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DÉMON DANS LA BIBLE ET LA THÉOLOGIE JUIVE

la leçon : ἄγγελοι τοῦ θεοῦ. De gigantibus, dans Opera, Paris, 1040, p. 284-285. Sa doctrine n’a plus rien de spéciquement juif ; il ne garde que le nom d’anges. Schürer, Geschichte des judischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3° édit., Leipzig, 1898, t. iii, p. 553. Il déclare aussi que les païens ont par erreur pris les anges pour des dieux. De prof agis, 48, p. 481.

Plus tard, la démonologie prit, dans le monde juif, une très grande extension. Il importe peu à notre sujet d’en poursuivre l’étude, soit dans les targums, soit dans les Talmuds, soit dans les commentaires de la Bible. Disons seulement que, selon le targum du pseudo Jonathan sur Num., xi, 26, c’est Samæl qui tenta Eve. Pour quelques idées populaires, voir le Talmud de Babylone, traité Berakhoth, i, 1-4 ; vii,6 ; ix. 9, trad. Schwab, Paris, 1871, p. 227, 239, 240, 433, 495, 496, 497 ; Talmud de Jérusalem, traité Troumoth, I, 4, trad. Schwab, Paris, 1879, t. iii, p. 4 ; traité Sanhédrin, x, 2, Paris, 1889, p. 51 ; Weber, Jüdische Theologie auf Grund des Talmud und verxwandter Schriften, 2° édit., Leipzig, 1897, § 54. Plus tard encore, sous l’influence de la superstition populaire et grâce aux spéculations de la cabale, le nombre des anges et des démons ayant un nom déterminé, et la variété des moyens inventés pour écarter leur action néfaste formèrent toute une théologie nouvelle, sans relation avec la révélation de l’Ancien Testament. Voir M. Schwab, Vocabulaire de l’angélologie d’après les manuscrits hébreux de la Bibliothèque nationale, in-4°, Paris. 1897 ; Id., Le ms. 1380 du fonds hébreu à la Bibliothèque nationale, Supplément au vocabulaire de l’angélologie, in-4°, Paris, 1899 ; S. Karppe, Étude sur les origines et la nature du Zohar, Paris, 1901, p. 56, 445, 447-448.


III. Dans le Nouveau Testament.

Dans les Evangiles.

La doctrine de Notre-Seigneur et des évangélistes sur les démons ressortira l’abord de l’étude des relations du Sauveur avec Satan et les esprits mauvais, puis de la doctrine même de Jésus sur le diable et le monde infernal.

