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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)


et examinons les conséquences qu’on en a déduites. a) Les faits. — II est certain que les mois prouver et même démontrer ont été proposés, que quelques amendements en réclamèrent l’insertion. Acta, col. 1631, li ; r> ; i sq., 121. Il est certain également que la commission du concile ne voulut pas proposer ces termes à la délibération, qu’en fait ils ne furent pas proposés el qu’un amendement qui les introduisait fut rejeté. Acla, col. 76, 132. Quamvis aliquatenus cerlo cognoscere el demonstrare sit unum idemque, tanien phrasim niitiorem depulatio de /ide sibi eligendam censuit et non islam duriorem, déclara le rapporteur. Il n’est donc pas de foi délinie : a. que le pouvoir physique que nous avons de connaître Dieu par les créatures implique nécessairement une inférence soit immédiate soit a fortiori médiate ; et sur ce point nous ne pouvons pas arriver à comprendre comment le P. Buonpensiere peut écrire que la démonstrabilité de Dieu est un dogme de foi depuis la délinition du Vatican. Commentaria in /a « partem, Borne, 1902, p. 110, n. 160, 163. — b. 11 n’est pas davantage défini que la certitude de l’existence de Dieu, à laquelle nous avons le pouvoir physique de parvenir par la raison naturelle, soit entièrement et exclusivement fondée sur une inférence immédiate ou médiale, même implicite.

Je ne trouve sur ces deux points aucun désaccord ferme chez les théologiens catholiques. C’est la raison pour laquelle ils conviennent par exemple que l’idée innée des cartésiens, le passage du fini à l’infini du P. Gratry, le procédé métalogique des gùnthériens, etc, et d’un autre côté la doctrine de l’illumination de saint Augustin, voir Augustin, t. i, col. 2336, celle de la purgation, ibid., col. 2332, celle qui, avec Vasquez, requiert une grâce naturelle pour la première connaissance de Dieu, Vasquez, In 7 am, disp. XCVII, c. V, surtout n. 33 ; cf. disp. I, n. 15 ; disp. XIX, n. 9, etc., ne sont pas condamnées par le concile. Scheeben, qui a fort bien exposé cette question, La dogmatique, t. ii, n. 1420, n’en excepte pas même la théorie mystique du capucin Juvenalis Ananiensis, Sol intelligentix, Paris, 1876, p. 343, d’après laquelle nous connaissons Dieu sans inférence même immédiate à travers le miroir intérieur de l'âme.

Mais il faut bien remarquer : a. qu’une doctrine peut n'être pas définie par un concile, et cependant appartenir à la foi ; la raison en est que, pour appartenir à la foi, une doctrine n’a pas besoin d’avoir été définie, il suffit qu’elle soit contenue dans l'Écriture ou dans la tradition. Nous avons d’ailleurs déjà dit que les conciles se bornent ordinairement à définir ce qui est strictement requis pour écarter les erreurs qu’ils ont en vue, et telle fut l’intention explicite du dernier concile. Acla, col. 84. Ne peuvent s’en étonner ou s’en plaindre que ceux qui ont la mentalité de ce théologien anglican, converti au catholicisme, qui dans son zèle de néophyte aurait voulu que chaque matin le Times lui apportât une définition ex cathedra ; mais telle n’est pas la mentalité ordinaire des théologiens, encore moins celle des modernistes. — b. Une doctrine peut n'être ni définie, ni explicitement contenue dans le dépôt de la foi, et cependant toucher à la foi ou être théologiquement certaine. Il est vrai que le concile n’a pas défini que la raison pour connaître Dieu fasse une inférence, ni que toute la certitude que nous avons naturellement de l’existence de Dieu soit fondée sur une inférence ; mais abstraheiitium non est mendacium, c’est-à-dire ne pas spécifier n’est pas nier. Dans le cas particulier, d’ailleurs, bien que le concile n’ait rien défini sur ces deux points, l’histoire du concile nous montre qu’en ne spécifiant pas, l’assemblée n’avait pas l’intention de nier. On y parla plus d’une fois officiellement des preuves de l’existence de Dieu ; nous avons entendu le rapporteur explicitement affirmer que » jusqu'à un certain point, aliquatenus, connaitreavoc certitude et démontrer sont une seule et même chovcla, col. 132. Enfin, le concile renvoya aux décisions pontificales antérieures. Or, hautain et Bonnette avaient dû >igner, entre autres, ces propositions : « Le raisonnement peut prouver avec certitude l’existence deDieu el l' infinité de ses perfections. — Quelque faible et obscure que soit devenue la raison par le péché originel, il lui reste assez de clarté et de force pour nous guider avec certitude à l’existence de Dieu..etc. Voir Hautain, ou Denzinger, 10e édit., n. 1622, 1627. Rationis usus fidem prsecedil, et ad eam hominem ope revelationis et gratiæ conducil. Voir Bonnetty, et Denzinger, n. 1507. Donc le concile, en ne spécifiant pas dans sa définition quel acte de la raison intervient dans la connaissance naturelle de Dieu, n’a pas voulu faire une proposition exclusive de l’inférence et du raisonnement. De même, en n’excluant pas nécessairement par le mot naturel toute espèce de secours subjectif — voir plus loin col. 861 — son intention n’a pas été de faire entendre que ces secours sont nécessaires, soit pour le fait, soit pour la certitude de cette connaissance.

