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399 DÉMON D’APRÈS LES SCOLASTIQUES ET LES THÉOLOG. POSTÉRIEl RS

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ou cpllf de l’ambition <1<' commander aux autres, n’a pu être l’objet de l’orgueil de Lucifer, puisqu’il savait que, comme créature, il était infiniment au-dessous de Dieu, et puisqu’il avait déjà le droit de commander aux autres anges, auxquels il était supérieur par les dons de la nature et de la grâce. Suarez examine ensuite quels péchés, autres que l’orgueil, Lucifer a pu commettre, tandis qu’il était encore in via, et il lui attribue divers péchés d’orgueil, la présomption, l’ambition, la vaine gloire, puis l’envie contre le Christ, devant s’unir hypostatiquement à l’humanité, pas toutefois l’impatience, mais plus probablement la colère et la haine contre le Christ et contre le genre humain, et d’autres péchés encore. Quant à la condition première de Lucifer avant sa chute, il n’appartenait pas aux ordres inférieurs de la hiérarchie angélique ; il était de l’ordre des séraphins, qui est le plus élevé ; il n'était pas cependant le plus parfait de cet ordre, et Michel, par exemple, pouvait être son égal.

Il est de foi que beaucoup d’anges ont péché, et il y en eut de tous les ordres. Leur nombre fut grand, inférieur cependant au nombre des anges demeurés fidèles. Ils ont été induils au péché par Lucifer, non pas seulement par l’exemple, mais par la persuasion, exprimée en paroles. Voir t. i, col. 1240. Us n’ont pas péché par concupiscence, dont ils sont incapables, cꝟ. l. I, c. v, mais par orgueil. Leur orgueil n’a eu pour objet ni la béatitude naturelle ni la béatitude surnaturelle ; il n’a pas été non plus l’assentiment au péché de Lucifer, qu’il soit le désir de l’indépendance ou celui de la domination, mais l’assentiment à son désir de l’union hypostatique. Comme lui, ils jugèrent que cet honneur aurait dû être réservé à l’un d’eux, à leur chef. Lucifer leur en avait donné la persuasion. Mais s’il a péché avant eux (selon notre.manière de concevoir le temps), ils sont tombés tous ensemble. Le péché des anges supérieurs a été plus grave que celui des anges inférieurs, parce qu’ils étaient plus instruits et plus forts. Il a été commis dans le ciel, où ils avaient été créés, et aucun n’a pu le faire au premier instant de sa création (nonobstant tous les arguments contraires, que Suarez discute longuement), ni aussitôt après sa création (in secundo instanti), sans qu’il y ait eu quelque intervalle, au moins très court. Si les anges ont été créés au commencement du premier jour de la création, il est plus probable aussi qu’ils ont péché le même jour, et que l’intervalle entre leur création et leur chute n’a compris qu’une partie de ce jour.

