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DIACONESSES

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protestantische Théologie, 2e édit., Leipzig, 1877, t. iii p. 581.

Quoi qu’il en soit, depuis ses origines, l’institution des diaconesses, si elle a parfois rencontré de l’opposition, même parmi les coreligionnaires de Eliedner, a pourtant pris de grands développements. C’est en Allemagne que son essor a été le plus rapide et le plus puissant. D’après une statistique de 1881, il y avait alors en territoire allemand trente-deux fondations ou maisons distinctes de diaconesses, comprenant environ 3610 sœurs. Dans ce nombre, après la maison primordiale de Kaiserswerth, la plus remarquable est sans doute celle de Neuendetlelsau, prèsd’Ansbacb (Bavière), qui, par les écrits de son fondateur Lôhe, a exercé et exerce une inlluence considérable sur l’esprit de toutes les autres. L’exemple de l’Allemagne a été suivi à l’étranger, quoique avec beaucoup moins d’entrain et d’ampleur ; et, dans la plupart des cas, on s’est inspiré des idées et des règles adoptées en Allemagne. Il y a actuellement des maisons de diaconesses en Russie, en Suède, en Norvège, en Danemark, en Angleterre, en Hollande, en Autricbe-Hongrie, en Suisse. Il en existe également aux Etats-Unis. La France possède, pour sa part, deux maisons mères à Paris ; elle a aussi quelques établissements en province, par exemple à Nancy. Chaque maison répartit ses sujets dans différentes « stations », suivant les circonstances. En 1890, cinquantequatre ans après la première fondation, on comptait soixante-quinze maisons mères ou fondations indépendantes et 8478 diaconesses, dont l’activité embrassait à peu près toutes les formes de la charité : hôpitaux, hospices, orphelinats, pensions, dispensaires, établissement d’aliénés, refuges, etc.

Les créateurs et les organisateurs des diaconesses ont toujours, par conviction assurément, mais peut-être aussi en partie par un opportunisme nécessaire, c’està-dire par ménagement pour l’opinion publique de leurs milieux, proclamé hautement leur intention de se tenir bien à distance des institutions catholiques similaires : c’est pour cela qu’ils déclarent exclure les vœux proprement dits de religion, surtout les vœux perpétuels de pauvreté, d’obéissance et de chasteté ; c’est pour cela aussi que | lusieurs ont protesté contre tout dessein de restauration même partielle de la vie contemplative. Il semble que ces derniers aient craint un retour à ce que Calvin appelait élégamment « l’ordre oisif des nonnains. » Et pourtant, il faut bien le reconnaître : malgré les craintes, les protestations et les précautions, la plupart des établissements, parleur organisation extérieure du moins, par leurs moyens et leur forme de vie sociale, rappellent étrangement, quelques-uns à s’y méprendre, les ordres religieux dont s’honore le catholicisme. Le groupe des « Sœurs de la Miséricorde », qui, fondé en 1864, a étendu son action jusqu’à Ilonolulu, la capitale des iles Sandwich, fut, le 23 août 1871, de la part de l’évêque Stanley, l’objet d’une déclaration désobligeante, portant qu’il était « fort utile dans les écoles, mais dangereux par son organisation et trop semblable aux ordres romains. » En Angleterre et en Amérique, les diaconesses forment le plus souvent de véritables congrégations, qui sont complètement sous la dépendance de l’évêque. De là cette définition, formulée dans un manifeste épiscopal et rapportée par le Rev. J. S. Howson, Deaconesses, Londres, 1862 : « Une diaconesse est une femme qui a été mise à part par l’évêque pour le service de l’Eglise et revêtue par lui de ce titre. Il pourra toujours la révoquer. »