1. Relations de Jésus avec les démons.

Tout au début de sa vie publique, Jésus, retiré au désert, fut tenté par Satan. Marc, i, 13. L’Esprit l’y avait conduit à cette fin. Matth., iv, 1. Satan y remplit son rôle de tentateur. Il éprouve Jésus et l’interroge sur sa nature et sa mission messianique, afin de le détourner, s’il le pouvait, de cette mission qu’il pressent contraire à ses mauvais desseins sur le monde. Le récit de la triple tentation, Matth., iv, 3, 11 ; Luc, iv, 3-13, montre l’habileté du tentateur, qui a recours à l’attrait de la concupiscence pour détourner Jésus de sa mission et l’induire en erreur. Satan y apparaît capable d’agir, non seulement sur l’intelligence des hommes en suggérant des pensées, mais encore sur leurs corps, puisqu’il transporte Jésus à Jérusalem, sur le sommet du temple, puis sur une haute montagne. Dans une des trois tentations, il se donne comme le maître du monde, et veut se faire adorer. D’autre part, Jésus résiste à ses suggestions et prouve par son exemple que Satan n’a pas d’empire absolu sur les hommes et qu’il influe seulement sur ceux qui cèdent volontairement à ses suggestions. Vaincu dans sa première tentative, il ne se retire que pour un temps, Luc, iv, 13, avec l’intention de revenir à l’assaut et de reprendre la lutte. Les rencontres ne manqueront pas, et elles auront lieu par l’intermédiaire des démoniaques. On traitera à l’article Démoniaques de la réalité et de la nature des possessions diaboliques ; nous ne dirons ici que ce qu’elles nous apprennent sur Satan et les démons. Durant son premier séjour à Capharnaïnn, Jésus fut abordé à la synagogue par un possédé de l’esprit immonde, qui l’interrogea sur sa nature et sa mission, qu’il devinait hostile et dirigée contre lui pour sa perte. Jésus le chasse du possédé et la première manifestation de ce pouvoir divin sur les esprits im mondes fit grand bruit dans toute la Galilée. Marc, i, 23-28 ; Luc, iv, 33-37. D’autres possédés acclamaient Jésus comme Fils de Dieu ou Messie. Jésus leur imposait silence et les chassait. Marc, i, 34, 39 ; Matth., viii, 16 ; Luc, iv, 41. Ces faits se reproduisaient fréquemment et en divers lieux. Marc, iii, 11, 12 ; v, 1-20 ; vii,24-30 ; Matth., viii,28-34 ; ix, 32-33 ; xv, 21-28 ; Luc, vi, 18 ; ix, 37-43. Des scribes, venus de Jérusalem, en prirent occasion pour calomnier Jésus et le dire possédé lui-même ; ils prétendaient qu’il chassait les démons au nom de Beelzébub, leur prince. Ce nom, emprunté à la mythologie des Philistins, qui honoraient Baal comme dieu des mouches, désignait dans le langage populaire des contemporains de Jésus, le chef des habitations infernales. Voir Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. i, col. 1547. Jésus réfuta cette calomnie par ce raisonnement sans réplique que Satan ne peut agir contre lui-même, ni détruire son propre empire. Marc, ni, 22-26 ; Matth., ix, 34 ; xii,22-27 ; Luc, xi, 14-19. Déclarer que Jésus est possédé de l’esprit immonde, c’est un blasphème contre le Saint-Esprit et un péché irrémissible. Marc, iii, 29, 30. Voir t. n. col. 910-916. C’est par l’esprit de Dieu, c’est par son doigt, c’est-à-dire par sa puissance, que Jésus chasse les démons, et l’exercice de ce pouvoir est une marque que le royaume de Dieu est venu sur terre. Matth., xii,28 ; Luc, xi. 20. Il y avait donc opposition entre le royaume de Dieu et le royaume du diable, et Jésus était veuu pour détruire ce dernier. Aussi, en choisissant ses apôtres, leur conféra-t-il le pouvoir de chasser les démons. Marc, ni, 15 ; Matth., x, 1, 8. Il renouvela ce pouvoir, en les envoyant en mission, durant laquelle ils chassèrent beaucoup de démons. Marc, vi, 7, 13. Les soixante-douze disciples, chargés plus tard d’une mission spéciale pour préparer celle de leur Maître, relatèrent avec joie à leur retour que les démons leur étaient soumis par la vertu du nom de Jésus, et Jésus leur déclara qu’il avait vu Satan tomber du ciel comme l’éclair. Luc, x. 17, 18. Il ajouta que le pouvoir sur les démons n’était pas pour ceux qui le possédaient une marque de salut ; il leur était donné pour le bien des autres, et ils n’en seront pas récompensés. Luc, x, 20. Cf. Matth., vu. 22. Toutefois, les apôtres ne pouvaient pas chasser toute sorte de démons et Jésus leur expliqua que quelquesuns de ces esprits ne pouvaient être expulsés que par le recours à la prière et au jeûne. Marc, ix, 13, 28 ; Matth., xvii,14-20 ; Luc, ix, 40. Jésus reconnaissait donc diverses classes de démons, dont quelques-uns avaient un pouvoir plus malfaisant que les autres. Les Juifs, comme les Galiléens, ont traité Jésus de possédé du démon. Joa., viii, 48, 52. Au moment de la passion, la puissance des ténèbres, que Jésus avait comprimée durant sa vie publique, eut un instant pouvoir contre lui, et les Juifs, ses suppôts, purent se saisir de Jésus et le faire mourir. Luc, xxii,53. Judas, qui l’avait trahi, avait agi sous l’influence de Satan. Luc. xui, 3. Cf. Joa., vi, 71, 72 ; xiii,2. 27. Mais Jésus, vainqueur de la mort par la résurrection, donna de nouveau à ses apôtre droit de chasser les démons en son nom. Marc. xvi. 17.

2. Enseignement de Jésus sur les démons.

Jésus ne s’est pas contenté de lutter contre Satan, qui le tentait, et contre les démons, dont Satan est le prince et qui faisaient sentir aux hommes leur puissance malfaisante, il a encore caractérisé, dans ses paraboles et ses discours, la nature de cette puissance mauvaise.

Dans les Synoptiques, en décrivant sous forme parabolique l’avenir du royaume messianique, il a indiqué en quelques traits l’opposition que lui fera Satan dans les âmes et dans le monde. Si la parole de Dieu est une semence, jetée sur divers terrains, Satan ou le méchant vient promptement, pareil aux oiseaux du ciel, enlever le grain tombé sur le chemin et la bonne parole semée dans les cœurs pour qu’elle n’y germe