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DEVOTION

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la puiser avec soin dans la doctrine traditionnelle de l’Église et dans l’enseignement le plus autorise des théologiens. Nous n’avons point à examiner ici si, de fait, d.ins l’histoire de la dévotion ou des dévotions, cette nécessaire qualité a toujours été pleinement réalisée dans tous les fidèles. Les lacunes qui pourraient être constatées sur ce point ne pourraient être aucunement attribuées à la direction de l’Église ou à l’enseignement théologique autorisé par elle.

II. Relations avec la perfection.

1° La dévotion substantielle, provenant d’une charité fervente et constante, suppose, surtout quand elle est habituelle, quelque I réalisation permanente de la perfection ou y conduit facilement. Car cette charité fortement établie dans l’àme et la disposant à faire constamment et promptementee que l’on sait être plus agréable à Dieu, c’est la perfection elle-même. Voir t. i, col. 2038 sq.

En même temps, la dévotion substantielle contribue puissamment au développement de la perfection, par l’emploi constant et fructueux des plus puissants moyens de perfection, la mortification, la prière, la méditation et la contemplation. La dévotion substantielle, généreusement maintenue dans les douloureuses épreuves des purifications passives, a une valeur et une efficacité particulièrement intenses pour la sanctification personnelle à cause des vertus héroïques qu’elle suppose ou fait pratiquer.

2° La dévotion accidentelle, considérée en elle-même, ne suppose point nécessairement l’acquisition de la perfection. Dieu se plaît parfois à la dispenser libéralement aux débutants qui n’ont point encore dépassé la voie purgative. Il veut ainsi les détacher des affections périssables et les attacher définitivement à son amour. Il est non moins vrai que la dévotion accidentelle n’aide point toujours effectivement à l’acquisition de la perfection. A l’âme imprudente qui s’y comptait ou s’y affectionne excessivement et qui en prend occasion de négliger la mortification et les vertus solides, elle peut devenir une occasion de perdition. Mais quand elle procède d’une ardente charité et qu’elle est accompagnée d’une humble défiance de soi-même, d’une constante résignation à la volonté divine et de sérieux efforts vers les solides vertus, elle aide puissamment à la vraie perfection. Cette efficacité est particulièrement intense dans les ineffables jouissances qui résultent de la contemplation mystique et qui ont pour effet immédiat dans l’âme un très grand amour envers Dieu et envers le prochain. Philippe de la Sainte-Trinité, Summa theologix mysticx, Paris, 1874, t. iii, p. 108 sq. ; Meynard, Traité de la vie intérieure, 3e édit., Paris, 1899, t. ii, p. 113 sq.

3° Les dévotions particulières, publiques ou privées, peuvent être d’excellents moyens auxiliaires de perfection, suivant leur nature et leur importance et suivant l’esprit avec lequel on les pratique. C’est ce que réalisent principalement les dévotions dont le but immédiat entièrement spirituel est intimement lié avec la charité et les autres vertus chrétiennes.

Bien différentes peuvent être parfois les dévotions où l’on se propose surtout l’obtention de faveurs temporelles. Directement stériles au point de vue ascétique pour les âmes trop oublieuses des dispositions spirituelles toujours nécessaires, elles peuventeependunt procurerde sérieux avantages, en soulageant de réelles misères, en maintenant quelque pratique de la prière et en facilitant l’accomplissement de quelques devoirs religieux. Il appartient aux prêtres d’éclairer et de diriger les fidèles de manière à assurer aux dévotions autorisées par l’Église leur plein effet spirituel et â en écarter les défauts qui les discréditent parfois aux yeux des non-catholiques.

