Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée

. ; . !’.(

DESTINÉE — DÉTENTION INJUSTE DU BIEN D’AUTRUl

040

tés ailleurs ; il nous suffira d’indiquer l’idée synthé— I

tique qui les relie enlre eux. La destinée, c’est la question de la fin de l’homme (voir ce mot). On peut donc se demander à son sujet :

1° S’il y a une destinée, c’est-à-dire si l’homme a I une fin, s’il y a une orientation nécessaire et providentielle de sa vie, ou s’il est tout simplement un résultat de forces aveugles qui vont au hasard et produisent sans cesse, sans les prévoir, sans les vouloir, sans y tendre, de nouveaux résultats. Voir CAUSE, t. ii, col. 2033 sq. ; Hasard, ÉVOLUTION, HOMME. La religion naturelle et la révélation affirment que l’homme est l’œuvre d’un créateur intelligent et sage, qui n’a pu agir sans imposer un hut à son œuvre. Voir C. Piat, Déminée de l’homme, Paris, 1898.

2° Quelle est cette destinée ? — Est-elle en dehors de l’homme, dans l’avantage utilitaire ou honorifique du créateur ; ou dans l’homme ? En l’homme consistet-elle dans sa perfection ou dans son bonheur ou dans les deux ? Si elle réside dans la poursuite de sa félicité, quelle félicité doit-il chercher, celle des sens ou celle de l’esprit, ou les deux ? Toutes ces’solutions ont été données par les morales humaines. Voir Création, t. iii, col. 2034 sq. ; Béatitude, t. ii, col. 497 sq. ; Dieu. La réponse de la théologie chrétienne est que la destinée de l’homme réunit en un seul terme trois aspects divers : l’homme est créé pour la gloire de Dieu, mais celleci réside surtout et essentiellement dans la perfection de l’homme, image et glorification de la divinité ; et la perfection à son tour rend heureux l’homme qui l’a obtenue, qui en a conscience et se repose en elle. En sorte que le terme pour l’homme est dans la gloire de Dieu, dans la perfection personnelle et dans la félicité.

30 A quel ordre appartient cette destinée ? — Estelle d’ordre naturel ou d’ordre surnaturel ? Voir Nature, Surnaturel, Ordre. A ce sujet encore de longs développements se donnent là où est discutée la vocation de l’homme à l’ordre surnaturel. Les uns nient < ; ette vocation ; ils sont les tenants du naturalisme sous toutes ses formes ; les autres adoptent cette vocation. Selon eux, et selon la religion catholique, chacun a été appelé primitivement à la vie surnaturelle, puis, l’ayant perdue, y a été restauré par la rédemption. L’ordre surnaturel comporte une fin nouvelle, qui enveloppe et complète la fin de l’ordre naturel, et donne à l’homme une destinée correspondante au caractère spécial de l’ordre surnaturel ; destinée de participation à la vie divine, d’élévation à une perfection inabordable par nos moyens naturels d’exploration, de connaissance ou de conquête. L’homme a donc, depuis le Christ, une destinée surnaturelle.

4° Cette destinée est-elle libre ou obligatoire ? — Autre question qui touche la destinée et qui fut soulevée par des libéraux (voir Liréralisme, Vie surnaturelle) pour lesquels la vie surnaturelle serait un don facultatif offert, mais non imposé par Dieu à notre bonne volonté. La thèse catholique est que la destinée surnaturelle est gratuite, mais obligatoire. Dieu nous la donne par un pur effet de sa bonté, qui aurait pu nous refuser une si grande faveur ; mais en nous la donnant, Dieu pousse la bonté jusqu’à nous l’imposer, afin que, par notre caprice, nous ne soyons pas privés d’un tel privilège. Nous ne sommes donc pas libres d’accepter la destinée surnaturelle ou d’y renoncer.

