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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE ;


pyrrhonisme t' 1 a i t plus favorable à la religion que le dogmatisme. > L’influence janséniste poussait à humilier la raison, cette superbe. Malebranche se déclara pour le fidéisme, tant à cause de prétendues difficultés déduites de la théorie de la connaissance, qu'à cause de l’impossibilité pour l’homme d’avoir l’idée de l’infini ; mais il ne recourut pas à la révélation ; la vision en Dieu, d’où devait sortir ce qu’on a appelé Yonlologisme, lui servit d'échappatoire. Xous n’avons pas ici à nous occuper de cette solution, parce qu’elle ne nie pas précisément le pouvoir pour l’homme de connaître Dieu par les lumières de sa raison, mais explique le fait d’une façon incorrecte et inconciliable avec le dogme de l’invisibilité divine. Muet, dans son traité De la faiblesse de l’esprit Immain, paru après sa mort, fit de grandes concessions au pyrrhonisme. Il accordait bien que l’homme a quelque pouvoir de parvenir à la vérité, mais il lui refusait le pouvoir d’arriver à la pleine certitude par les seules forces de la raison. Mais la bonté divine nous a enlevé cette infirmité, en nous concédant le don inestimable de la foi, qui chasse tous les brouillards. L’ouvrage posthume de Muet fut désavoué par ses amis' La question devait être reprise au xixe siècle.

Durant le xvrïïe siècle, on débattit onguement la question de l’origine du langage. On se souvient que Fénelon, dans sa Lettreà l’Académie, s’inspired’Horace : Sylvestres homines, et que le passage ne s’accorde guère avec la tradition biblique. L’Italien, T.-B. Vico, tout en concédant qu’avant le déluge l’homme avait conservé la religion, la vie sociale et le langage, soutint que les fils de Noé furent tellement dispersés par la crainte des bêtes féroces que ceux qui échappèrent à leur voracité perdirent d’abord toute religion, puis le langage, enfin la vie sociale et l’usage de la raison ; ils vécurent ainsi mille ans, au bout desquels, réveillés par la foudre, ils retrouvèrent quelque connaissance de la divinité, le langage, puis la vie sociale. De constantia philologiæ, c. IX, Scienlia nova, passim. On ne tarda pas à dire des « premiers » hommes, supposés barbares, ce que Vico avait imaginé pour les descendants de Noé. Avec Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, Œuvres, Paris, 1819, t. iv, p. 201-373, la question s’embarrassa dans celle de l’origine des sociétés. Comme les rationalistes et les déistes pour faire une nasarde à la Bible, les sensualistes et les matérialistes pour renforcer leurs systèmes, se ralliaient en grand nombre à cette idée de l’homme sauvage, sans langage ; il arriva, ce qui n’est pas rare, que certains apologistes crurent bien faire de soutenir l’impossibilité pour l’homme d’inventer le langage. Après la Révolution, de Bonald lit entrer cette apologétique dans son système philosophique et social. Voir Bonald, t. ii, col. 959 ; Bonald, Recherches philosophiques sur les premiers objets des sciences morales, 1818.

La même année parut le premier volume de V Essai sur l’indifférence en matière de religion de Lamennais. Bans le IIe volume, Lamennais reprenait les objections des pyrrhoniens et concluait : « Il est de fait que souvent les sens nous trompent, que le sentiment intérieur nous trompe, que la raison nous trompe et que nous n’avons en nous aucun moyen de reconnaître quand nous nous sommes trompés, aucune règle infaillible du vrai. C’en est assez, comme on l’a vii, pour ne pouvoir rigoureusement affirmer quoi que ce soit, pas même notre propre existence. » Essai, 1820, t. ii, c. XIII, p. 29. Cependant la raison individuelle, à cette impuissance d’arriver au vrai et à la certitude, joint un invincible « besoin de croire ». Le consentement commun (l’ordre de foi) supplée à notre faiblesse, el 6 devient, dans l’institution de la nature, le point d’appui de nos connaissances, le titre qui nous en

