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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)

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Cette littérature futabon lante. Citons Claude de Sainctes, plue tard évêque d’Évreux, Déclaration /Paucuns alhéismea de la doctrine de Calvin et de Bèze, contre lespremiers fondements de lu chrétienté, etc., Paris, 1568 ; Posscvino, Ath Lutheri, Melanchthonis, Calvini, liezve, ubiquetariorum, anabaptistarum, picardorum, puritanorum, urianorum et aliorum nostri temporis hæreticorum, Vilna, 15W3 ; ld., Bibliotheca selecta, l. VIII, Rome, 1503 ; ld., Judicium de Xuoe militis ijalli scriptis, etc., Lyon, 1593 : contre François de la Noue, Jean lîodin, Philippe du Plessis-Mornay, Machiavel, etc. ; Keuardent, Theomachia culvinistica XVI libris profligata quibus mille et quadringeiiti hujus sectæ novissimse errores diligenter excutiuntur et profligantur, 1604. On trouve des réminiscences de ces écrits polémiques dans Garasse, Somme théologique des vérités capitales, Paris, 1025, a vert., p. 35 ; l. I, et surtout l. II, contre l’agnosticisme (athéisme couvert) de Charron ; Mersenne, Quxstiones celeberrimse in Genesim. In hoc volumine atkei et deistx impugnantur, Paris, 1623, col. 15676 ; ld., L’impiété des déistes, alliées et libertins de ce temps combattue et renversée, Paris. 1624 ; voir c. ix, x, le jugement sur Charron, Cardan et Bruno ; Théoph. Raynaud, Erotemata de bonis et malts libris, part.I.erot. 3 et 4, dansOpera, Lyon, 1665, t. xi, p. 211.

Durant trois siècles, les protestants mirent sur le compte de « la rage des papistes » et sur « l’esprit de parti » les conséquences athées que les polémistes catholiques déduisaient des écrits des réformateurs. Ce n’était certes pas sans quelques fondements que luthériens et réformés rejetaient l’épithèle d’atliéisles ; car si athée signifie « qui n’admet point de Dieu, » ni Luther ni Calvin n’étaient athées. Les auteurs catholiques dont nous parlons avaient donc tort d’employer, sans toujours le bien définir, un terme péjoratif très odieux. Mais de cette concession, que nous faisons très volontiers, à conclure que les controversisles catholiques étaient aveuglés par la rage papiste, il va loin. Au contraire, ce qui se passe depuis cent ans dans le monde protestant démontre que nos théologiens voyaient juste. En effet, sous le nom d’athéismes de Luther, de Calvin, etc., que désignaient-ils ? Qu’on les relise avec soin, sans s’arrêter à l’écorce des mots ; ce terme d’athéisme désigne chez eux ce que nous nommons aujourd’hui naturalisme, rationalisme, panthéisme, agnosticisme. Or, il n’est pas rare que les mêmes textes de Luther et de Calvin qui servirent à de Sainctes, à Possevin, à Feuardent, etc., pour dénoncer au monde chrétien ce qu’ils appelaient en bloc « l’athéisme », soient précisémenteeux sur lesquels s’appuyaient, il y a quatre-vingts ans, Wegscheider et Bretschncider pour prouver l’identité du protestantisme et du rationalisme, ou ceux que mettent en avant de nos jours llarnack, Plleiderer, Sabatier, Paulsen, etc., pour se persuader qu’ils sont encore protestants, tout en ayant depuis longtemps cessé d’être chrétiens ou même déistes. Nous pouvons donc conclure que, si l’anglican Bacon, le calviniste Viret, le luthérien Spizelius étaient d’accord avec le jésuite espagnol Yasquez pour reconnaître une coïncidence de fait et quelque liaison entre l’hérésie protestante et la diffusion de l’athéisme proprement dit, de nos jours les protestants libéraux pensent, comme de Sainctes, Possevin, Feuardent, Mersenne, Garasse et Raynaud, que la doctrine protestante contenait en germe toutes les thèses que nous voyons systématiquement développées autour de nous et dont l’aboutissement naturel n’est autre que l’athéisme pur et simple. Le cours de l’histoire n’a donc fait que confirmer ce que la perspicacité des théologiens catholiques avait deviné, cf. Duns Scot, In IV Sent., q. tu, prologi, qu ; est. later.2, Ex diclis ; Yasquez, In Sum., I a, disp. X, n. 8, 15 ; el le protestantisme libéral, en se rattachant aux doctrines des premiers réformés. justifie les assertions historiques du concile du Vatican. D’ailleurs, nous pouvons négliger les réclamations de certains protestants libéraux allemands contre l’encyclique : L’encyclique, démasquant le modernisme, démasquait du même coup le protestantisme libéral ; de là, chez certains protestants libéraux, la préoccupatipn de séparer leur cause de celle du modernisme. Mais l’attitude que le protestantisme libéral dans son ensemble a prise à l’égard du modernisme, condamné par Rome, montre assez que la parenté des doctrines n’est pas imaginaire.

