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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)

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du même auteur ne justifient et ne légitiment pas cette ferme croyance. D’ailleurs, et d’une façon générale, un écrivain, protestant ou catholique, peut avoir et défendre une idée sans en voir toutes les conséquences logiques. Par exemple, tel principe d’Occam peut avoir l’athéisme spéculatif ou l’agnosticisme comme conséquence logique, sans qu’Occam ait admis ou entrevu ce lien, faute de pénétration ou d’examen. Et quand il s’agit du cas particulier de l’idée de Dieu, rien n’est plus facile à expliquer qu’une telle inadvertance, parce que l’idée de Dieu est chez, nous antérieure à la réllexion philosophique. Cette antériorité explique pourquoi tant de philosophes modernes, qui réfutent Descartes, se donnent l’équivalent de l’idée innée de Dieu, que leurs philosophies seraient incapahles de leur fournir. Est-ce un mal de constater cette impuissance et de dire, par exemple, que dans le système d’Occam et dans la Grammar of assent de Newman, on se donne l’idée de Dieu ? Cf. Fifleen sermons, xv, n. 41, où, pour éviter le sombre scepticisme qu’engendrent les théories modernes sur la connaissance, Newman fait entrer en ligne de compte, comme Victor Cousin, « l’existence et la providence de Dieu, d’un Dieu qui est à la fois miséricorde et vérité. » — Il arrive souvent qu’un auteur énonce un principe ou fasse une théorie inconciliables avec le dogme ou avec la théologie et qu’ailleurs, dans le même ouvrage, cet auteur atténue ses dires ; il arrive aussi que, soit par suite du progrès de sa pensée, soit comme résultat de polémiques, cet auteur modifie ses premières vues ou même les abandonne. Le critique des idées n’a pas à s’occuper de ces contingences, pourvu qu’il prenne bien le sens de l’auteur qu’il cite dans le passage précis auquel il renvoie. C’est au lecteur à ne pas généraliser et à se souvenir qu’une discussion sur le rapport des idées n’estpas le tableau littéraire’dela mentalité d’un auteur ni l’histoire de sa pensée intime.

4° Si étonnant que le fait puisse paraître au scepticisme et au rationalisme modernes, c’est sur un terrain proprement théologique que se posa le problème de la connaissance naturelle de Dieu, à l’époque de la Réforme. Laissons de côté la question des origines psychologiques des erreurs de Luther sur laquelle on discute encore, il reste que la doctrine de la justification est la base de tout le système protestant, et que celle-ci repose sur la doctrine luthérienne de la chnte originelle. Voir Justification, P originel. D’après Luther, la concupiscence, que n’avait poinl Adam, est chez nous insurmontable, car le libre arbitre a péri ; et de même que les énergies de notre volonté pour le bien ont disparu, noire raison naturelle a été obscurcie. Incapable d’aimer Dieu sans péché, l’homme, même justifié, n’a gardé la raison qu’en matière de boire et de manger, de chevaux et de mariages, d’objets terrestres. Impuissant à toute vertu naturelle, virtutei paganorum tplendida vitia, I homn >t aveugle pour les choses divines. Attaque. Luther nia les droits de la philosophie et de la tb péculative, puis, il eut recours contre b’s sorbonistes à la théorie des deux vérités : verum vero contradiceie polat. Enfin, contre 1rs anabaptistes, qui prétendaient que l’exercice de la i ai on est la condition de la foi, il soutint que les lumières fumeu la raison ne sont que ténèbres puantes wieein Drech .s sur ces violences de I’d< i" n e, bien qu’elles aient pi ne point s’étonner de rencontrer partout di antinomi de la conception luthérienne de li chule originelle, il était logique de lure à l’impossibilité di tonte connaissant naturelle de Dieu, el la conclusion fut d< duile, Calvin, tout oncédanl la connaissanci naturelle de quel Dieu. nia la possibilité de la i on nce naturelle du i » r.n Dieu l lai i u ni ricui alla plus loin i I soutint que, si nous avons été faits à l’image de Dieu, ce miroir a été brisé. De cette image il nous reste, il est vrai, quelque chose, mais c’est seulement quoddam perversum et distortum lumen, quod verum Deum ejusque relijionem damnel ut extremam stultitiam et falsos deos ut colendos monstre ! . Cicéron parle d’une certaine prolepsis de la divinité admise par Epicure. Cette anticipation est réelle, dit Illyricus ; mais, au lieu du vrai Dieu, ce qu’elle nous représente, c’est le polythéisme anthropomorphique, quod dii sint jihires et humanam forniam habeant.

