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DEISME


il parvint et jusqu’où il prolongea une activité étonnante il mourut en 1778, dans sa 84e année. Il avait produit plus de soixante-aix volumes. Dans tout cela du reste le bagage philosophique ou théologique est d’une pauvreté insigne. Il se réduit à un sensualisme déiste, accompagné de tendances matérialistes. Tandis que » d’une part, l’auteur reconnaît un Dieu, que parfois il dit juste et puissant, il enseigne, d’autre part, que l’existence du mal est inconciliable avec la bonté et la sagesse divines. Quelquefois il exalte l'âme humaine dont il vante la dignité et la noblesse ; mais, en même temps, il incline à croire qu’elle est une « abstraction réalisée », et il n’est point convaincu de sa spiritualité, car « ce je ne sais quoi qu’on appelle matière peut aussi bien penser que ce je ne sais quoi qu’on appelle esprit. » Rien d'étonnant, après cela, qu’il lui arrive de se contredire aussi sur la liberté, jusqu'à la nier : « Je veux nécessairement ce que je veux ; autrement je voudrais sans raison, sans cause, ce qui est impossible. » Dans sa guerre sans trêve contre le christianisme, si, pour les idées, il est ordinairement tributaire de Locke et des Anglais, il ne fait souvent sur le terrain de l'érudition, que reproduire en bon français les arguments de Bayle, sauf à les assaisonner de ses plaisanteries et de ses sarcasmes habituels. Le Dictionnaire historique et critique du célèbre sceptique lui est un arsenal, une mine, où il puisera à pleines mains jusqu'à son dernier jour. Plus sérieux de ton que Voltaire, mais tout aussi rem. pli de contradictions, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) mérite de figurera côté de lui comme apôtre du déisme. Lui aussi doit beaucoup à Locke. Laissons de côté, si l’on veut, ses théories politiques et sociales, développées dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1753, et dans son Contrat social, 1762. Elles ont fait presque autant de mal à l'Église qu'à l'État, parce qu’elles sont toutes imprégnées de ce principe, qu' « une société de vrais chrétiens ne serait plus une société d’hommes ». Quanta l’ensemble de ses idées religieuses, il l’expose principalement dans la Profession de foi du vicaire savoyard, qui sert de préface à son Emile, roman d'éducation. 11 ramène la religion naturelle, la seule admissible, àtrois vérité ! I' l’existence d’un être suprême, dont la volonté « meut le monde et anime la nature ». mais dont il est impossible de savoir s’il est créateur ; 2° l’existence d’une matière régie par des lois fixes et constantes ; '> l’existence dans l’homme d’une âme immatérielle et libre..Mais cette âme est-elle immortelle ? On ne peut ni l’affirmer ni le nier avec certitude ; toutefois l’affirmative est plus probable. Que s’il faut admettre une autre vie. il y a encore lieu de douter de l'éternité des peines, et ici c’est vers la négative que tout doit nous faire pencher.

A la suite de Voltaire et de Rousseau nous devons mentionner h' groupi lis écrivains soi-disant « philosophes » par excellence, qu’on a qualifiés de < ministres du roi Voltaire. el qui en réalité lui formaient comme une cour et lui furent des auxiliaires précieux. Mais désormais le maître eu impiété sera distancé' par disciples, dont plusieurs défendront ouvertement l’athéisme ou le matérialisme. La fameuse Encyclopédie '"I Dictionnaire raisonné des sciences et des arts, I7.">l 1777. tut comme l’incarnation et l’un des résultais de leurs efforts combinés. On sait

: i^w que ! ' bul de cel énorme recueil étail de répandre

dan louti de la société l’incrédulité et le

mpi i l’endroil du christianisme, de set fidèles et de institution San parier de Voltaire et des fondateurs immédiats de l’entreprise, qui lonl Diderot(17131781 el d’Alemberl 1717-1783), on peu ! citer comme

collaborateur ! Mauper 1759), l’abbé Raynal

(1713 1796 Gri 1723 1807. La Mettrii 1709 1751 i,

d’Argent 1704-1771 foussalnt (1715-1772), Helvétius

(1715-1771), d’Holbach (1723-1789), Robinet (1735-1820), Naigeon (1738-1810), Condorcet (1743-1794). Nommons encore Montesquieu (1689-1755), Saint-Lambert (17161803) et Volney (1755-1820), qui contribuèrent à soutenir et à vulgariser les idées de Y Encyclopédie, le premier par ses Lettres persanes, le second par son Catéchisme universel, et le dernier par ses Ruines de Palmyre ; mais ajoutons que Montesquieu désavoua plus tard ses sarcasmes contre le christianisme.