2° Ce serait pourtant manquer de toute justice et de toute mesure que de prétendre que les protestants sont tous et fatalement sur le chemin de l’athéisme ou de l’agnosticisme. Il n’en est heureusement rien. Les excès de quelques-uns de ses premiers adeptes effrayèrent Luther, comme plus tard le socinianisme lit reculer le calvinisme. Aussi, dès ses débuts, le protestantisme eut-il une théologie ou science de Dieu ; les Loci communes de Mélanchthon sont célèbres ; le calviniste Yirel, nous l’avons dit, donnait des preuves philosophiques de l’existence de Dieu ; la Théologie naturelle du huguenot Pacard a pour épigraphe Rom., I, 20. La bibliographie des ouvrages protestants anciens du même genre est immense. Disons simplement que Lobstein a raison d’affirmer que « la Réforme n’entama point la notion consacrée du Dieu personnel. I Etudes sur la doctrine chrétienne de Dieu, Paris et Lausanne, 1907, p. 160. Et, grâce à Dieu, il serait facile de citer parmi les protestants contemporains beaucoup d’écrivains dont la pensée est correcte sur le sujet qui nous occupe. C’est une appréciation très fausse, propagée à dessein par les modernistes dans les pays néo-latins, que tout le monde protestant partage leurs idées sur l’impuissance de la raison à connaître Dieu ; il suffît de vivre en pays protestant pour savoir que c’est calomnie pure. D’ailleurs, à côté de la littérature du protestantisme libéral dont on fait tant de bruit, il y a, aussi bien en Allemagne et aux États-Unis qu’en Angleterre, en Suisse et même en France, tout un monde de penseurs protestants qui sont aussi éloignés que nous de Hume et de Comte, de Kant et de Ritscbl, de Buchner et de Spinoza ; il y a du reste longtemps que l’on a remarqué que « rien n’est moins voltairien qu’un huguenot » orthodoxe. Lorsque donc les théologiens catholiques rapprochent les doctrines de la Réforme de l’athéisme, leur pensée ne vise pas l’ensemble des doctrines ; on veut simplement énoncer un fait : la coïncidence du développement de l’hérésie protestante et de l’athéisme ; et on explique cette coïncidence d’une manière générale par la mentalité faite aux protestants par quelques-unes de leurs doctrines, d’une façon plus spéciale, par les liaisons logiques de ces doctrines avec certaines positions philosophiques, qui conduisent au lidéisme, à l’agnosticisme ou à l’athéisme.

3° Dans tout ce travail, qu’il s’agisse des protestants ou des modernistes, nous n’avons en vue. même lorsque nous donnons des noms propres, ni les croyances personnelles, ni la foi subjective des individus. Il n’est question que des idées et de leur liaison ai eenotre sujet. Hans l’histoire des sciences, on discute la valeur d’une hypothèse comme d’un objet qui n’a rien à voir avec la personnalité de son auteur. Les juristes et les moralistes rejettent tous les jours tel principe d’un auteur classique sans mettre en question sa moralité. Les théologiens font de même. Dans le cas particulier qui nous occupe, nous sommes d’autant plus à l’aise pour procéder ainsi scientifiquement que nous tenons, avec h doctrine commune des Pères et de l’Ecole, que l’idée de Dieu est rarement absente chez l’homme normal ; car la croyance en Dieu naît et s’impose spontanément. Cf. Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1900, t. i, col. 10 sq. D’où il suit, par exemple, que si nous voyons M. Lobstein, qui est symbolo-lidéiste, protester qu’il admet un Dieu personnel, nous n’avons aucune raison de mettre en doute sonaflirmation, bien que nous soyons convaincu (iiie les Études sur la doctrine chrétienne de Dieu