III..Moyens principaux d’acquérir, de conserver et de développer la dévotion. — Il n’est point néces saire de montrer dans la grâce divine la source première d’où procède, avec tout bien surnaturel, toute vraie dévotion. Nous avons seulement à indiquer lés moyens qui produisent immédiatement en notre âme cette salutaire disposition. On peut avec saint Thomas, Suni. theol., IIa-IIæ, q. i.xxxii, a. 3, les ramener tous â la méditation ou contemplation. Selon saint Thomas, cette méditation ou contemplation est toute considération de la vérité divine, dont le but principal est d’exciter et d’augmenter notre charité envers l’infinie perfection de Dieu. Op. cit., q. CLXXX, a. 1. Qu’elle ait pour objet les effets de la puissance et de la miséricorde divine dans les créatures ou qu’elle se porte immédiatement sur les perfections divines, la contemplation tend toujours à exciter en nous une ardente charité envers Dieu, charité d’où jaillit spontanément la ferveur de la dévotion. Op. cit., q. lxxxii. a. 3. Voir Contemplation, t. iii, col. 1617. Mais pour produire en nous cet effet habituel, la méditation ou contemplation doit être précédée et accompagnée de la pratique du recueillement intérieur et de la mortification ou modération constante des passions aptes à distraire et à tourmenter l’âme. Op. cit., q. clxxx. a. 2. Elle doit encore s’appuyer constamment sur la prière, source habituelle de lumière pour l’âme, et sur les autres moyens providentiels de communication de la vérité divine, tels que l’enseignement d’autrui, les lectures pieuses, et les réflexions personnelles, lbid., a. 3, ad 4 am. Enfin le saint docteur exigeque la contemplation tende incessamment non à la connaissance intellectuelle, si louable qu’elle soit, mais â la charité vraiment effective, avec tous les sacrifices qu’elle exige de nous, q. clxxx, a. 1 et 7, ad l um.

Cet enseignement de saint Thomas résume fidèlement les moyens partiellement indiqués par les Pères et autres ascétiques antérieurs. S. Ambroise, De institution virginis, c. ii, n. 10 sq., P. L., t. xvi, col. 308 ; S. Grégoire de Nysse, De instituto c/irisliano, P. G., t. xlvi, col. 304 ; Cassien, Collaliones, collât. X, c. xiv. P. L., t. xlix, col. 843 ; S. Jean Climaque, Scala paradisi, gradus xxviii, P. G., t. lxxxviii, col. 1133 ; Hugues de Saint-Victor, Erudilionis didascalicx, 1. V, c. ix, P. L., t. CLXXVI, col. 797 ; De modo orandi, c. I, col. 977 sq. ; S. Bernard, De consideratione, 1. I. c. vu. P. L., t. clxxxii, col. 736 sq.

De tout ce qui précède l’on est en droit de conclure que les personnes particulièrement obligées par état à la perfection et à des devoirs qui ne peuvent convenablement s’accomplir sans la dévotion au moins substantielle, sont tenues à quelque pratique habituelle de la méditation ou contemplation des choses divines. Conclusion applicable non seulement aux personnes engagées dans l’état religieux, mais encore aux prêtres séculiers particulièrement obligés â la perfection par leurs fonctions sacerdotales et par leur ministère. Voir t. I, col. 2040. Enseignement d’ailleurs fortement exprimé par saint Grégoire le Grand, exigeant que le pasteur des âmes soit prx ciinclis contemplât ione suspensus, Rcgulx pasloralis liber, part. II, c. v, P. L., t. i.xxvii, col. 32, et que sludiose quotidie sacri eloquii prxcepta meditetur, ut in eo vim solticitudiniî et erga cxlestem vitam providæ circumspcctionis quant humanx conversationis usus indesinenter deslruil, divinx admonilionis verba restaurent ; et gui ad vetustatem vitx per societatem sxcularium ducitur, ad amorem semper spiritalis patrix compunctionis aspiralione renovetur, col. 48. C’est aussi la pensée de saint Bernard, De consideratione, 1. I, c. vu ; 1. II, c. IV, ix. xi-xiii, P. L., t. clxxxii. col. 736 sq.. 745 sq.

S. Thomas, Sum. theol., II" II’, q. î.xxxii ; S..lean de la Croix, L « montée du Carmel, 1. 111. c. xxxv sq., (Ktirres, Paris, 1893, t. iii, p. 186 sq. ; Thomas de Vallgornera, Myftica