Parmi tous ces noms, trois méritent d'être spécialement remarqués : Diderot, d’Holbach et La Mettrie. Diderot fut le véritable centre, l'âme, non seulement de Y Encyclopédie, mais encore d’un ouvrage athée sur le Système de la nature, 1770, et de plusieurs écrits conçus dans un esprit identique. H représente ainsi, dans la seconde période du XVIIIe siècle, le passage du déisme à la négation de la divinité. Mais il est éclipsé sur ce point par l’auteur même du Système de la nature, le baron d’Holbach. Celui-ci professe sans ambages le pur athéisme, proposé plutôt timidement et avec réserve par Diderot, Naigeon et plusieurs autres. Il est aussi, est-il besoin de le dire ? matérialiste ; pour lui, si la divinité n’est qu’un produit de l’ignorance, la matière, unique réalité, est éternelle et nécessaire ; elle se meut par sa propre énergie ; matière et force ou mouvement, telle est la cause intégrale, telle l’explication suffisante de tous les phénomènes. Avant d’Holbach, La Mettrie avait défendu le matérialisme le plus cynique dans son Histoire naturelle de l'âme, 1745, dans son Homme-plante, 1748, et surtout dans son Hommemachine, 1748. Ce dernier livre, dont le titre seul nous révèle la thèse fondamentale, se présente comme une application du mécanisme cartésien.

On voit maintenant, sans que nous y insistions, où en était arrivée, par la force logique des choses et des idées, la libre-pensée déiste, au déclin du xviiie siècle. Le spiritualisme rationaliste qui a relleuri et jeté un certain éclat en France sous la restauration, la monarchie de juillet et le second empire, n'était au fond qu’une résurrection du déisme ; car il en a repris le principe fondamental, à savoir l’adoption de la raison comme guide exclusif de l’homme et comme mesure de toute vérité. On n’ignore pas que sa cause a été soutenue par des esprits très distingués et que de leurs études sont sortis plusieurs ouvrages remarquables. Mais ni les nobles intentions ni le talent de ses défenseurs n’ont pu le soustraire à cette déchéance fatale qui guette tout système s’arrèlant obstinément à mi-chemin de la vérité. Résumons en quelques lignes cette récente expérience-. Les tendances sensualistes et matérialistes de la fin du xviiie siècle se prolongèrent dans les premières années du xi. e. C’est Royer-Collard (1763-1815) et surtout Maine de liiran (1766-1821) qui, partis tous deux des principes de la philosophie écossaise, donnèrent le signal de la réaction spiritualiste. Cousin vint ensuite 1792-1867), qui prit vite la tête du mouvement, mais ne sut, enchaîné qu’il était à sa méthode éclectique, ni suivre une direction constante, ni se garder des inlluences du panthéisme allemand. Vers le début de sa carrière enseignante, il affirmait l’unité absolue de substance, l’identité du fini et de l’infini, le développement nécessaire « le Dieu dans le momie et par le monde. A partir de 1833, sa pensée semble parcourir

: |ie. où nous le voyons atténuer et i

ter partiellement seaffirmations panthéistes. Au surplus, son spiritualisme demeurera toujours un spiri tualisi issentii llement rationaliste, un spiritualisme

qui commence par repousser a priori le surnaturel, qui de plus oie, sans aucun examen, i res divins

du christiania comme religion positive, qui affirme

enfin l’indépendance absolue de la philosophie i l’i gard de l'Évangile, de la raison bumaii i divine