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trines sociales évangéliques. » Goyau, toc. cit., p. 26.

A propos de celle démocratie, Léon XIIl rappelle le côté principalement moral et religieux des questions sociales. S ; De of/iciis virtutum et religionis. Si des bouleversements de ['outillage et de l’atelier fuient l’origine de ces questions, leur bonne solution réclame des principes de justice et de religion chez les ouvriers : la hausse des salaires n’apportera que tentations à l’ouvrier dépravé ; elle requiert la tempérance, la prévoyance, la patience, pour une sage organisation de ses moyens et de son mode d’existence. Les catholiques doivent ainsi joindre un souci prépondérant de la moralité populaire et de la religion, à une compréhension bien avertie des intérêts économiques et matériels. La science de la charité fraternelle et de la justice sociale réclame cette subordination de la fin temporelle à une lin plus haute et non moins nécessaire.

Certains actes de Pie X commentent sous forme d’instructions pratiques les enseignements démocratiques de l’encyclique Graves de communi et de l’encyclique sur ta condition des ouvriers. Ce sont le Molu proprio sur l’action populaire chrétienne, du 18 décembre 1903, la Lettre au cardinal Svampa sur les démocrates chrétiens autonomes d’Italie, 1 er mars 1905 ; l’encyclique Il fermo proposito sur l’action catholique, Il juin 1905 ; l’encyclique Pieni l’animo aux évêques d’Italie sur l’action catholique, 28 juillet 190(5.

XIII. Pie X : l’encyclique Pascekdi et la démocratie dans l'Église. — Au paragraphe du « théologien moderniste » , l’encyclique du 8 septembre 1907 repousse l’introduction du principe démocratique dans le gouvernement de l’Eglise. Elle en résume la théorie dans les termes suivants : « Nous sommes à une époque où le sentiment de la liberté est en plein épanouissement : dans l’ordre civil, la conscience publique a créé le régime populaire. Or, il n’y a pas deux consciences dans l’homme, non plus que deux vies. Si l’autorité ecclésiastique ne veut pas, au plus intime des consciences, provoquer et fomenter un conflit, à elle de se plier aux formes démocratiques, s Le magistère doctrinal doit lui-même se soumettre à cette évolution : « Comme ce magistère a sa première origine dans les consciences individuelles, et qu’il remplit un service public pour leur plus grande utilité, il est de toute évidence qu’il doit s’y subordonner, par là même se plier aux formes populaires. » Consôquemment, le « réformateur » moderniste inscrira dans son programme de réformes : « Que le gouvernement ecclésiastique soit réformé dans toutes ses branches, surtout la disciplinaire et la dogmatique. Que son esprit, que ses procédés extérieurs soient mis en harmonie avec la conscience, qui tourne à la démocratie ; qu’une part soit donc faite dans le gouvernement au clergé inférieur et même aux laïques ; que l’autorité soit décentralisée. »

Le tort de ce programme et de la théorie qui lui sert de base est de méconnaître les immuables principes de la constitution donnée à l’Eglise par Jésus-Christ. L’autorité ecclésiastique diffère précisément de l’autorité civile en ce que ses droits lui sont conférés par Jésus-Christ, c’est-à-dire par Dieu même directement, et non par le suffrage de la multitude. C’est Jésus-Christ encore ou ses envoyés, les apôtres, les papes, qui délimitent, définissent, organisent les pouvoirs concédés à l'Église. Il n’y appartient donc à aucun inférieur, à aucun groupe de laïcs ou de clercs, d’y modifier les maximes ou les procédés de l’autorité supérieure. L'Église catholique tout entière obéit au pape comme à un véritable monarque de droit divin dans l’ordre religieux ; monarque unique au monde, seul en son genre, dépositaire d’une tradition de foi et de morale qu’il ne peut altérer et qu’il commente, développe et applique dans le sens toujours maintenu de sa révélation par Jésus-Christ. Matter, L'Église

catholique, sa constitution, son administration, Paris, 1906.

Mais, comme la sphère d’action de l’Eglise se distingue essentiellement de celle où agit le pouvoir civil, et que

celui-ci, co te l'Église, est autonome, souverain dans

les limites de sa compétence, une même conscience humaine peut et doit pratiquer la démocratie dans l’ordre temporel et politique, ne pas l’introduire dans l’ordre religieux et se conformer dans l'Église à la constitution toute différente posée par Jésus-Christ et développée par ses mandataires ou représentant dualisme de la conscience est voulu par la nature des choses : il se fonde en dernier lieu sur la distinction de la nature et du surnaturel, de la raison et de la foi : la vie de celle-ci trouve sa règle dans la révélation, le témoignage, l’autorité ; la vie de la raison et de la nature se développe au contraire, par voie de découverte, de preuve scientifique, de libre initiative. Il n’y a pas deux consciences dans l’homme, mais il y a des procédés vitaux et des devoirs sociaux qui se diversifient, selon qu’il s’agit de la vie sociale naturelle ou de la vie sociale surnaturelle. Voir col. 291.

Néanmoins, si la constitution essentielle de l'Église doit rester intangible à toute altération démocratique ou autre, le mouvement actuel de la démocratie agit directement sur les individus et sur les peuples qui sont les éléments humains de l'Église. L'éducation, l’ambiance universelle des idées et des choses répandent une mentalité et des façons d’agir qui ne sont plus, tant s’en faut, celles des temps féodaux ou de l’ancien régime.

1° Dans l’une comme dans l’autre de ces époques passées, les évêques partageaient communément un mode d’existence aristocratique, seigneurial, princier même. Cela tenait et aux grandes propriétés, aux fiefs, dont le revenu constituait le temporel des évêchés, et aux privilèges dont jouissaient les prélats dans l’ordre politique. Taine, L’ancien régime, ÎG' édit., Paris, 1891. p. 16-21 ; cardinal Mathieu, L’ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, Paris, 1878. p. 110. 125-127 ; Sicard, L’ancien clergé de France, t. I, Les évoques avant la Révolution, Paris, 1893.

Des survivances de cet état ancien apparaissent encore en Autriche-Hongrie. Dans les pays démocratiques. États-Unis par exemple, tout privilège de grande propriété et de situation politique est inconnu dans l'épiscopat ; l'évêque vit simplement comme les autres citoyens, sans distinctions officielles, mais jouissant d’un respect proportionné à la double estime de sa mission religieuse et de sa valeur morale personnelle. Félix Klein, Aupaijsde la vie intense, Paris, 1904, p. 96 sq.. 155 sq., 218 sq., 331 sq.

2° Cette simple vie dans le droit commun modifie aussi bien le recrutement des dignitaires ecclésiastiques. Aux temps de la féodalité et de l’ancien régime, les bénéfices ecclésiastiques constituaient des situations enviées à proportion de leur richesse et île leurs privilèges politiques. Ils se distribuaient en majeure partie à des ecclésiastiques gentilshommes, dont la famille trouvait là un bon établissement de ses cadets. Elle se l’assurait même d’oncle en neveu, tel bénéfice devenant comme l’apanage de telle maison. C’est un fait reconnu, que la disparition de ces privilèges détermina un recrutement de l'épiscopat moins exclusif, plus largement populaire.

3° Les relations des évêques avec leurs prêtres s’en ressentirent : l'évêque, grand seigneur de naissance et de situation, tendait, par la force des choses, à maintenir les distances entre lui et son « bas clergé » roturier, malgré les édifiants et les humbles prélats qui donnèrent maintes fois de beaux exemples contraires. Mais de nos jours les évêques d’Amérique, sortis du peuple et vivant au milieu de lui, sans distinctions