Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée
935
936
DIEU So.N EXISTENCE


volonté. De nos jours, nous assistons au mouvement de réaction suivant. Beaucoup île philosophes ayant réduit au sentiment tout le fondement de la croyance en Dieu, les positivistes se sont mis à attaquer la légitimité de la connaissance sentimentale ; AI. Ribot, par exemple, a t'-cri t La logique <ics sentiments, en prenant pour accordé que la connaissance religieuse n’a pas d’autres origines que l'émotion, sauf à montrer dans tout son ouvrage qu’il n’y a là aucun moyen valable de connaître. Or, nous avons vu une levée de boucliers contre M. Jlibot : on croit rendre grand service à la religion en défendant contre lui « la logique des sentiments, » et on ne se rend pas compte qu’une telle apologétique est de nature à confirmer les positivistes dans leur erreur et, comme dit l’encyclique Pascendi, que jamais « le bon sens n’admettra que l'émotion soit un moyen sûr de découvrir la vérité. » Denzinger, 10e édit., n. 2106. Il s’est passé pour l’argument du mouvement local quelque chose de semblable. Hobbes, voir col. 776, Pascal, voir col. 805, et de nos jours Stuart M i 1 1 ont allecté de prendre cette preuve pour la seule valable ; puis, ils ont montré ou affirmé qu’elle n’est pas concluante ; et depuis Hobbes jusqu'à nos jours, il s’est trouvé des théologiens protestants, des philosophes et des apologistes pour réfuter Hobbes d’abord, puis Toland, lorsque celui-ci riposta que le mouvement, c’està-dire l’effort que fait un corps pour se transporter d’un lieu à un autre, est essentiel à toute matière. Cf. Samuel Parker, De Deo et providentiel, Londres, 1678, disp. I, c. xxviii ; Abbadie, Traité de la vérité de la religion chrétienne, sect. i, c. IV, Rotterdam, 1684 ; Samuel Clarke, Démonstration de l’existence et des attributs de Dieu, dans la Défense de la religion de Burnet, La Haye, 1740, t. iii, p. 13, 33 sq. ; Buddeus, Traité de l’atliéisnte, Amsterdam, 1740, p. 179. La polémique contre Stuart Mill, même après l’hypothèse de la nébuleuse, a rajeuni le zèle de quelques écrivains d’ailleurs bien pensants, qu’il vaut mieux ne pas nommer et dont il suffit de dire ici qu’ils eussent bien fait de se demander si leurs prétendues démonstrations, tirées de la physique et des mathématiques, n'étaient pas de nature à fournir une excuse aux athées bien informés. Cf. par exemple Keyser, The message of modem mathemalics to theology, dans Hibbert Journal, janvier 1909. Saint Thomas faisait déjà de son temps la remarque que le fidéisme doit son origine à la faiblesse des raisons que l’on apporte quelquefois en faveur de l’existence de Dieu. Contra génies, l. I, c. xii.

2° Point de vue 'pratique ou apologétique. — Quand on se place à ce point de vue dans l’exposé des preuves de l’existence de Dieu, on a pour but ou bien d’amener quelqu’un à la croyance au vrai Dieu, ou bien de lui montrer que la croyance en Dieu qu’il professe est raisonnable, ou enfin de résoudre certaines difficultés qui se sont élevées dans l’esprit d’un croyant ou d’un homme qui a cru en Dieu mais a cessé d’y croire pour diverses raisons. Dans l’ordre de providence où nous sommes placés, la méthode apologétique est en cette matière dominée par les faits suivants.

1. Tout homme est personnellement capable de parvenir à la connaissance certaine de Dieu de façon à pouvoir commencer sa vie morale et religieuse. Voir col. 831. Nous avons dit par quel procédé logique il y aboutit. L’apologiste n’a donc rien de mieux à faire que de développer et de présenter d’une façon adapté'e à l’intelligence de ses lecteurs probables l’argument tiré de l’ordre de l’univers, celui de causalih', enfin les arguments muraux dont nous avons parlé. Dans la pratique, c est bien ce que donnent, en effet, les apologistes les plus autorisés, protestants aussi bien que catholiques. La littérature de ce genre, spécialement en ce qui concerne l’argument de l’ordre du monde, est immense depuis trois siècles. Il est â

