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DIEU (SON EXISTENCE

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tion des deux ordres de vérités religieuses et morales, celles auxquelles la raison et la conscience peuvent parvenir par leur fonctionnement naturel, et celles que nous ne connaissons que par la révélation, Denzinger, n. 1643 ; et l’on sait que, s’il s’agit des préliminaires de la foi, sans cette distinction aucune apologétique rationnelle n’est possible.
2° Si l’on n’admet pas la doctrine définie sur la cognoscibilité de Dieu, on est forcé, ou bien de nier la possibilité de l’état de nature pure, ou de dire que dans l’ordre présent la révélation est absolument nécessaire, ou de soutenir que le péché originel, non seulement — ce qui est de foi — nous a fait déchoir de l’état historique d’Adam, mais a corrompu dans leur fond nos puissances naturelles, les constitutifs de l’homme. Or, la première conséquence est contre tous les théologiens de l’École, qui enseignent, comme théologiquement certaine, la possibilité de l’état de nature pure ; il s’ensuit d’ailleurs cette absurdité que l’homme n’est pas nécessairement dirigé à Dieu comme à sa fin et qu’il est incapable, tel qu’il est, de loi et de religion naturelles. La seconde conséquence est contre le concile : non absolute necessaria dicencia est revelatio. Denzinger, n. 1635. Elle suit d’ailleurs de la première, car l’homme, sans destination à Dieu comme à sa fin, sans loi et sans religion naturelles, est une monstruosité que Dieu ne peut pas faire. Donc, la révélation devient nécessaire, exigée, debita, c’est-à-dire naturelle. L’adversaire a une échappatoire : Je ne soutiens pas en thèse que la révélation est debita, mais seulement dans l’hypothèse de la chute. On lui répond en lui faisant remarquer qu’alors il admet la troisième conséquence, c’est-à-dire la ruine de nos constitutifs naturels par le péché d’Adam. En effet, si l’homme déchu est incapable de connaître Dieu, c’est que sa tendance nécessaire, naturelle, à Dieu comme (in, sa capacité de loi et de religion naturelles sont détruites ; c’est que le péché originel a totalement corrompu les éléments de notre nature philosophique et éteint notre libre arbitre, ce qui a été condamné chez les premiers protestants par le concile de Trente. Cf. Piccirelli, De Deo uno et (rino, Naples, 1902, n. 38, p. 42. Cet aperçu montre la cohérence de la doctrine théologique.

Quant à la philosophie, nous avons vu que le concile n’a pas exclu l’argument de saint Anselme, c’est-à-dire tout le mode de philosopher qui se rattache ordinairement à Platon et aux Pères platonisants. Ce fait seul réduit anéanties accusations de « thomisme » outré et de « médiévalisme » absurde que le Programma des modernistes italiens et M. Tyrrell adressent à l’Église, dont ils n’écoutent plus la voix. Les faits sont les faits. En réalité, toutes les philosophies qui admettent que l’homme a le pouvoir de connaître les principes de causalité, efficiente et finale, et de raison suffisante, et que ces principes ont une valeur universelle, comme le principe de contradiction, admettent le minimum nécessaire pour que l’homme puisse par le moyen des créatures et par les lumières naturelle de sa raison l’élever à la connaissance certaine de Dieu. Ne peuvent donc avoir des difficultés contre le dogme que nous venons d’exposer, que les philosophies qui, ou bien d’une façon générale rejettent la valeur objective universelle de tous les principes de la raison, ou bien rejettent les principes de causalité et de raison suffisante ou leur emploi hors de l’ordre phénoménal. D’où il suit que le dogme défini nous met philosophiquement en très bonne posture. La métaphysique scolaslique, que le magistère ordinaire nous recommande, et qui se réduit en sommes à la connaissance des substances, des causes, des relations objectives et des formes absolues, peut d’ailleurs se construire à l’aide de ces seuls principes. Enseignons donc une philosophie sagement objectiviste, comme celle de l’Ecole. Et si nous avons des préoccupations apologétiques, souvenons-nous — l’encyclique vient de le rappeler à tous avec autorité — qu’en fin de compte notre néophyte doit aboutir à une dogmatique et par suite à une philosophie objectivistes. Sans doute, comme le fait remarquer saint Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 8, on ne peut discuter avec quelqu’un qu’en se mettant d’accord avec lui sur quelques principes, et par conséquent en se plaçant ad hominem à son point de vue. Mais il est certaines concessions qu’on ne peut pas faire, puisque les accorder, c’est s’enlever tout moyen de conclure. Dans ce cas, saint Thomas nous dit encore ce qu’il reste à faire et ce qui est utile : Si l’adversaire ne concède aucun des principes nécessaires pour aboutir à la conclusion que l’on a en vue, on ne peut pas discuter avec lui, si autem nihil concedit, non potest cum eo disputari. Les kantistes et les positivistes sont-ils donc à abandonner ? Non, car nous pouvons dans nos principes, et souvent dans les leurs, résoudre leurs difficultés et leur faire comprendre qu’elles ne sont que la duperie de leur imagination, le résultat d’un manque de méthode, le fruit d’un abus de la réflexion philosophique : potest tamen solvere rationes ipsius. C’est plus utile et moins dangereux que de construire de soi-disant nouveaux systèmes.