Tous les anges pécheurs sont damnés et aucun d’eux n’a fait pénitence. Ils avaient eu cependant un très court répit pour se repentir ; mais quoiqu’ils aient pu le faire, qu’ils en aient eu la liberté, qu’ils aient même reçu un secours suffisant, ils ont manqué du secours spécial, qui leur était moralement nécessaire pour ne pas s’endurcir, et ils se sont endurcis moralement, par leur faute. Dieu n'était pas tenu de leur accorder un répit plus long ou un secours plus grand. "Voir t. i, col. 1210. Ils ont été damnés aussitôt après leur obstination volontaire, et leur damnation n’a pas été réservée au jour du jugement. Suarez ne trouve même pas le sentiment contraire exprimé' par les Pères ni par aucun auteur catholique. Dien que les démons soient punis par l’aveuglement de l’esprit, ils ont cependant gardé leur intelligence naturelle, mais ils sont privés de toute connaissance surnaturelle. Leur obstination dans le péché rend impossible toute réintégration dans leur premier état ; ils sont dans l’incapacité de se repentir et ils ne peuvent accomplir aucun acte bon ou honnéle ; telle est la véritable cause de leur obstination. Ils sont tourmentés par un feu corporel et sensible, qui agit sur eux physiquement et matériellement leur causant une douleur réelle, et non per alligatio >ient solum. Malgré la tristesse que ces souffrances ipportent, ils peuvent goûter quelque petite joie sensible. L’enfer souterrain est le lieu de leurs tourments. Tous sont destinés à y souffrir. Quelques-uns n’en sortent jamais. Quelques autres vivent dans l’air pour tenter les hommes jusqu'à la fin du monde. Ils souffrent néanmoins la peine du feu. non pas parce qu’ils portent avec eux une partie de ce feu, dans laquelle ils seraient enfermés et à laquelle ils seraient unis, mais parce que le feu de l’enfer, rendu par Dieu capable de brûler un esprit, a reçu aussi la puissance d’agir à distance par un contact virtuel. Les anges, qui sont dans l’air, peuvent descendre à tour de rôle dans l’enfer. Il est probable que Lucifer lui-même est maintenant enchaîné, réservé qu’il est pour les combats des derniers temps. Tous les anges déchus sont sous la domination du chef, qu’ils ont suivi et qu’ils ont librement choisi. Il n’est donc pas un lran qui les domine et qui leur impose ses volontés, mais il ne peut non plus être privé de sa principauté par une rébellion des anges inférieurs. Il est probable aussi qu’il y a, parmi les démons, d’autres chefs intermédiaires, chargés d’oflîces différents et gradués. Ces charges ne proviennent ni de la nature ni de l'élection ; plus probablement elles sont une peine infligée par Dieu aux démons les plus coupables. Les ministères ne diffèrent pas suivant l’objet des tentations, mais plutôt d’après les personnes à tenter, et chaque homme a probablement, dès le moment de son animation, un démon spécialement chargé de le tenter. Chaque démon peut interrompre momentanément ses tentations, surtout lorsqu’il est vaincu. Mais il est peu probable que Lucifer ou un autre chef interdise à un subordonné négligent de continuer à tenter. Dieu plutôt peut obliger le démon à s'éloigner pour un temps. Les chefs, préposés peut-être à une cité, à une province, à un pays, interviennent directement, lorsque leur intervention est nécessaire ; mais ils excitent toujours leurs inférieurs à la lutte, en les instruisant et en les appliquant à tenter tel ou tel individu. Finalement, servata proportione, on peut dire de l’action des chefs des démons et de celle des bons anges sur les démons la même chose que de celle des bons anges les uns sur les autres. Voir t. i, col. 1244-1245. La seule différence consiste en ce que les bons anges, s’ils envoient les démons, les envoient seulement pour inlliger une peine juste et méritée, tandis que les chefs des démons envoient leurs subordonnés pour induire au péché.

.1. Schwane, Histoire des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, t. iv, p. 331-338 ; J. Turmel, Histoire de l’angélologie. dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1899, t. iv, p. 289-309, 537-550.

E. Mangknot.

Enseignement commun des docteurs.

Après Suarez, il n’y eut plus guère d’opinion nouvelle au sujet des démons, sinon sur quelques points de détail. Les théologiens postérieurs se bornèrent à choisir parmi les opinions précédentes celles qui leur paraissaient les plus probables.

I. Chute de Satan et des démons.

Tous l’attribuent à l’orgueil. Quant à l’objet du péché d’orgueil, les avis continuèrent à être partages. Les thomistes restèrent attachés au sentiment de saint Thomas. Quelques scotistes cependant se rangèrent à celui de Suarez et expliquèrent la chute par le désir de l’union hypostatique. Ainsi Frassen. Voir 1. 1, col. 1239. Estius. In IV Soit.. 1. 11. dist. VI, s 6, Paris. 1662, t. II, p. iô. adopte le sentiment de DunsScot. Voir Salmanlicenses, Cursus théologiens, tr. VII, De angelis, disp. X. dub. i-vin. n. 1-279, 21 in-8°, Paris. 1877-1883, t. iv, p. 555-684 ; Petau, Dogmata iheologica, tr. De angelis, l. III, c. n. n. 8, t. iv, p. 65-74 : Palmieri, De Dea créante et ri, Tante, part. 11. c. ii, a. 2. thés, i ix. in-8,