On trouvera les textes de Calvin au premier livre de l’Institution chrétienne, s qui est de connaître Dieu en titre et qualité de créateur et souverain gouverneur du monde, » Genève, 1502. Voir aussi l. II, c. il, « Que l’homme est maintenant dépouillé de franc arbitre et misérablement assujetti à tout mal. j> Le P. Mersenne. Quxstiones celeberrinix in Gcnesim, Paris 1623, col. 233 sq., donne toute l’argumentation de Flaccus Illyricus. « Illyricus, observe Mersenne, ne nie pas ex professo et directement l’existence de Dieu, cependant par une conséquence — légitime ou non, peu importe ici — il est certain que plusieurs en partant de cet axiome que nousiie connaissons pas ce qu’est Dieu, arrivent à se persuader qu’il n’existe pas. Il est donc nécessaire de discuter les arguments d’Illyricus, qui sont au nombre de seize. » Cf. Bellarmin, Controv. de tjratia et libero arbitriez, l. IV, c. ii, Lyon, 1596, t. iii, p. 529 ; J. de la Servière, La théologie île Bellarmin, Paris, 1908, p. 613 ; Kleul^en, De ipso Ueo, Hatisbonne, 1881, n.115 ; < k>nst. Germanus, Re/ormatorenbilder, Fiïbourg-en-Drisgau, 1883, p. 90 ; Lobstein, Études sur la doctrine chrétienne de Dieu, Paris, 1907, p. 111.

D’autres protestants sont arrivés à se défier de la raison naturelle en matière religieuse par des voies plus courtes, par la doctrine de la « Bible seule ». Il existe en Ecosse une secte fondée au xvine siècle par John Barclay et nommée « les béréans ». Elle a pris ce nom, parce qu’elle se pique d’imiter les habitants de Rérée, dont il est dit, Act., xvii, 11 : Suiceperunt ver bum cttm omni avidilale, quolidie scrutantes Scripluras, si ila se haberent. Certes, celle origine textuelle n’a rien de philosophique. Cependant, voyez les consé quences que l’on a déduites de ce texte scripturaire. En ce qui touche la connaissance de Dieu, les béréans professent « que la majorité des prétendus chrétiens errent sur le seuil même de la révélation ; en admettant une religion naturelle, des connaissances naturelles, etc., non fondées sur la révélation ou non dérivées d’elle par voie de tradition, ces prétendus chrétiens rendent impossible toute apologétique du christianisme : car l’incrédule, si on lui concède qu’il peut connaître Dieu par les forces naturelles de sa raison, prétendra que la parole de Dieu est inutile. Il faut donc soutenir que sans la révélation nous n’aurions pas même l’idée eh’Dieu. » Cf. The denonrinational reason why… giving the origin… of the Christian secls, Londres, 1890, p. 226. n. 77 sq, Voila donc toute une philosophie, toute une méthode d’apologétique, fondée, non pas sur l’observation ou l’induction, mais sur un bout de texte mal compris. Il y a dans le monde pi ti s de béréans que l’on ne pense.

Concluons. Entendu au sens catholique, le dogme de la chute originelle ne nous prive que des dons surnaturels d’Ail indebita simplicité)’et secundum quid). Entendu au sens protestant, le même dogme constitue une déchéance, non pas seulement de l’étal historique ou vécut Adam, mais bien de uns facultés naturelles. Or, un’de ces (acuités est la raison, puissance naturelle qui, entre autres, a Dieu pour objet. Luther, Calvin, us [llyricus, etc., déclarent cette puissance incapable d’atteindre cet objet. D’autres arrivent au m résultat en exagérant la néo ssité de la révélation et par suite en mettant le I’le la reli| D’où cette conséquence : tout système philosophique qui tend > déprimer la raison, à en nier la valeur, à prouver qii n m île re n lïgiet Unese ne