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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE

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dans tous les cas. ce qui est l’opposé de l’une des ri du syllogisme classique : ab opposito antecedenlit non valet semper ad oppositum consequenlis. Cf. Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, t. i, col. 69. Nicolas d’Autrecourt, pour qu’il y eût certitude absolue, exigea qu’on s’en tint à la règle d’Kuclide. « Il n’y a certitude absolue dans 1< -s inférences que lorsqu’il y a identité entre le conséquent et l’anlécédent ou une partie de l’antécédent, comme il arrive dans les démonstrations de la géométrie, » p. 8. Donc, concluait-il, par le principe de causalité on ne peut pas inférer de l’existence d’une chose, l’existence d’une autre chose.

Si l’on concède le principe, la conséquence de Nicolas est rigoureuse. En effet, la règle d’Kuclide est valable :
1° parce que les mathématiques considèrent le quantum en dehors de tout rapport avec la substance, S. Thomas, Melaphys., l. XI, lect. i ;
2° et aussi en dehors de tout rapport ou de toute dépendance causale, S. Thomas, Sum. l/icvl., I a, q. xliv, a. 1, ad 3 1 "" ;
3° parce que les mathématiques ne s’occupent nullement de l’essence de la quantité, qui pour elles est une donnée, mais n’envisagent dans la quantité abstraite que la propriété de la mensurabilité, cf. Ptolema ? us, Philosophia mentis, Rome, 1702, p. 258 ;
4° et cette propriété n’a pas la même espèce d’objectivité que les relations simplement réelles de similitude, de causalité, etc., sur lesquelles repose la doctrine des universaux et des premiers principes de la physique (sens scolaslique du mot) et de la métaphysique. En effet, l’activité de l’esprit et son mode de connaître dans la durée successive jouent, dans la perception des relations qu’étudient les sciences mathématiques, un rôle qu’elles n’exercent pas dans la connaissance des relations de similitude, de causalité. Anima complet tempus, avait dit Aristole ; saint Thomas le suit et répète plusieurs fois que, s’il n’existait pas d’âme, le temps n’existerait pas. In plujsic., l. IV, lect. xvi sq., surtout lect. xxiii ; In IV Sent., 1. 1, dist. XIX, q. ii, a. 1. VoirBergomo, Tabula, v° Tempus, 7, 35 ; cf. dub. H 49. C’est parce que nous sommes nous-mêmes dans la durée successive que dans nos jugements est impliqué le temps : anima cointelligit ten, pus. S. Thomas, De veril., q. i, a. 5, à la fin ; voir Vasquez, In Sum., I a, disp. LXIV, c. v, Paris, 1905, p. 529. Mais, si telles sont les raisons, fondées sur la nature spéciale de « l’abstraction mathématique », pour lesquelles la règle d’Kuclide est valable, il est clair que Nicolas d’Autrecourt, en « demandant » qu’on appliquât cette règle à tous les raisonnements, rendait impossible tout passage de l’effet à la cause, des propriétés à la substance, etc.

D’un seul coup, toutes les preuves a posteriori de l’existence de Dieu étaient ruinées ; l’agnosticisme avait le dernier mot ; et cela, par le principe même du relativisme, indépendamment de toute hypothèse occasionnaliste ou phénoméniste ; car ces hypothèses ne sont, chez Nicolas, que des conséquences et nullement des principes.

Répercussions du nominalisnie de la dogmatique protestante sur ta doctrine de la connaissance naturelle de Dieu. —

