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DÉPOSITION ET DÉGRADATION DES CLERCS

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est coupable, il sera déposé par le juge ecclésiastique, el s’il ne revient à résipiscence, la déposition pourra être suivie d’autres peines, l’excommunication et Vana- thème. Enfin, si in profundum malorum veniens con-

tempserit, eum Ecclesia non liabeul ullra quid facial el ne possil esse ullra perditio plurimorum, per

SECULAREM COMPRIMENDUS ESI POTESTAl’BM lia quod

ci depuletur exsitium vel alia légitima pœna infera- lur. Décrétales, I. II, De jud., tit. i, c. 10. On voit ici s’établir une distinction entre la déposition et les con- séquences diverses qu’elle peut avoir. La déposition est une peine inférieure à l’excommunication et à l’anathème ; elle ne prive pas celui à qui on l’applique du privilegium fori. Il faut qu’il soit lolius ecclesia- stici ordinis prœrogoliva nudalus et sic omni officio et bénéficie/ spoliatus ccclesiastico, avant d’être livré comme un laïque à l’autorité civile. Celle-ci alors use de son droit et se prononce, comme elle fait pour tous les citoyens, sur la peine que mérite le coupable : secularis relinqualur arbitrio potestatis, dit Lucius III. La distinction entre la déposition et l’acte qui pré- pare la tradition au bras séculier n’est pas encore net- tement déterminée. Innocent III va la marquer davan- lage. Il décide que les clerici qui falsarii fuerinl deprehensi, OMNIBUS OFFIC1IS et BENEFICIIS PERPE- ïuo sint privati, ila cjuod qui per se falsitatis vitium exercuerint, postquam per ecclesiasticum judicem

FUERINT DEGRADAT !, Seculat’i poleslati TRADA.XTUH,

secundum consuetudines légitimas puniendi. Décré- tales, 1. V, De crimine falsit., tit. xx, c. 7.

D’après ce texte, il semble que tous ceux qui au- ront participé à la falsification des écrits apostoliques seront « déposés », omnibus officiis el beneficiis pri- vali, et les falsificateurs proprement dits, qui perse fahitalis vilium excercuerinl, seront « dégradés » pour être livrés au pouvoir séculier. Les mois c déposilion » et « dégradation » auront désormais un sens distinct. Aussi bien, Innocent 111 fut appelé à s’expliquer lui- même sur la dégradation proprement dite ; pour qu’elle obtint tous ses effets légaux, il décida qu’elle serait for- mulée par les juges ecclésiastiques en présence des juges civils : ejus est degradatio celebranda, seculahi

POTESTATE PR.ESENTE, AC PRONUNTIANDUM EST EIDE M, Ci M FCERIT CE 1-E DU AT A, UT IX SUUM FORUM RECIP1AT

hEGRADATUM, et sic inlelligitur tradi curim seculari. Le pontife ajoute que l’Église devra prier le pouvoir séculier d’épargner au coupable la peine de mort : pro quo tamen débet Ecclesia efficaciler intercedere, ut citra niortis periculum circa eum sentenlia modere- tur. Décrétales, 1. V, tit. xl, De verborum signif., c. 27. 40.

Celte procédure de la « dégradation », si différente de a « déposition », parut encore un peu obscure à quel- ques-uns, et l’évêque de Béziers s’adressa au pape Boni face VIII pour avoir des éclaircissements. Celui-ci distingue entre la « dégradation verbale » et la «dégra- dation réelle », degradatio actualis. La dégradation verbale est accomplie par l’ordinaire, assisté d’un nombre d’évêques requis par les canons. S’il s’agit, au contraire, de la dégradation réelle, il faut procéder comme on fait pour la dégradation des soldats, que l’on dépouille de leurs insignes militaires. Le clerc à dégrader est donc revêtu des ornements qu’il recul au jour de son ordination, y compris le vêtement auquel lui donne droit la tonsure et il se présente ainsi devant l’évêque. Celui-ci lui ôte la cbasuble (si c’est un prêtre) en disant : Auferimus libi vestem sacerdotalem el le honore sacerdolali privamus ; puis il oie le reste des insignes en prononçant cette formule : Auctorilate Dei omnipotentis Patris etFilii ci Spirilus Sancti acnes- tra libi auferimus habitum clericalem etdeponimus, degi’adamus, spoliamus et exuimus le omni online. beneficio et privilégia clericali. Sexli Décret., 1. Y,

De /ce ni., tit. ix, c. 2. Si l’on veut concilier cette Décrétale avec les décisions précédentes des souverain-. pontifes, il faut admettre que Boniface VIII rapproche dans sa pensée la •■ dégradation verbale a de l’antique « déposition » et appelle degradatio aclualis la dégra- dation l’aile eu présence des juges civils.