M. CHOSSAT.


II. DIEU (SON EXISTENCE). —
I. Démonstrabilité de l’existence de Dieu :
1° dans la connaissance spontanée ;
2° dans la connaissance rélléchie ou scientifique.
II. Exposé sommaire des preuves classiques.

I. Démonstrabilité de l’existence de Dieu.

Buonpensiere, Commentaria in l am parlent Summse theologicse, Rome, 1902, p. 110, et de San, Tractatus de Deo uno, Louvain, 1894, t. i, p. (55, n. 34, affirment que la démonslrabilité de l’existence de Dieu est une vérité de foi, définie par le concile du Vatican. Mais l’ensemble des théologiens n’admet pas cette conclusion, qui est d’ailleurs démentie par les actes du concile. Le concile, en effet, parlant du vrai Dieu, distinct du monde, personnel et provident, a seulement défini que l’existence de Dieu peut être connue avec certitude par les lumières naturelles de la raison ; mais, bien qu’il ait assigne comme moyen objectif de connaître Dieu, les créatures, per ea quæfacla sunt, el par conséquent admis en ce sens une connaissance médiate de Dieu, il n’a pas spécifié que l’idée de Dieu soit le résultat d’une inférence médiate ou immédiate, ou que la certitude rationnelle de l’existence de Dieu dépende d’un syllogisme. Voir col. 81(>. Cependant la doctrine commune de l’Eglise est que l’existence de Dieu est démontrable. Pour exposer avec clarté’cette doctrine, distinguons la connaissance spontanée, commune, de Dieu et la connaissance réfléchie ou scientifique. La première a pour caractères d’être très facile, de précéder la réflexion et, en ce sens, on l’appelle souvent immédiate ; la ide est plus difficile, el ne s’obtient que par une recherche volontaire et méthodique : ce qui lui fait souvent donner le nom de médiate. Dans l’une et dans l’autre de ces connaissances, il < bien des degrés, qu’il ne faut pas confondre, -i l > 1 1 m ni parler avec quelque précision.

I. dans la connaissance spontanée.

L’étude de la connaissance spontanée de Dieu a de m"- i rande importance ; car beaucoup d’auteurs, tenant pour acquise la critique kantienne depreuves « le l’existence île Dieu, n. - ipent plus que.le la con naissance naturelle’le Dieu qu’implique l’universalité du fait religieux. Ces études -uni commandées par des cupations très variées, les uns prétendant lé| mer le scepticii religieui ou l’athéisme, d’autres voulant il tir < l’unité des religions, etc., d’autres enfin cherchant de bonne foi un moyen de connaître Pieu saninfèrent i i tusale, Au milieu d< ce> di bats utile d’indlqui i.1’- l’I cole et I