b) Raisoyis de la réserve du concile. — Il est facile de se rendre compte pourquoi le concile s’est tenu sur cette réserve, a. soit que l’on considère le but qu’il poursuivait ; b. soit qu’on tienne compte de l'état des documents traditionnels ; c. et de ce que nous enseigne l'Écriture.

a. Le concile, nous l’avons déjà dit plusieurs fois, ne voulait définir que ce qui suffisait à atteindre les erreurs à la mode. Acla, col. 84. Or, ces erreurs, bien que pour des raisons très diverses, s’accordaient à nier le pouvoir et la valeur de la raisoii. Il suffisait donc d’affirmer que la raison est le moyen subjectif de connaître Dieu, sans qu’il fût nécessaire de préciser davantage.

b. Il est très facile de montrer dans l'Écriture et dans la tradition que la connaissance de Dieu peut s’obtenir par voie de causalité et par conséquent par une inférence comme en font même les simples, sinon par un syllogisme à la manière des doctes. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xii, a. 12 ; q. XIII, a. 10, ad5um ; De veritale, q. x, a. 12, ad l um ; In Boeth., de Trinit., q. i, a. 3, ad 6um. Saint Thomas enseigne que la première idée de Dieu nous vient par cette voie. Il n’est pas difficile de trouver chez les Pères nombre de passages qui indiquent la même origine psychologique à la toute première idée de Dieu. Mais il ne serait pas facile de faire la preuve qu’il y a consentement des Pères pour attribuer exclusivement à une inférence la première idée certaine de Dieu, que l’homme a ou peut avoir. Saint Thomas sur ce point est très réservé ; car certains raisonnements de saint Augustin l’embarrassent, et bien qu’il les fasse de son mieux rentrer dans son système, cf. par exemple, Cont. gent., l. III, c. xlvii, il écrit cependant avec beaucoup de prudence : Est ijuxdam communia et confusa Dei cognitio, qux quasi omnibus liominibus adest, sive hoc sit quod Deum esse sit per se nolum, sicut alia demonstratiouis principia, ut quibusdam videtur [ut in llibro, c. x, dictum est), sive quod magis ver uni videtur — voilà ce que saint Thomas pense de sa propre opinion — quia naturali ratione — par une inférence — in aliqualem Dei cognilionem pervenire potest. Et aussitôt saint Thomas, comme procédé de cette inférence, indique la considération de l’ordre du monde. Cont. gent., l. III, c. xxxviii. Cf. Schmid, Die thomistischeund scolistische Gewissheilslehre, Dillingen, 1859. Exposons l'état du problème.

Qu’on lise la plume à la main les auteurs nombreux qui depuis trois ou quatre cents ans ont construit des systèmes sur la première idée de Dieu, on remarquera