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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LA BIBLE


d’abord sous le pseudonyme de Bams, La révélation du nom divin « télragrammalon », dans la Revue biblique, L893, t. ii, p. 338-341 (auquel s’est ralliele P. do Ilummelauer, Commentarius in Exodum cl

Leviticum, p. 71), puis sous son nom, El et Jalivé, ibid., 1903, t. xii, p. 381-382, établit l’antithèse entre 'Êl-Saddaî et Jahvé. Dieu s'était manifesté aux patriarches sous le nom divin, 'El, commun à tous les sémites, et avec la qualité de Saddaï comme créateur du ciel et de la terre. Quand il se choisit un peuple, il se manifesta et se fit reconnaître officiellement, sous le nom propre et personnel de Jahvé, comme le Dieu particulier des Israélites ; et pour éviter le danger d'être considéré seulement comme le Dieu national de son peuple, il a adopté la dénomination absolue et universelle d'Être, qui convenait au Dieu absolu et universel. Cf. P. de Broglie, Questions bibliques, p. 307-308.

2° Origine du nom.— Si le nom de Jahvé était connu avant la révélation qui en a été faite à Moïse, il y a lieu de se demander d’où il provient, s’il était l’apanage des Israélites ou s’ils l’ont emprunté à un clan ou à un peuple étranger. On a multiplié les hypothèses d’emprunt et on a fait dériver le nom de Jahvé de différents peuples. Trois de ces hypothèses ont encore besoin d'être discutées.

1. Origine égyptienne.

Moïse, ayant été élevé dans la sagesse des Egyptiens, Act., vii, 22, il était naturel de penser qu’il avait appris le nom de Jahvé en Egypte. Si on n’a pas trouvé dans le panthéon égyptien un nom semblable à celui de Jahvé, on a rapproché la formule : « Je suis celui qui suis » de celle qu’on lit dans le Livre des morts : Nuk pu nuk, « moi, c’est moi », que prononce l'âme, lorsqu’elle franchit divers passages difficiles dans son voyage d’outre-tombe à travers les diverses régions des enfers. Mais cette formule signifie seulement : « C’est bien moi » un tel, et n’a aucun rapport avec l'Être absolu. Le pharaon ne connaît pas Jahvé, Exod., v, 2, et le culte, que Jahvé exige de ses adorateurs, aurait été une abomination pour les Égyptiens, Exod., viii, 25-27, puisqu’il imposait le sacrifice d’animaux que les Égyptiens adoraient.

2. Origine qénite.

Selon plusieurs critiques, Tiele, Stade et Budde, .Tahvé était primitivement le dieu local de la montagne du Sinaï ou de l’Horeb. D y apparut à Moïse dans le buisson ardent, Exod., iii, 2sq. ; Israël y vint lui offrir des sacrifices, 12 ; il s’y montra à tout le peuple, Exod., xix, 2-4 ; il y donna la loi à Moïse, Exod., xx, 22 sq. ; il y demeura tandis que Moïse par son ordre introduisit son peuple dans la terre promise, Exod., xxxiii, 1 sq. ; il vint du Sinaï secourir ce peuple au pays de Chanaan, Deut., xxxiii, 2 ; Jud., v, 5 ; Élie alla au Sinaï l’y chercher. I (III) Reg., xix, 8 sq. Or, cette montagne est située au pays des Madianites. Stade, Biblische Théologie des A. T., Tubingue, 1905, t. i, p. 29. Moïse donna ce dieu comme dieu national aux tribus nomades Israélites qu’il avait enlevées à la suzeraineté des Égyptiens et qu’il avait confédérées. Elles l’acceptèrent parce qu’elles étaient persuadées que ce dieu les avait aidées à secouer le joug égyptien, comme plus tard il leur donna la victoire sur les Amalécites et les Chananéens. 76kL, p. 31. Moïse, en effet, avait rencontré Jahvé en faisant paître dans la région les troupeaux de son beau-père, le Madianite Jéthro, Exod., ni, 1 ; ce prêtre offrit des sacrifices à Jahvé en reconnaissance de la libération des Israélites, Exod., xviii, 11, 12, et Aaron et les anciens du peuple participèrent à ce sacrifice : ce qui est un indice qu’Israël apprit de Jéthro à connaître Jahvé. Jéthro, nommé Hobab, servit de guide aux Israélites dans les marches et campements au désert. Num.. x. 29-32. Or, Hobab était un qénite, on cinéen, Jud., iv.ll, et sa famille s'établit en Juda. Jud., i, 16. Cf. I Reg., xxvii, 10 ; xxx, 29. Elle fut toujours bien traitée par

