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DÉMON D’APRÈS LES PÈRES

En 419, l'évéqne d’Ilippone est revenu sur ce sujet, dans ses Quæsliones in Heplaleuchum, l. I, q. lit, P. L., t. xxxiv, col. 519. Il se demande comment les anges ont-ils pu concumbere cum filiabus hominum et engendrer des géants. Il fait observer que beaucoup de manuscrits latins et grecs n’ont pas angeli Dei, mais filii Dei. Quelques-uns résolvent la question en disant que les bommes justes sont appelés anges de Dieu. Cf. Mal., III, 1. Mais, si c'étaient des hommes, ontils pu engendrer des géants, et si c'étaient des anges, se miscere cum feminis ? Des géants ont pu naître des hommes ; il y en a encore aujourd’hui. D’où, il est plus croyable que des hommes justes ont été appelés ou anges ou fils de Dieu et que, "cédant à la concupiscence, ils ont péché avec des femmes, que d’admettre que des anges, qui n’ont pas de chair, aient pu commettre cette faute, quamvis de quibusdam dsemonibus, qui sinl improbimulieribus, amultis tam multa dicantur, ut non facile sit de liac re de/inienda sententia. Malgré ses hésitations au sujet de la possibilité de l’union des démons avec des femmes, saint Augustin déclare expressément que cette union n’a pas été la cause de la chute des anges mauvais. Ils sont tombés par orgueil. Il déclare aussi que ex nno angelo lapso et damnalo cseleri propagali non sunt. Enchiridion, c. xxviii, P. L., t. xl, col. 246.

Saint Augustin pensait que les démons avaient un corps. Bien qu’ils ne soient pas nés ex femina, verum habent corpus. Serai., xii, c. ix, n. 9, P.L., t. xxxviii, col. 104. Ils sont aeria animalia, quorum corporum aeriorum naturel vigent et propterea morte non dissolventur… Si autem transgressores illi, ante quani transgrederentur, cœlestia corpora gerebant, neque hoc mirum est, si conversa sunt ex pœna in aeriam qvalitatem. Ils auraient été changés de feu en air. De Genesi ad litleram, l. III, c. x, n. 14, 15, P. L., t. xxxiv, col. 284, 285. Cf. De divinatione dœmoniorum, c. ii, P. L., t. xl, col. 584-585. Ils ont un corps par lequel ils souffrent, puisqu’ils avouent qu’ils sont tourmentés. De civilale Dei, l. XXI, c. iii, n. 1, P. L., t. xli, col. 710.

A la question si le feu de l’enfer pourra par son contact brûler les malins esprits, qui sont incorporels, il faisait deux réponses. Si, avec les hommes doctes, on dit que les démons ont des corps, formés ex isto aère crasso atque humido, cujus impulsas vento fiante sentitur, cet élément peut subir le feu ; comme dans les bains, l’air chauffé brûle avant de brûler. Si on dit que les démons n’ont pas de corps (ce que l’auteur ne veut pas rechercher ni discuter), les démons souflriront néanmoins du feu de l’enfer. L'âme de l’homme, qui est incorporelle, souffre bien par le corps. Donc, bien qu’incorporels, les démons-esprits, corporeis ignibus cruciandi, non ut ignés ipsi, quibus adhserebunt, eorum junctura inspirentur et animalia fiant, quo constent spiritu et corporc, sed, ut dixi, miris et ineffabilibus modis adhserendo, accipienles ex ignibus pœnam, non dantes ignibus vitam. Qu’ils soient corporels ou incorporels, les démons seront brûlés par le feu de la géhenne. L. XXI, c. x, n. 1, 2, col. 724725.

Ces corps aériens habitent l’air, et pas les astres ; aussi les démons sont-ils dits volatilia cœli. Serai., ccxxii, P. L., t. xxxviii, col. 1091. Tombé des hauteurs des anges, le diable est descendu dans l’air, qui lui sert de prison ; il a été condamné à y vivre. L’enfer, où il est enfermé, II Pet., Il, 4, est cette partie inférieure du monde. Enarrat. in ps. OÏLV//J, 9, P. L., t. xxxvil, col. 1943. Quelques-uns pensaient que les anges déchus avec l’archange, leur chef, étaient in superiori parle aeris, la plus proche du ciel ; aussi distinguaient-ils les anges en célestes et supercélestes, Mais, après leur péché, les anges sont descendus dans

la partie inférieure de l’air. De Genesi ad litleram, I. III, c. x, n. 14, P. L., t. xxxiv, col. 284 ; Enchiridion,

