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DIEU (SON EXISTENCE


plique donc par la confusion de l’idée spontanée de Dieu et aussi par les dénominations extrinsèques à l’aide desquelles à ce stade Dieu se trouve désigné. Cependant le livre de la Sagesse et saint Paul nous apprennent que l’erreur des païens était coupable. La doctrine classique rend compte de cette culpabilité, puisqu’elle explique comment ils ont un vrai pouvoir physique de connaître Dieu ; bien plus, en ajoutant que ce pouvoir est personnel, qu’il passe facilement à l’acte, elle nous permet aussi, même dans l’affreux châtiment qu’est le paganisme ou l’athéisme spéculatif, d’admirer la suavité de la providence divine, qui a si bien ordonné toute chose à notre salut que l’idée de Dieu est toujours prête à jaillir de nouveau, surtout si l’homme ne néglige pas de suivre la voix de sa conscience morale et ne corrompt pas violemment sa nature. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 4. Observons en finissant que la solution scolastique du problème de la connaissance spontanée de Dieu, tout en mettant en relief la nécessité morale de la révélation, voir col. 824 sq., et la grande différence qui existe entre la connaissance spontanée de Dieu et celle qui nous vient de la révélation ou de la spéculation philosophique, cf. S. Thomas, Cont. gent., 1. I, c. iv ; Sum. theol., Il a II æ, q. il, a. 4, a le grand avantage d’assurer l’homogénéité de l’idée de Dieu à tous les stades de son développement naturel. Le lecteur remarquera, en effet, dans ce qui va suivre, que le même principe de causalité, efficiente ou finale, par lequel l’homme peut d’après les Pères et les scolastiques arriver par luimême à l’affirmation de l’existence de Dieu confusément conçu, cgmmande toutes les démonstrations scientifiques de l’existence de Dieu dont les conclusions contiennent implicitement toute la théodicée.

Dans tout cet exposé nous avons procédé en théologien. On nous permettra pourtant de mentionner ici que l'étude directe des faits, au grand émoi des historiens athées et évolutionnistes des religions, confirme l’enseignement traditionnel. Malgré les indéniables difficultés de l’observation en pareille matière, malgré aussi la chance de mal interpréter les faits observés, il devient de jour en jour expérimentalement plus manifeste que la religion de tous les peuples contient quelque idée de la divinité, conçue comme un être relativement supérieur : c’est la formule des scolastiques, c’est la pensée des Pères, et M. Lang l’a retrouvée. Cf. Christian Pesch, Der Gollesbegriff in den heidnischen Beligionen des Alterthums, der Neuzeit, 3 fascicules, Fribourg-en-Brisgau, 1888 ; Lang, The making of religion, 2e édit., Londres, 1900 ; Schmidt, enquête poursuivie méthodiquement dans Anthropos ; Mo' Le Roy, La religion des primitifs, Paris, 1909, p. 170-198 ; Bugnicourt, art. Animisme ; Condamin, art. Babylone et la Bible, VI, dans le Dictionnaire apologétique, Paris, 1909. Neque enim erant ab initio. Sap., xiv, 13.

Outre les ouvrages cités dans le corps de l’article, voir Petau, Theol. dogmata, t. i, De Deo, 1. I, c. i-iv ; Thomassin, Dogmata theologica, t. i, 1. 1 ; Staht, Die naturliche Gotteserkenntniss aus der Lehre der Vàter dargestellt, dans Der Katholik, 1861, t. 1, p. 9, 129 ; Franzelin, De Deo uno, sect. i, ii, surtout th. vi, x ; Heinrich, Dogmalische Théologie, Mayence, 1883, t. iii, p. 35-113.

