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DESCENTE DE JESUS A IX ENFERS

aux enfers. La question bien posée, c. vi, il prouve d’abord que « descendre aux enfers » n’est pas une métaphore pour exprimer un anéantissement complet,

c. vu ; ni pour marquer que le Christ a enduré les douleurs infernales, c. viii ; ni pour signifier qu’il a

été enseveli et mis dans un tombeau, c. ]. ; car les enfers sont un lieu souterrain tout différent des lieux de sépulture, c. x. Ayant rappelé alors que les âmes des justes ne furent pas introduites au ciel avant l’ascension du Sauveur, c. xi, Bellarmin démontre la vérité de la descente aux enfers par les Ecritures, c. XIV, explique le locus obscurissinnis de la 7 a Pétri, III, 19, et iv, 6, c. iixi relate abondamment les attestations des Pères grecs et latins, c. xiv ; établit contre Durand que l’âme du Christ est descendue aux enfers au sens propre de sa réelle présence en ce lieu, c. xv ; et termine en réfutant quelques objections particulières de Calvin, c. xvi. Disputationes de conlrorersiis christianse fidei, De Christo, 1. IV, c. vi-xvi, ingolstadt, p. 351-428. — En même temps, Suarez faisait un ellort analogue, mais plus spéculatif, De mysterio vitae Christi, disp. XLII, XLIII, Paris, 1866, t. xix, p. 697743 ; et Estius venait à la rescousse, avec sa compéence scripturaire. Peu après, Petau reprenait toute la question à sa manière et au point de vue de la théologie positive. Dogmata Iheologica, De incarnat ione, 1. XIII, c. xv-xviii, Venise, 1757, t. v, p. 132-142. Sa question nettement introduite, c. xv, il rapporte en détail l’enseignement des Pères grecs, c. xvi, celui des Pères latins, c. xvii, et il explique, avec la même érudition, l’œuvre accomplie aux enfers, c. xviii.

3° Peu à peu cependant, les théologiens catholiques, occupés, sans doute, par des soucis plus urgents, ont détourné les yeux de ce terrain de combat. Tandis que les protestants continuaient de disserter, en leur sens, sur la question, les catholiques parurent s’en désintéresser. Aujourd’hui les traités ordinaires de théologie, ou passent la question sous silence, ou l’effleurent à peine. Cette abstention est d’autant plus regrettable que la descente aux enfers est un article du symbole, un point de la foi catholique que le concile de Trente impose aux pasteurs de prêcher et, partant, de bien connaître, une vérité que les modernistes et les protestants plus ou moins rationalistes ne négligent pas et cherchent à rejeter aujourd’hui dans le chaos de leur système évolutioniste. A leurs publications nous n’avons guère à opposer, de notre côté, que l’étude critique et positive de M..1. Turmel, dans la collection Science et religion : La descente du Christ aux enfers, Paris, 1905, laquelle avait paru dans les Annales de philosophie chrétienne, en 1903. III. Explication doctrinale du fait de la descente

AI X ENFERS. — L LE LIEU DE LA DESCENTE DO CHRIST.

— 1 « L’enfer, les enfers sont exprimés, dans la tradition latine, par les mots : inferi, inféras, inferxu*, infemi, inferna ; dans la tradition grecque par Hadès, "AS/, ;  ; dans la tradition juive, par Se’ôl, ViNtf. Ces différents vocables désignent communément le lieu où demeurent les âmes des morts. Jamais ils ne signifient sépulcre, comme Bèze l’a prétendu. Quand on étudie soigneusement les textes allégués pour soutenir cette traduction, on constate que la signification naturelle et obvie de ces mots est celle de monde inférieur, de royaume des ombres. Cf. Bellarmin, Disp. de controversiis christ, fidei, Dr Christo, 1. IV, c. x. xii, Ingolstadt, 1599, p. 368, 374. Pott, Epislolx catholicee, Gœttingue, 1810, p. 317, affirme qu’à sa connaissance Wôl n’a nulle part le sens de sépulcre ; qu’il est synonyme du grec "AS/ ;  ; et que ces mots désignent tous deux le royaume des ombres. Ajoutons que les plus anciennes versions traduisent unanimement Se’ôl par enfer, rarement par mort, jamais par sépulcre. 2 » Dans l’Ancien Testament, le Se’ôl est le séjour