5° Où cette destinée doit-elle se réaliser ? — Ici-bas ou dans une autre vie ? Les matérialistes, qu’ils portent ce nom ou que, sous d’autres appellations, ils nient l’autre vie, s’accordent à dire que l’homme est fait pour cette vie et qu’il doit se borner aux horizons terrestres. La destinée serait dès lors d’y jouir le plus et le plus longtemps possible, d’où la curée des volup tés, des richesses et des honneurs. La doctrine catholique affirme l’immortalité et la spiritualité de l’âme,

voir Ame, t. 1. col. 1022, et lui attribuant une destinée correspondant à sa nature en relarde la plein.— réalisation jusqu’à l’autre vie. Voir Ciel, t. 11, col. 2171 ; Purgatoire, Enfer.

6° Dans quel acte principal cette destinée doit-elle s’accomplir ? — Est-ce dans l’action, dans l’amour, ou dans la vision ? La théologie enseigne que le terme de l’homme surnaturalisé est dans l’acte de la vision intuitive de Dieu. Voir ComprÉhensive (Science), t. iii, col. 631 ; Vision, Ciel. Cette vision rayonnera dans la volonté, pour y provoquer un amour suprême et irrévocable de Dieu, dans toutes les facultés pour les établir dans l’état bienheureux de pleine possession de leurs objets, mais l’acte premier, essentiel, qui constitue l’homme dans sa fin, c’est le face à face avec Dieu, en quoi Dieu est souverainement glorifié, et l’homme divinement perfectionné et béatifié.

7° Comment l’homme accomplit-il sa destinée ? — Librement ou nécessairement ? Les déterministes assurent que l’homme est conduit par la fatalité, ou la nécessité des forces créées, vers une fin prédestinée et inéluctable ; la foi enseigne que l’homme est libre et que, si sa fin est obligatoire, il a l’honneur et le mérite de la réaliser librement et volontairement. Voir Déterminisme, Lirerté, Prédestination.

8° Où a commencé la destinée de l’homme ? — La marche de l’homme et le travail qui accomplit sa destinée commencent-ils à sa naissance, ou remontentils au delà du berceau ? La métempsycose et l’évolutionisme (voir ces mots) font de la vie humaine un seul instant, un anneau d’une chaîne infinie qui s’est déroulée auparavant dans des existences préparatoires à la vie humaine et se prolongera après dans l’épanouissement d’une espèce nouvelle et supérieure, qui sera le surhomme, ou un esprit pur. ou dans la déchéance d’une matérialité douloureuse où l’homme subira le châtiment et la purification de ses fautes et de ses vices. La révélation enferme l’homme dans son espèce, créée par Dieu, douée d’une âme créée spécialement pour chacun, au moment de sa conception ; sa destinée est de se perfectionner dans son individualité propre et son espèce humaine. Le surhomme est une utopie. L’homme marche vers l’homme parfait décrit par saint Paul : donec occurramus omttes in unitatem fidei et agnitionem Filii Dei in virum perfection, in mensuram œtatis plenitudinis Christi. Eph., iv, 13.

90 y a-t-il une destinée sociale ? — L’homme peutil se sauver individuellement, ou doit-il, pour le salut, s’unir en société, ou recourir aux sociétés existantes ? L’homme est essentiellement social ; il ne peut accomplir ni sa destinée terrestre, ni sa destinée céleste, sans le secours de l’humanité groupée en société. Il faut à l’homme une patrie, au chrétien une Église : c’est dans ces grands organismes seulement qu’il trouve les moyens indispensables à la réalisation de sa destinée, et la destinée de ces sociétés est précisément de faire à l’homme le milieu et les moyens de salut et de vie naturelle et surnaturelle. Voir Société, Église.

A. Ciiollet.

DÉTENTION INJUSTE DU BIEN D’AUTRUl. Le septième commandement de Dieu, Xon furtum faciès, Exod., xx. 15, défend non seulement de prendre le bien d’autrui, mais aussi de le retenir contre sa volonté, car on fait aussi tort au prochain en détenant injustement son bien qu’en le lui prenant. Detinere quod ulteri debetur, eamdem ralionem nocumenti habet cum acceptione injusla ; ideo sub injusta acceptione intelligitur etiam injusta detentio. S. Thomas. Sum. theol., * H’, q.i.xvi. a. 3, ad2 u. De plus, la détention injuste du bien d’autrui n’est pas un acte transitoire, comme l’est le simple vol ; mais c’est un état, la