les Israélites, 1 lie-., xv, 1-6, et les Réchabites, quien descendaient, I Par., H, 55, restèrent fidèles adorateurs de Jahvé, IV lieg., x. 15, 16, en même temps qu’ils continuaient à mener la vie nomade de leurs ancêtres, , 1er., xxxv, 9, 10. D’autre part, si le conseil de Jéthro a déterminé l’institution des juges en Israi I. Exod., xviii, 13-27, on peut penser que le prêtre de Madian avait fait connaître à son gendre le dieu qu’il adorait, le dieu du lieu qu’habitaient I"- Israélites et que par suite, selon les idées du temps, ils devaient eux-mêmes honorer. Budde, Die Religion des Yolkes Israël, Giessen, 1900, p. 15 sq. ; Bæntsch, Exodus, Leviticus, Numeri, Gœllingue, fin :  ; , p. 24-25 ; Altorienlalischer und isrælitischer Monotheismus, Tubic 1906, p. 51-52, 67-77. C'était un dieu de la nature, le dieu de la tempête ou de l’orage, et, selon Uacntsch, le dieu lunaire Sin. Sa puissance sur les éléments lui permettait de réprimer vigoureusement les désordres. Ses actes de répression du mal lui firent attribuer un caractère moral et plus tard une sainteté incompatible avec les moindres déchéances. A. Réville, Jésus de Xvzareth, Paris, 1897, t. i, p. 13-17. Pour R. Smend, Leltrbuch der alltestamentlichen Religionsgeschichte, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 31-36, Jahvé. le dieu du Sinaï, était déjà avant Moïse le dieu national des Israélites, qui habitaient depuis longtemps avant l’exode les environs du Sinaï et qui. en se formant en nationalité parla réunion de différentes tribus, avaient adopté le culte du dieu de la contrée. M. Loisy, La religion d’Israël, Paris, 1901, p. 11-42, ne se prononce pas entre les deux sentiments.

Mais ces systèmes manquent de fondement. Les Cinéens n’habitaient pas au Sinaï. puisque Moïse y mena, de loin peut-être, paître les troupeaux de son beaupère et puisque celui-ci y vint ramener à son gendre Séphora et ses fils. Exod., xviii, 1-5. L’Horeb est nommé la montagne de Dieu, avant la théophanie du buisson ardent, Ëxod. ni, 1, ou bien par anticipation, ou bien parce que peut-être il était couronné déjà par un sanctuaire et indiqué ainsi pour être le centre de réunions religieuses. Voir Revue biblique, 1901. p. 500-501. Celte circonstance expliquerait seulement pourquoi Jahvé l’a choisi pour théâtre de sa manifestation. Si Jéthro est le même personnage que Hobab, il opposa un refus énergique aux propositions que lui fit Moïse de l’accompagner et de guider les Israélites au désert, afin de retourner dans son pays et parmi les siens. Num., x, 30. Du reste, les Cinéens habitaient le pays de Chanaan. Gen., xv, 19, à côté des Amalécites et dans une région rocheuse. Num., xxiv, 21, 22. Si une fraction de la tribu s’unit aux Israélites et vécut au milieu d’eux, elle avait plutôt reçu d’eux le culte de Jahvé, cf. I Par., iv. 10, qu’elle ne le leur avait communiqué, car en Orient jamais un peuple fort n’a accepté la religion d’une peuplade plus faible. C’est donc une pure hypothèse d’imaginer que Jéthro a fait connaître Jahvé à Moïse. Le récit du sacrifice, offert par le piètre de Madian, Exod., XVIII, II. 12, signifie que Jéthro s’associe au culte israélite. D’autre part, rien dans l’Exode ne prouve que les Israélites axaient eu avant leur venue en Egypte quelque attache avec le Sinaï. Quand Moïse demande au pharaon l’autorisation d’aller ofiriràJahvé un sacrifice au désert. Exod… 3. il n’allègue pas une ancienne coutume, mais l’ordre de Dieu, Exod.. ni. 12 ; pour l’offrir il fallait sortir de l’Egypte, parce qu’un sacrifice d’animaux, honorés dans ce pays, eut irrité les I gyptiens. Exod., viii, 26. Si Jahvé s’est révélé à lui dans le buisson, c’est soudain, par une manifestation inattendue, sans liaison préalable avec le Sinaï. S’il conduisit les Israélites au pied de cette montagne, Exod., ni. 12, ce fut pour les délivre ! de la servitude ; et pour cette œuvre il a opéré des prodiges en Egypte au nom île Jahvé. I>ans la bénédiction de Moïse mou-