remarquer que souvent les apologistes dont nous parlons n’excluent pas < ni dans leur manière de présenter leurs preuves le matérialisme ou le panthéisme ; ils supposent que l’on admet par exemple l’existence et la spiritualité de lune, la distinction deDieu et du monde et autres vérités de même espèce qui ne font communément aucun doute parmi les chrétiens. Ils ne donnent donc pas une démonstration rigoureusement complète. Par exemple, la célèbre preuve tirée de l’existence de notre pensée et de notre âme, indiquée par Hugues de Saint-Victor, De sacraruenlis, l. I, part. III, c. vu sq. ; Erudilio didascalica, l. VII, c. xvii, P. L., t. CLXXVI, col. 219, 8-25. reprise par les cartésiens, cf. Fabri, Summa theologica, tr. I, c. i, n. 6, Lyon, 1669, et de nouveau remise en honneur par Illingworth, Personalily hum an and dix 1894, et par l’abbé de Broglie, Preuves psychologiques de l’existence de Dieu, Paris. 1905, prend pour accordées bien des choses que l’athée mettrait en question. Il est vrai que dans ses négations l’athée se mettrait en marge du sens commun. On peut donc, si l’on écrit pour des hommes qui ne sont pas décidés à faire ce mauvais pas, leur épargner les dédales d’une démonstration complète et argumenter ex concessi*.

2. Cependant, la plupart des hommes, surtout dans nos sociétés chrétiennes, n’acquièrent pas par euxmêmes la première idée de Dieu, mais la reçoivent en fait de l’enseignement social. Voir col. 835. De là, au point de vue pratique, l’importance de l’argument tiré du consentement universel des peuples. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II » IIe, q. i, a. 5. ad 3° m. C’est donc avec raison que les apologistes lui donnent souvent la première place dans leurs traités. Cf. Hettinger. Apologie du christianisme, t. 1, p. 117 ; Crafer. Apologelics, dans Y Encgclopædia of religion and ethics de Ilastings, Edimbourg, 1908, p. 613, 620 ; Sertillanges, Les sources de la croyance en Dieu, c. 1, Paris, HHJ5. Cette preuve morale est d’ailleurs solide ; car, remarque Cicéron, De natura deorum, 1. I. c. xvii. « une opinion qui a pour elle le témoignage positif de tout le genre humain ne peut pas ne pas être vraie. » Quand on se sert dans la question qui nous occupe de cet adage, il est à noter que l’on n’invoque pas le sens commun comme autorité. Car, remarque justement Mgr Mercier, « son témoignage commande des réserves. L’humanité n’a-t-elle pas cru unanimement à la solidité des cieux, au mouvement du soleil autour de la terre ? » Critériologie générale. 5e édit., Louvain. 1906, p. 153. On ne considère pas davantage le consentement universel comme le véhicule de la révélation, ou comme le résultat d’un instinct aveugle, ainsi que le faisaient Reid et les traditionalistes. On le prend comme sigtie d’une tendance de la nature intelligente à adhérer à certaines propositions, connue résultat de l’usage normal des facultés de connaître de l’espèce humaine. Cf. Farges, La crise de la certitude, Paris, L907, p. 216. Ainsi envisagé, le consentement universel ou le sens commun est un critère de vérité, mais fondé sur l’induction. Si, en effet, dans un c ; is déterminé, on peut faire voir que la rencontre de toutes les intelligences en une même affirmation n’est pas explicable par des causes accidentelles, il est permis de conclure qu’elle a pour cause une même perception chez toutes d’un même objet. Il est facile de se rendre compte que c’est bien de la sorte que procèdent les apologistes et les philosophes qui développent l’argument du consentement universel. Cf. Tongiorgi, histitutiones philosophas, '.y édit., Bruxelles, 1864, t. iii, p.343-3ôi ; Palmieri, Instil. philos., Rome, 1876. t. ni.]). 77-83 ; Hontheim, op. cit.. n. 405-417 ; Boedder, Theologia naturalis, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 76-87. Quant au degré de certitude que donne cet argument, les auteurs sont partagés. Tous ceux qui n’admettent pas la valeur apodictique