La doctrine catholique enseigne la volonté salvifique universelle, la prédestination gratuite, la grâce suffisante donnée à tous et la justice inhérente. Assurément ces vérités ne peuvent pas se démontrer par la seule raison philosophique, c’est-à-dire en vertu du principe de causalité efficiente et finale. Mais, ces vérités admises par la foi. la réalité du monde invisible et de l’ordre surnaturel se présente à la réllexion comme de tout point conforme à la loi de causalité et de finalité. Au sommet, la bonne volonté de Dieu ; au bas, notre libre activité’ ; à l’intersection des deux plans, la grâce, don intérieur, créé, actuel ou habituel. La grâce est cette réalité objective, par laquelle le dispensateur du salut gratuit nous conduit efficacement, avec notre coopération active, à notre fin surnaturelle. Ainsi, dans la théologie catholique, rien ne peut nous amener à douter de la réalité du lien causal et téléologique par lequel nous soiiiincs unis â Dieu, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel. Nous avons l’unité dépensée. Sans doute, pour la pensée catholique, toutes les certitudes ne viennent pas de la foi ou n’en dépendent pas. Mais on peut dire que le dogme catholique oriente nos spéculations philosophiques et scientifiques dans le sens du sage réalisme du bon sens. Il en va tout autrement dans la dogmatique protestant’-. Inclinée par la doctrine luthérienne de la chute à se défier de la raison naturelle en matière religieuse, la philosophie protestante se voit imposer par la dogmatique de la Réforme une loi de développement dans le sens nominaliste. Il serait facile de montrer que, dès le temps du concile de Trente, pour éluder la justice inhérente comme cause formelle de notre justification. l’efficacité des sacrements ex opère operalo, ou la présence réelle et la transsubstantiation, les controversistes protestants s’appliquèrent à développer la philosophie nominaliste d’Occam. Dès cette époque, on trouve chez eux, pour attaquer ces dogmes, les arguments et les hypothèses — sans en excepter l’associationisme — qu’ont exploités plus tard Hacon, Ilobbes, Locke, Hume, etc., contre la connaissance des substances, des causes et des fins. Les doctrines zvvingliennes et calvinistes sur la cène posaient les principes de l’idéalisme moderne et du relativisme le plus radical. Lorsque Bèze, au colloque de Poissy. avouait la présence réelle, en ce sens que « la foi rend les choses promises présentes, » il disait exactement ce que soutient aujourd’hui l’évéque anglican Gore. lorsqu’il enseigne que a la foi commune de l’Église constitue la réalité spirituelle du sacrement — le corps du Christ — comme la raison constitue les objets du monde matériel. » The body of Christ, 3’édit.. Londres, 1904, p. 124-157. La terminologie de Gore diffère de celle de Bèze, mais la pensée est identique, comme il ressort de la critique de Bèze faite par le carme Beauxamis, Histoire des sectes tirées de l’armée sathanique, etc., Paris, 1570, p. 102 sq. La seule différence est que Gore, lorsqu’il soutient que i les choses n’ont pas d’existence en dehors des esprits qui les connaissent, que les relations sont l’œuvre de l’esprit et sont nécessaires pour faire les objets. » fait appel à des systèmes philosophiques, tandis que Bèze s’appuyait sur l’interprétation huguenote de Heb.. XI, 1 : reprœsenlatio eorum qusc sperantur et denwnstralio eorum quæ non lidentur. Cf. Reding. Œcumenici concihi Tridentini veritas, Einsielden, 168L t. il, p. 261 ; Atmales de philosophie chrétienne, t. ci i. p. 357. Mais la prétendue métaphysique qu’allègue Core n’est en réalité que le résultat d’une extension au monde extérieur de vues philosophiques, systémati d’abord pour un autre objet, c’est-à-dire pour la cène au sens zwinglien et calviniste. La résistance des protestants au cartésianisme eut surtout pour cause la doctrine de l’idée innée de Dieu, qui ruinait le dogme luthérien de l’impuissance de l’homme déchu. Locke employa contre cette idée innée le vert et le sec. el Descartes fut accusé’d’athéisme par des gens qui pensaient prouver Dieu « par l’insuffisance des lumières naturelles pour le salut, s.ms remarquer qu’ils s’enfermaient dans un cercle vicieux. Mais on ne tarda pas à remarquer que la philosophie cartésienne pomail être utilisée, soit contre la justice inhérente, soit en faveur du subjectivisme qui est au fond des doctrines de la Réforme, et on se radoucit. Ce fut une fête, lorsque, du cartésianisme, Leibniz déduisit le subjectivisme de la monade, et Malebranche les fondements de l’idéalisme : idéalistes en théologie dans les thèses