Abstraction faite de ce trait, particulier aux instituts de langue anglaise, et à s’en tenir aux grandes lignes, on peut ainsi esquisser la physionomie commune des maisons de diaconesses. Les postulantes, jeunes filles ou veuves, qui n’y sont reçues généralement qu’après

dix-huit ans et avant quarante, doivent se soumettre à une (’preuve de deux ans ; pendant la première ain elles s’appellent sœurs d’essai, et pendant la second’-, novices ou sœurs adjointes. Vient ensuite la « consécration » (Einsegnung), à laquelle elles se préparent par une retraite de huit à quinze jours. Elle est entourée de différentes cérémonies religieuses, mais consiste essentiellement dans rémission des « promesses des diaconesses » et la réception d’une bénédiction par imposition des mains du ministre ou de la supérieure. Aux promesses ainsi émises, dans la plupart des maisons on donne le nom de vœux, tandis qu’ailleurs on repousse cette appellation comme équivoque et dangereuse. Elles ont pour objet « l’obéissance, la bonne volonté (WUligkeit) et la fidélité dans la fonction de diaconesses. » A ces trois obligations certaines règles ajoutent celle de « franchise », entendant par là le devoir de ne point contracter de promesse de mariage sans en avoir averti au préalable l’inspecteur ou la supérieure de l’établissement. Par ces mêmes promesses, la diaconesse s’engage simplement « pour aussi longtemps que le Seigneur la laissera dans cette vocation ; » mais chacune doit, par devers soi, avoir l’intention sérieuse de persévérer indéfiniment, de se dévouer toute sa vie. Les sœurs de chaque maison portent un costume uniforme, et elles font ensemble un certain nombre d’exercices pieux, qui constituent précisément leur vie religieuse commune : prières, méditations, lectures, assistance à l’office divin et à des conférences, participation à la cène, et, presque partout, « demi-heure quotidienne de recueillement » (stille halbe Stunde). La matière des lectures est très souvent fournie, sans parler de l’Écriture sainte, par les ouvrages spéciaux de Fliedner et de Lobe. Celui-ci a puisé abondamment pour composer ses recueils et ses instructions, aux sources canoniques, rituelles, ascétiques et hagiographiques dont l’Église a conservé le patrimoine traditionnel. Celles qui le suivent se meuvent donc, sans s’en douter, sur un terrain catholique, elles vivent du fonds doctrinal et moral, toujours inépuisable, du catholicisme. La congrégation des « Diaconesses du Maryland » a une règle qui prescrit même les six heures canoniques de la prière. En dehors des pratiques susdites, on recommande la confession et l’absolution publiques, voire la c’onfession privée. Celle-ci, dit Schàfer, « est le pivot de toute conduite spirituelle ; sans elle il n’est point de direction forte et efficace ». Bien que, théoriquement, les sœurs doivent s’attacher à leur vocation par pure reconnaissance pour Jésus-Christ, en souvenir des grâces reçues de lui : bien qu’elles ne doivent voir dans le célibat auquel elles sont astreintes qu’une nécessité résultant de leurs obligations d’état, et que le dogme protestant leur interdise de rêver d’œuvres méritoires ou d’une excellence intrinsèque de la virginité, l’expérience prouve que beaucoup suivent l’indication concordante de la raison et de la révélation chrétienne, en s’encourageant dans leur tâche par l’espérance de la récompense céleste ; elle établit aussi que beaucoup, parmi celles qui persévèrent, en viennent à envisager et à aimer la virginité comme une condition en soi plus noble que celle du mariage.

J’ai dit : parmi celles qui persévèrent. La plupart, en effet, ne fournissent qu’un service temporaire. Les meilleurs amis, les promoteurs les plus intelligents de cette institution constatent le fait, en le déplorant et en détaillant et recommandant les mesures, trop souvent inopérantes, par lesquelles on tente d’j remédier. Des 160 sœurs qui ont desservi l’hôpital Elisabeth, de Berlin, pendant une période de vingt-cinq ans, de 1837 à 1862, cent-vingt, soit exactement les trois quarts, n’ont pas persévéré. L’établissement de Bélhanie, dans la même ville, a vu passer, durant une période égale (1847-t !