Les documents nous montrent ces principes en vigueur dans le procès de Jean lluss. Le concile de Constance conserve encore l’ancien langage, mais il applique la pro- cédure nouvelle : Joannern lluss ah ordine sacerdolali et aliis ordinibus quibus extilit insignilus dbponbndvm et DECRADANDUM fore déclarât et decernit. Il ebarge l’archevêque de Milan et quelques autres pontifes de procéder à la dégradation selon les règles du droit : ut in prsesenlia hujus sanctœ synodi diclam degradationem, secundum quod ardu juris requtril, débile exequan Hardouin, Concilia, t.vin, col. 410 ; Van der Ha rdt, Cota cil. Const ., sess. XL1V, t. iv. part. VI, col. ’j : iT . .ban lluss com- parut devant ses juges sans manifester le inoindre regret de sa faute. On lui ôta ses insignes d’après les formules usitées, et on le déclara « dépouillé de son caracb sacerdotal. On le condamna ensuite comme hérétique à être livré au séculier. Il fut, en effet, remis entre les mains des juges civils. Mais les juges ecclésiastiques « prièrent le seigneur roi et le tribunal séculier de ne pas mettre le coupable à mort. » C’était la formule usitée, par laquelle les clercs déclinaient la responsabilité des jugements de sang. On réclamait seulement la peine du cachot à perpétuité. Van der Hardt, ibid., p. 448 sq.

Le frère mineur Jacob de Julia, qui avait usurpé le titre d’évêque, fait des ordinations nulles et falsifié des lettres apostoliques, fut l’objet d’une dégradation sem- blable à Utrecbt. On le revêtit des habits pontificaux, qu’on lui ôta ensuite l’un après l’autre jusqu’à l’amict exclusivement. Puis on lui rasa la tête, et peliis circa digitos, quibus corpus dominicum traclare cou- verai, cum vitro ossetenus lacer abatur. Enfin, ou le revêtit d’habits séculiers, et on le livra aux juges civils, qui eum ad cacabum dijudicarunt. Magnum r Clironi- cum Belgicum, dans J. Pistorius, Germ. Script., t. ni, p. 354.

La nouvelle discipline ecclésiastique semblait donc donner satisfaction à l’Etat, qui réclamait le droil de châtier les clercs criminels, au même titre que les autres citoyens. Mais en fait, cette concession de l’Église était plus apparente que réelle. Avant d’en venir à la dégradation des coupables, les évéques avaient des peines graduées, dont leur sévérité ou plutôt leur indul- gence se contentait quelquefois : la simple déposition, l’excommunication et l’anathème. Décrétales, 1. II, De judic, tit. i, c. 10. D’autre pari, la crainte de voir les clercs dégradés subir la peine de mort, que l’Eglise ré- prouvait en principe pour son propre compte, les em- pêchait de prendre une mesure qui pouvait avoir pour conséquence l’effusion du sang. Les dégradations réelles étaient donc rares. Et la criminalité des clercs ne di- minua guère, même après l’établissement du nouveau droit pénal. L’Etat s’en plaignit. C’est un des cent griefs que l’Allemagne adressa ;i 1 l^lise catholique au XVI e siècle. On demandait que les clercs, majeurs ou mineurs, n’eussent pas d’autres juges, d’autres châti- ments que les personnes laïques : ila quod ecclesiastici ultra laicos in paribus delictis nullam prsetendere / os- sint prserogalivam immuni tatemve, etc. Sacti lia- nxanx Imperii Principum ac Procerum gravamina cenlum, dans Leplat, Monumenta concilii Tridentini*

t. II, C. XXI.

Le concile de Trente essaya de faire droit, au moins dans une certaine mesure, à ces-raves réclamations. 11 ôta notamment aux clercs mineurs qui n’avaient aucun bénéfice, cl le nombre en (’lait grand, le pririle- gium fori. Mais les mesures qu’il put, sess. XXV, c. x. De reform. ; sess. XXIII, c.Vl, parurent insuffisantes aux.