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DÉLECTATION MOROSE

et, en matière grave, la faute est toujours mortelle, de sorte que chacune des deux opinions contient une part de vérité. Ho son coté. Suarez, De peccatls, dûp. V. s<et. vu. n. (i, déclare que la première opinion en tant qu’elle s’appliquerait à la délectation moroai pour elle aucune probabilité et a contre elle l’unanimité des théologiens, attendu qu’elle iiutorise les passiona el conduit 1rs âmes à leur perte.

_ L’explication donnée par saint Thomas, De veritate, q. XV, a. I, peut se résumer comme il suit. 1. Toute délectation est la conséquence d’un acte ; ainsi, de même que l’acte de la fornication produit une délectation sensible, la pensée de la fornication engendre une certaine délectation intérieure. Or, celle-ci peut être de deux espèces, car on peut se délecter ou de la pensée que l’on a, en tant qu’elle est un exercice intellectuel, ou de la fornication à laquelle on pense. Cette distinction est manifeste, lorsqu’il ne s’agit pas de péchés charnels, mais s’il est question de ceux-ci, elle i si moins apparente, vu que, par suite du dén glement de notre nature, dès que l’on pense à ces choses, elles mettent la concupiscence en mouvement. Il n’en est pas moins vrai que la délectation intellectuelle qui suit la pensée, en tant que pensée, n’est pas du tout du même genre que la délectation sensible causée par l’acte extérieur, objet de cette pensée. C’est pourquoi se délecter intellectuellement, au sens qui vient d’être dit, n’est pas en soi une faute mortelle : ainsi, on ne pèche aucunement quand on étudie des matières dangereuses en vue d’un but utile, tel que celui de la prédication, de la confession, etc., et, lors même qu’on l’aurait recherchée, uniquement par curiosité, la délectation intellectuelle ne serait qu’un péché véniel. — 2. Il en est autrement de celui qui, pensant à un acte gravement mauvais, par exemple, à la fornication, se délecte de la fornication elle-même, car alors la délectation à laquelle il consent est de même nature que celle qui résulterait de l’acte même de la fornication et, par suite, elle tombe sous la même défense. Du reste, lorsqu’on se délecte, bien qu’en pensée seulement, d’un acte mauvais, cela vient de l’inclination que l’on a pour cet acte ; consentir à cette délectation, c’est donc consentir à cette inclination, autrement dit. c’est approuver l’acte auquel cette inclination porte ; conséquemment, si l’acte est gravement mauvais, le consentement en question sera également un péché mortel. Ces divers arguments de saint Thomas se retrouvent chez tous les maîtres de la théologie. Voir Hallerini, Opus morale, tr. IV, n. 9M sq. — 3. Il a été dit plus haut que la délectation intellectuelle n’est pas en soi une faute mortelle ; mais il n’en est plus ainsi, lorsque le sujet est exposé nu danger prochain de consentir à la délectation sensible qui nait spontanément de la pensée de certains actes mauvais. Dans ce cas, se délecter intellectuellement, même pour un motif légitime, de la pensée d’actes gravement mauvais, serait

une faute grave, puisque ce serait s’exposer gravement au danger de pécher mortellement,

i° Mais alors, comment distinguer le cas où le sujet délecte, non pas seulement de sa pensée, mais bien de l’acte mauvais auquel il pense’.' (In a vu ci-dessus que. d’après saint Thomas, cette distinction est difficile à faire lorsque l’objet est du domaine de la concupiscence charnelle ; aussi, tout en posant a ce sujet certaines règles pratiques, les théologiens ont soin de déclarer

qu’aucune n’est infaillible. Ces règles se résu nt à

considérer, conformément i l’enseignement de saint I lu unis. Su »), theol., [ « II", q. I.XXIV. a. (i, l’intention

ei i inclination du sujet. Cf. Suarez, Depeccatw, disp. V,

vu. a. 8. — I. L’intention : ainsi, lorsqu’on entretient la pensée d un acte mauvais, si c’est pour un bon motif, surtout pour un motif professionnel, il est bien probable que [e plaisir que l’on prend est dû a la pensée

seule ; au contraire, si le motif est inaij ; iis ou s.

