contra génies, c. ii, P. G., t. xxv, col. 5. Et saint Basile : « Qu’il existe, je le sais ; ce qu’est son essence, je le tiens pour chose inaccessible à notre esprit, inïç Çiàvo’.ocv xi’6su.ai. » Epist., ccxxxtv, n. 2, P. G., t. xxxii, col. 869. Et saint Jean Damascène, ce fidèle écho de la patristique grecque : « Que Dieu existe, la chose est manifeste ; mais ce qu’il est dans son essence et sa nature, c’est chose absolument incompréhensible et inconnue, àxaxiÀ/, jrrov toùto 7tavT£).b ; y.a’t afvoxrtov. » De fiile orlliod., ].], c. iv, P. G., t. xciv, col. 797. De même, chez les Latins, saint Augustin : « Dieu est ineffable ; il nous est plus facile de dire ce qu’il n’est pas que ce qu’il est. » Enarr. m), s. lxxxv, v. 8, P. L., t. xxxvii, col. 1090.

Tel passage se rencontre dans de grands ouvrages de patrologie, qui semble au premier abord rendre le môme son. On n’a pas manqué de le dire. Le Ri. J.R.Illingworth, dans la note II, Positive and négative theology, de son ouvrage Personalily Human ami 1>vine, Londres, 1903, p. 1 13, cite comme résumant l’enseignement patristique, cette longue phrase de’fhornassin, Dogmata theologica, t. i, De Deo, I. IV, c. viii, n. 1 : Intexla implicalaque sunt inler se hsec oninia mgslicse Patruni théologie capila : guod nil proprie de Deo intelligi aut dici possit ; quod sciri possit quod sit, non quid sit ; quod sciri possit quid non sit, non vero quid sit ; quod affirmari de en multa possint, imo oninia per moduni causse, quod omnium causa sit ; quod eequius sit eadent oninia de eo negare, quod causa sit longe prxcellentissima, cujus vix lenuissimam umbram asscquuntur omnes ab ea promanantes naturx ; quod omnes negationes posilionem aliijnaia implicenl, non negantur enim de Deo quaslibet perfecliones, nisi ex sensu et couscientia perfeclionis cujusdam longe eminenlissimæ, cujus lue sintextrema quædam et fugienlia vestigia ; et vicixsim posiliones omnes de Deo ad negationes tandem resolvi debeant, proplerea quod nil proprie sciri aut affirmari de divinq essenlia potest ; quod denique natura divina majore intervallo superet naturas intellecluales, quant istæ corporeas.

A cette énumération je serais tenté d’appliquer les paroles mêmes de son auteur : Intexla imjilicataque sunt inler se liœc omnia ; il y a là bien des choses mêlées, pour ne pas dire brouillées. Si nous ne pouvons rien dire de Dieu en termes propres, et s’il faut toujours finir par une négation, à quoi se réduira notre connaissance ? Heureusement, toute la doctrine des Pères n’est pas là ; cette courte incise, quod affirmai i de eo multa possint, couvre toute une série de témoignages, où Dieu n’apparaîtrait pas précisément sous la raison d’un être inconnaissable, ou si vaguement connu que nous savons seulement qu’il existe, mais sous celle de l’Être parfaitement déterminé, dont nous savons beaucoup d’autres choses que son existence. « Alors Dieu est inconnu ? s’objecte saint Jean Chrysostome. Nullement. Je sais qu’il existe, je sais qu’il est clément, bon, miséricordieux, provident, etc. » Exposit. in ps. CXLIII, n. 2, P. G., t. lv, col. 459. Et ailleurs : « Je sais de lui beaucoup de choses ; mais je ne sais pas le comment. Je sais que Dieu est partout, qu’il est tout entier partout ; comment, je ne le sais pas. Je sais qu’il n’a pas eu de commencement, qu’il est incréé, qu’il est éternel : comment, je ne le sais pas. » Homil., i. de incomprehensibili Dei natura, n. 3, P. G., l. xi.vin, col. 704. L’incompréhensibilité. l’invisibilité de Dieu n’entraînent pas chez les Pères l’impossibilité d’une vraie connaissance, même déterminée : « Invisible en soi. mais non pas inconnu, ignolus autem uequar/uam, » dit saint Irénée. Coût, hær., l. I, c. vi, n. 1. l>. G., t. vu. col. 721. « Inénarrable, mais non par là même inconnaissable : Cognoscibilis Deus est, cum sit inenarrabilis, » dit saint Fulgence. Contra arianos, n. 2. P. L., t. i.xv, col. 207.

Dans quel sens le problème se pose-t-il ?

Il faut donc que le problème ait divers aspects, et il est essentiel de les distinguer. Et d’abord, il y a nature et nature. Ceci résulte des multiples acceptions du mot ; deux nous intéressent directement. « Nature se dit de ce qui constitue tout être en général, soit incréé, soit créé : la nature divine, la nature angèlique, la nature humaine… Nature signifie encore l’essence d’un être avec les attributs qui lui sent propres : la nature de l>i u est d’être bon. » Dictionnaire de l’Académie française. Sous ces deux acceptions, la nature est manifestement entendue dans un sens restreint ou dans un sens large. Qu’on prenne ce dernier sen*. et le problème qui nous occupe revient à ceci : Quelle idée les Pères se sont-ils faite, quelle notion outils