II. CONNAISSANCE RÉFLÉCHIE El SCIENTIFIQUE DE

l’existence de dieu. — La connaissance infléchie de l’existence de Dieu est celle où l’esprit prend nettement conscience des procédés par lesquels cette existence est connue avec certitude. Cette conscience suppose qu’on est en possession de l’idée de Dieu ou, comme dit saint Thomas, qu’on en connaît au moins la définition nominale. Les théologiens appellent scientifique la connaissance de Dieu, soit en raison de la Valeur des preuves qui l’appuient ; soit en raison du

dispositif où ils les présentent. Ils ne veulent pas dire que c’est aux sciences, telles que les modernes les entendent, qu’il revient de prouver l’existence de Dieu. Mais, pour eux, 1° l’existence de Dieu est une vérité scientifique en ce sens que, sans avoir l'évidence immédiate des premiers principes ou des données de l’expérience, elle a l'évidence médiate d’une conclusion correctement déduite. C’est là le sens large du mot scientifique, qu’on retrouve dans la vieille définition : l’ropositio scibilis scioitia proprie dicta est propositio necessaria, dubitabilis, nala fieri evidens per proposiliones necessarias ecidenter)>er discursum syllogislicum ad eam applicatas. 2° La théologie naturelle ou théodicée tient à présenter ses preuves de l’existence de Dieu dans un ordre naturel et scientifique, qui permet à la connaissance de progresser du connu à l’inconnu, et d’appuyer constamment les conséquences sur les principes : dispositif qui vaut à la théologie à la fois son unité d’exposition, la ferm » té de ses constructions doctrinales, et qui donne à ses thèses l’aspect élégant et solide de théorèmes à la façon d’Kuclide.

Pour enlever ici toute équivoque, il ne s’agit donc point d’une démonstration mathématique. En effet, par démonstration mathématique, ou bien on entend un raisonnement qui va du même au même ou à l'équivalent, et nous avons déjà expliqué, col. 770, pourquoi le procédé mathématique ne démontre pas Dieu ; ou bien on entend une preuve qui arrache l’assentiment et produit la conviction dans n’importe quel esprit, comme le font par exemple les premiers théorèmes d’Euclide. Jamais l’ancienne tradition ni les théologiens, en soutenant la démonslrabilité de Dieu, n’ont prétendu que toutes les preuves de l’existence de Dieu s’imposent à l’esprit de chacun avec cette force. Clément d’Alexandrie en donne déjà la raison. Il distingue la connaissance confuse de Dieu qui s’impose à tous, et la connaissance moins imparfaite qu’en ont eue les philosophes grecs, Strom., V, c. i, xiv, P. G., t. ix, col. 15, 196 ; de l’une et de l’autre de ces connaissances il reconnaît qu’on les met en question, soit à cause de leurs conséquences morales, soit à cause de la difficulté intrinsèque du sujet, lbid., c. mi. col. 121 sq. Le même auteur avertit aussi que Dieu n’est pas connu lmavi^.i t/j <x-oZi : x-r/.?, , ce qui signifie exactement ce que les scolastiques expriment en écartant du problème actuel toute démonstration propter quid. Car Dieu n’a point de cause. Il n’est donc question que d’une démonstration a posteriori, ex effeclibus.

Toute démonstration, pour être légitime, suppose des prémisses vraies, ab eo quod res est aut non est oralio dicitur vera vel falsa, et dont la vérité est saisie par l’esprit. Mais la vérité des prémisses d’un raisonnement peut être intuitive et tellement manifeste qu’elle frappe tous les esprits ; il en est ainsi de la vérité des propositions qui énoncent des faits d’expérience commune ou des inductions spontanées sur ces faits ; dans les cas où la vérité des prémisses apparaît ainsi à l’esprit, l'évidence des prémisses rejaillit sur la conclusion, qui est elle-même déclarée non seulement certaine, mais évidente pour tous. Quand on dit que l’existence de Dieu est démontrable, on ne prétend point que les prémisses et la conclusion y soient nécessairement et pour tous évidentes à ce degré. Cf. Suarez. De dirina substantiel, 1. I, c. i, n. 20 ; d’Aguirre, Theologia sancti Anselmi, tr. II, disp. XII, sect. i. n. 11, Rome, 1688, t. 1, p. 251. Aussi Vasque/, écrit-il, en transcrivant presque Bannez, Commentaria in l li <", q. ii, a. 3, Venise, 1587, col. 227. advertendum est talis natures esse eas demonstrationes ut in eis ea vis et evidentia requirenda non sit qux in mathemalicis reperitur, sed quam naturalis, aut melaphysica, vel moralis scienlia exposcit : ad /< ; « enim tria capita