assure la possession certaine, en un mot la véritable base de notre raison, t c. xiv, De l’existence de Dieu, p. 37. Le consentement commun ou l’autorité du genre li uiiiain renferme donc le plus haut degré de certitude où il nous soit donné' de parvenir. Lamennais montre ensuite qu’il n’est aucune proposition sur laquelle l’accord du consentement commun soit aussi unanime que celle de l’existence de Dieu. « Cette immense idée n’est pas seulement en harmonie avec notre intelligence ; elle est notre intelligence même, p. 70. L’athéisme est donc l’extrême folie. Le c. XV traite des « Conséquences de l’existence de Dieu par rapport à l’origine et à la certitude de nos connaissant L’auteur y conclut : » Il existe donc nécessairement, pour toutes les intelligences, un ordre de vérités ou de connaissances primitivement révélées, c’est-à-dire reçues originairement de Dieu, comme les conditions de la vie ou plutôt comme la vie même ; et ces vérité » de foi sont le fonds immuable de tous les esprits et la raison de leur existence, » p. 81. Et un peu plus bas : « De même que la vérité est la vie, l’autorité, ou la raison générale manifestée par le témoignage ou par la parole (ce n’est pas nous qui soulignons ici) est le moyen nécessaire pour parvenir à la connaissance de la vérité, ou à la vie de l’intelligence, » p. 81. Lamennais soutient ensuite que l’on ne saurait parler sans nommer Dieu, puisqu’on ne « saurait parler sans prononcer ou sans concevoir le mot est, » qui est le nom de Dieu. « Ainsi l’homme n’a pu exister comme être intelligent, n’a pu parler sans connaître Dieu, et ne l’a pu connaître que par la parole, » p. 82. Reprenant ici l’argumentation de Bonald, qu’il cite en note. Lamennais prétend que l’homme n’a pu inventer la parole, puisque cette invention suppose des idées préexistantes, et le besoin, et même le moyen de les communiquer. Donc il a fallu qu’il reçût à la fois les idées et les mots. » Enfin : « Ainsi In pensée, la parole ont été révélées simultanément » et, avec elles, Dieu, p. 83.

Le traditionalisme de Bonald et de Lamennais excita de l’enthousiasme, spécialement dans les milieux ecclésiastiques et même chez les protestants. Le jansénisme n'était pas mort : ce qui rendait moins choquantes alors la confusion de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, et la thèse fondamentale de l’impuissance de l’homme, tel qu’il est depuis la chute, en matière religieuse, doctrines jansénistes que le traditionalisme acceptait. Les ennemis de la foi, afin de saper par la base la révélation divine, s’efforçaient de montrer que la connaissance des vérités de la religion naturelle dérivent de la puissance, de la spontanéité absolue et indépendante de l’esprit humain. De là, l’hypothèse des premiers hommes. sauvages, muets, se développant spontanément par le moyen de leur seule raison, découvrant le langage, fondant la société civile, inventant un culte religieux, passant du fétichisme au polythéisme, s'élevant au monothéisme, puisa la religion chrétienne. Produit du génie de l’homme, la religion était donc soumise au jugement et à la souveraineté de la raison humaine et devait parle seul moyen de cette raison se perfectionner conformément à la loi nécessaire du progrès continu. Cf. Laforét, Les dogmes catholiques, Tournai. I8(10, t. i. p. 458 sq. lai face de tels adversaires, on crut aller a la racine du mal, en niant à la raison humaine toute force, toute spontanéité en matière religieuse et morale, ou même avec Lamennais en toute matière ; on remplaça la raison par la révélation comme liant l’avait remplace sur le terrain moral et religieux par la raison pratique, comme Schleiermacher la remplaçait par le sentiment.

Il y eut chez les traditionalistes un très grand nombre de nuances et on les divise en deux groupes. 1. Les traditionalistes rigides soutenaient : a) que