commun aux ânes de tous les morts. Il est représenté comme un lieu souterrain, Gen., xxxvii. 35 ; Num., XVI, 30, qui se trouve dans les profondeurs de la terre. Ps. xi. vin. 18 ; i.iv, 10 ; LUI, 10 ; i.xxxvii, 7 ; iicxxxvi 8 ; Job, xvii, 16 ; Prov., IX, 18 ; Is., xiv.’.) sq. Mais si les livres les plus anciens considèrent principalement h Se’ôl comme la demeure où sont reçus tous les morts, les livres postérieurs montrent que, dans ce séjour, I différent est le sort des bons et des méchants. Les Psaumes indiquent cette différence, au moins comme une espérance. Ps. xvi, 15 ; xlviii, 15-16 ; i.xxii. 24-25 ; xv, 9-10. Job, lui, célèbre le libérateur qui arrachera les justes au Se’ôl et à l’empire de la mort, xix, 23-27. Les prophètes insistent sur le feu et les autres châtiments dont seront punis, dans le Se’ôl, les crimes des impies. Les livres deutérocanoniques font ressortir les récompenses que les justes trouveront déjà dans le ie Ils sont « dans la paix, leur espérance est remplie d’immortalité ; ils sont dans le lieu du rafraîchissement. » Sap., ni, 1 sq. ; IV, 7. Même le IIe livre des Machabées parle de la purification de certaines âmes dans le Se’ôl, et aussi de la gloire et de la puissance dont y jouissent des justes. II Mach., xii. 42-46 ; xv, 12-1 i. D’où, pour les Juifs, il y avait trois catégories parmi les âmes des morts : celle des justes qui se trouvent en condition heureuse et peuvent, par leurs prières, venir en aide aux vivants, comme Jérémie et Onias ; celle d’autres justes, qui portent encore la charge de fautes dont ils peuvent être délivrés par les prières des vivants, tels les soldats de Judas Machabée ; celle enfin des criminels qui ont mérité la peine du feu.

Il y a un changement à noter avec le Nouveau Testament. Les croyants savent que le Christ a tiré les justes de l’enfer et leur a ouvert le ciel. Par suite, l’enfer va désigner habituellement le séjour de ceux qui ne sont pas dans le ciel, et proprement la demeure des damnés. Néanmoins, plusieurs fois encore, il sera parlé du se’ôl d’après la conception juive, vraie d’ailleurs jusqu’à la mort, et même jusqu’à la résurrection et l’ascension du Sauveur. Ainsi Jésus déclare que les justes, comme Lazare, sont accueillis dans le sein d’Abraham, et les pécheurs dans les tourments. Luc. xvi, 19 sq. Le sein d’Abraham, c’est la partie du Se’ôl où se trouvaient les âmes des justes décédés avant Jésus-Christ et attendant de lui l’ouverture du ciel. Ainsi encore, pour saint Paul et pour saint Jean, les créatures douées de raison sont de trois classes : cœlestium, terrestrium et infernorum ; il en est qui sont in cselo, super terram et sub terra. Phil., H, 9-10 ; Apoc, v, 13. Cf. Dictionnaire de la Bible, v Enfer, t. ii col. 1792 sq. ; v » Hades, t. m. col. 391 : v" Limbes, t. iv, col. 256. Voir Abraham (Sein d’), 1. 1. col. 111 sq.

3° Le catéchisme du concile de Trente propose très nettement cette doctrine dans son explication de l’article du symbole. Il expose d’abord ce qu’il faut, de façon générale, entendre par les enfers : ce sont ces lieux, ces dépôts cachés où sont retenues prisonm les âmes qui n’ont pas encore obtenu la béatitudi leste, lnferorum nomen ahdila illa receptacvla signijicat, in quibus anima ; detinentur, quæ titudinem non sunt consequutæ. L’on confirme cette définition par la citation de Phil.. ii, 10, et de Aet.. II, l’.i. Ensuite le catéchisme ajoute que ces receptoculm ne sont pas tous semblables et d’une seule sorte : Xeque tamen ea receptacula unius et ejusdeni generis sunt omnia. Il y a d’abord une prison affreuse et obscure, où les âmes des damnés sont tourmentées avec les esprits immondes par un feu perpétuel et qui ne s’éteint jamais, (’.est l’enfer proprement dit. celui des damnés.’la géhenne, l’abîme : Est enim ieterrimus et obscurissimus carcer, Matth., xxv. 41, ubi perpetuo et linguibili » ; / « <’damnalomm animx simul cum îm