c. xxviii, P. L., t. XL, col. 246. L’air dans lequel ilvivent leur sert de prison jusqu’au supplice éternel qui leur est réservé. Epist., Cil, q. iii, n. 20. P. L., t. xxxiii, col. 378 ; De civitate Dei, I. VIII, c. xv, n. 1. 2 ; c. xxii, /'. L., t. xli, col. 239-240, 2M5. Le diable habite à l’aquilon. Fs., XIV, 13, 11. Enarrat. in ps. i.x.x.xiii, 12, P. L., t. xxxvii, col. 1127. Si le dr est dans la grande mer, c’est qu’il est tombé de sublimi babitatione ceelorum. Il lui a fallu occuper une plat /toc mari magno et spatioso. C’est son royaume, qui est sa prison. Il n’a de pouvoir d’y faire du mal, jn’si j « missus. Il est dans cette rner, il ne peut en sortir. Ce siège paraît grand, parce qu’on ne connaît pas les sièges angéliques, dont il est tombé. Quse libi videtur ejus glorialio, damnalio est. Il se trouve, en effet, in infimis. Enarrat. inps. dit, n. 7, 9, 10, P. L., t. xxxvii. col. 1382, 1385.

Bien que, en punition de leur orgueil, les démons soient dépravés et in inferioribus ordinati, ils peuvent néanmoins entendre la voix de Dieu, qui leur parle comme aux bons anges. Cependant, cela ne veut pas dire qu’entendant la voix de Dieu, ils auraient pu avoir la foi chrétienne. Satan a pu paraître en présence de Dieu, qui voit tout et à qui personne ne peut échapper. Il a été aussi au milieu des anges, s’il s’agit des bons, sicut reus in medio apparitorum judicis ; s’il s’agit des mauvais, comme un chef au milieu de sa troupe. Hais il ne voyait pas Dieu, qui lui a parlé par l’intermédiaire d’un bon ange. Les manichéens prétendaient à tort qu’il avait vu Dieu. Il voyait le corps de Jésus, lorsqu’il le tentait, mais il n’a pas connu sa divinité. Serai., xii. c. iv-ix, n. 4, P. L., t. xxxviii, col. 102-104. Cf. De civitate Dei, l. IX, c. xxi, P. L., t. xli, col. 273. Saint Augustin, De divinatione dsemoniorum, c. v. n. 9, P. L., t. XL, col. 586, pour expliquer comment les démons connaissent l’avenir, avait dit qu’ils connaissent très facilement les pensées secrètes di s hommes. Dans ses Rétractations, l. II, c. xxx, P. L., t. xxxii, col. 643, il déclara qu’il avait affirmé trop audacieusement une chose très cachée, que les démons ne lisaient pas nos pensées, mais que quelques signes sensibles qui nous échappent étaient saisis par eux. Voir t. i, col. 2356. Le prince de la puissance de l’air, et ses anges, devenus ténèbres par l’abus de leur liberté, n’ont plus la liberté de bien faire, mais en punition de leur crime, ils ne peuvent que faire le mal. Epist., ccxvii, c. iii, n.9, 10, P. L., t. xxxiii, col. 981-982. Le diable sera lié pendant mille ans pour lui enlever le pouvoir de séduire les nations. Il sera enchaîné dans l’abîme, c’est-à-dire dans la multitude des impies qui seront dans l'Église. Il était déjà en eux ; il y demeurera, mais exciudendus a credentibus : ce qui signifie que. pendant ces mille ans, il ne pourra pas faire de nouvelles séductions. Il sera délié pour un peu de temps (trois ans et demi) avant le jugement. De civitate Dei, l. XX, c. vii, viii, P.L., t. xli. col. 667-670. Les démon-, créés immortels, seront précipités dans la seconde mort après le jugement. L. XIII, c. XXTV, n. 0. col. 102.

Saint Augustin a rejeté très explicitement la possibilité, pour les démons, de faire pénitence et d'être rétablis dans leur premier état. A Paul Orose, qui l’avait interrogé si le démon pouvait mériter le pardon, comme Origène l’avait prétendu, Commonilorium de errore origenistarum et priscillianistarum, P. L., t. xi.ii, col. 668, l'évêque d’IIippone répond : Sapere nihil audeas. La dernière sentence qui les frappera les condamnera au feu éternel. Si. dans l'Écriture, œternuni a parfois le sens de diuturnum, ce n’est pas le cas ici. Le feu éternel n’aura pas de fin. comme la vie éternelle. Dire que le diable ne sera pas rétabli, ce n’est pas diminuer le pouvoir de Jésus-Christ : (.'ion diaboli