inexistant, on sera fondé a croire que le plaie

provient de l’objet mau. ndant cetti

sujette à erreur. Il n’est pas toujours permis des’occuméme pour un bon motif, des choses en question. puisqu’il faut en outre, sous peine de faute grave, que l’on ne courre pas le danger de consentir au plaisir mauvais dont la tentation se fait si facilement sentir dès que l’on s’occupe de ces choses. D’autre part, celui qui s’occupe de ces choses pour un motif répréhensible, tel que la vanité, le désoeuvrement, la curiosité, commet doute une faute, mais elle n’est, en soi. que vénielle. — 2. L’inclination : par exemple, chez les habitués de la luxure, la délectation coii prou vée en présence d’une pensée déshonnête doit, jusqu’à preuve du contraire, être présumée de mauvais aloi.

i II arrive que l’objet mauvais se présente sous des dehors dont la perfection artistique, l’ingéniosité, la singularité, etc., arrêtent la pensée. s ; mqu’elle se porte, du moins volontairement, sur l’objet lui-mi Il s’agira par exemple de peintures ou de statues remarquables au point de vue artistique, mais qui oirensent la pudeur ; de romans, pièces de théâtre et autres écrits contenant des pages licencieuses, mais d’une belle forme littéraire ; de faits divers relatant des crimes perpétrés d’une façon curieuse ; de fautes qui présentent certains détails amusants, etc. ; est-il permis de prendre plaisir à ces accessoires, nonobstant la malice de l’objet principal ? Cela est permis sans aucun doute, mais à la condition expresse que l’on n’ait pas l’intention de provoquer par ce moyen la délectation illicite qui viendrait de l’objet lui-même et qu’il n’ait point de danger prochain que l’on consente à cette délectation au cas où elle se produirait sans qu’on lait voulu. La portée de ces restrictions est générale ; toutefois, elles visent particulièrement, par les raisons déjà dites, la délectation sensible propre à la concupiscence charnelle et, à ce point de vue, elles sont de la plus grande importance. Pour les bien interpréter, il faut se référer aux règles ci-dessus exposées, car elles sont entièrement applicables ici. Deux points cependant sont à noter : 1. A cette question : comment reconnaître quand le sujet se délecte non de la beauté, etc. de la forme, mais du fond déshonnête qu’elle recouvre’? beaucoup de théologiens, cf. Salmanticenses, tr. XX. c. un, n. 40, répondent qu’il en est ainsi quand, à égalité de perfection de la forme, le sujet prend plus de plai-ir aux choses qui excitent la concupiscence qu’à celles qui sont parfaitement honnêtes. Mais Ballerini. Opus morale, tr. IV. c. i. n. 101. pense avec raison que cette règle souffre des exceptions. De ce que, par exemple, le sujet lit avec plus de plaisir, parmi les produci littéraires, celles qui sont risquées, on peut sans doute inférer qu’il éprouve un penchant pour les choses qui délectent l’appétit inférieur, penchant naturel à l’homme déchu, mais cela ne suffit poinl à établir que chez le sujet ce penchant e-l délibéré et par suite coupable. La seule conclusion légitime est que le sujet ressent, au cours de sa lecture, deux délectations différentes qui sont sans rapport l’une avec l’autre : l’une, de nature esthétique, due a la beauté de la forme et dont il jouit de son plein gré et fort licitement, l’autre, due au fond déshonnête et à laquelle il reste libre de ne pas consentir, nonobstant le penchant indélibéré qu’il a pour elle. —2. Au sujet du danger de consentir a la délectation née de l’objet mauvais dont on goûte la forme, il est à remarquer que pour apprécier sainement la gravité de ce danger, il faut tenir grand compte de la susceptibilité du sujet. Il suflil souvent de très peu de chose pour créer un danger grave a des jeunes .en-, a îles sujets adonnés à la luxure ou dont le penchant à ce vice.st secondé par un tempérament très impressionnable ; au contraire, il est des personnes qui