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DIVORCE


relâchement moral ; tant la morale naturelle et sociale est pratiquement infirme si on ne la rattache constamment à une révélation supérieure. — Toutefois, si la loi de la monogamie fut déjà violée, d’après lerécitdela Genèse, par un des patriarches antérieurs au déluge, Lamech, Gen., iv, 19, celle de l’indissolubilité du mariage parait avoir été observée plus longtemps ; les auteurs, cf. Perrone, De matrimonio cltristiano, 1. III, sect. il, c. i, a. 2, mentionnentle faitd’Abraham répudiant Agar, Gen., XVI, XVII, comme le premier exemple d’un divorce. Le seul motif invoqué par Sara pour inviler Abraham à renvoyer Agar fut que la servante était orgueilleuse et qu’Ismaël paraissait se moquer d’Isaac. Ajoutons qu’Agar n’était qu’une épouse de second ordre. Abraham obéit : il renvoya Agar en lui donnant seulement des provisions de bouche nécessaires. Gen., xxi, 14. — Descendus en Egypte, les descendanls d’Abraham virent le divorce établi partout autour d’eux, ils imitèrent sans doute les mœurs des Égyptiens au milieu desquels ils vivaient. Ce qui semble ressortir du texte du Deutéronome, c’est que le divorce existait lorsque -Moïse le réglementa. Il est difficile de voir dans Deut., xxiv, 1, une permission proprement dite, l’autorisation de faire à l’avenir une répudiation inusitée jusque-là ; c’est bien plutôt la réglementation, la régularisation, la limitation d’une pratique établie. « Si un homme, dit le texte biblique, ayant pris une femme, vit avec elle, et qu’elle en vienne à ne pas trouver grâce à ses yeux, à cause de quelque chose de honteux, il écrira une lettre de divorce, la lui mettra en main et la renverra dans sa maison. » Si la femme renvoyée épouse un autre homme et lui déplaît aussi, celui-ci, pour la renvoyer, emploiera les mêmes rites, mais elle ne peut plus retourner alors à son premier mari, parce que, dit Moïse. « c’est une abomination devant le Seigneur. » Il n’est pas indiqué que la répudiation puisse être donnée par la femme, mais par le mari seulement ; encore est-il des cas où celui-ci ne peut user de son droit, par exemple quand il a porté à tort une accusation d’inconduite contre la jeune fille qu’il vient d’épouser, Deut., xxii,13-19, ou qu’il lui a fait violence avant son mariage, 29. La répudiation ne pouvait se faire sans motif, ni pour un motif quelconque, mais seulement quand la femme vivant avec son mari lui déplait « à cause de quelque chose de honteux. » Le texte suppose donc l’usage du divorce déjà établi chez le peuple juif ; il le régularise et le restreint en I le limitant à certaines causes et en le soumettant à i certaines formalités. La formalité principale, essentielle, c’est le libellas repudii, la lettre livrée à l’épouse renvoyée et qui la déclarait libre désormais. Voir la formule ordinairement employée d’après le Talmud, dans Perrone, op. cit., a. 2, ou dans le Dictionnaire de la Bible, art. Divorce, t. il, col. 1449, L’essentiel de la formule consistait en ce que le mari, qui assurait son identité par l’indication de sa généalogie, livrait à sa femme qu’il désignait aussi par l’énoncé sommaire de sa généalogie, une lettre dans laquelle il lui rendait par la répudiation toute liberté. Les Juifs, peuple formaliste s’il en fut, demeurèrent fidèles à l’accomplissement de ces formalités, cf. Is., L, 1 ;.1er., ni, 8 ; Matth., v, 31 ; xix, 7 ; Marc, x. i, qu’ils compliquèrent d’une foule de prescriptions minutieuses. — On eut plus de peine à s’entendre sur le sens des termes « à cause de quelque chose de honteux, proplcr aliquam fœditatem. » De quelle nature était cette’érvâh que Moïse considérait comme motif légal de répudiation’.' A lire le texte du Deutéronome, ce n’était certainement pas l’adultère, qui était puni de mort, XXII, 22, et tout porte à croire que ce devait être un défaut d’ordre physique plutôt que d’ordre moral, défaut qui eût été, ce dernier, d’une appréciation et d’une justification plus malaisée. II. Lesêtre, art. Divorce, du Dicl. de la

Bible. Ce qui paraît certain, c’est qu’il y eut dans la pratique de cette législation une sorte d’évolution. L’adultère, puni de mort dans le Deutéronome, apparaît simplement comme motif de divorce dans Jérémie, m, 8 ; de même en est-il dans la doctrine de Schanimaï : on interpréta parfois de l’adultère le mot’érvdh. L’école de Hillel, au contraire, étendit outre mesure la signification de ce mot : on en vint à répudier sa femme pour des motifs futiles, pis encore, parce que le mari trouve une autre femme plus belle que celle qu’il a. — Quant à la qualification de l’homme, on a remarqué que si le Deutéronome donne au premier mari le nom de « maître » , le second n’a que le nom d’ « homme » . II. Lesêtre, loc. cit. — Quoi qu’il en soit, la femme était absolument libérée par le libellus ; mais, note significative et qui marque bien le caractère peu noble du divorce, la femme divorcée ne pouvait épouser un prêtre, Lev., xxi, 7, 14 ; E/.ech., xuv, 22 ; tandis que celui-ci pouvait épouser la veuve d’un autre prêtre. Ezech., ibid. De plus, le prophète Malachie, ii, 14, dit que le Seigneur hait les offrandes de son peuple, parce que ce peuple est infidèle à la femme de sa jeunesse, et il ajoute, suivant le texte hébreu du verset 16 :

« Je hais la répudiation. » Le peuple, trop fidèle aux

leçons de l’école d’Hillel, n’en était pas moins venu à une pratique si étendue du divorce, que les femmes elles-mêmes prenaient l’initiative de la répudiation et que les Pharisiens osaient poser à Jésus de qui ils savaient les exigences touchant le mariage et contre lequel ils espéraient ainsi ameuter la foule : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour quelque cause que ce soit ? » Matth., xix, 3, et qu’après la réponse négative du Maître, ses disciples lui disent :

« Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la

femme, il n’est pas avantageux de se marier, » 10.

III. Le divorçl dans l’Évangile. — Celte question des Pharisiens donna au Sauveur une nouvelle occasion de s’expliquer sur cet important sujet. Ce n’était pas, en effet, la première fois qu’il le faisait. Déjà dans le discours sur la montagne il avait proclamé en ces termes l’indissolubilité du mariage : « Il a été dit encore : « Que

« celui qui répudie sa femme lui donne un acte derépudiation. » Mais moi je vous dis que quiconque renvoie

sa femme hors le cas d’infidélité la fait devenir adultère, et celui qui épouse la femme renvoyée commet un adultère. » Matth., v, 31. On savait donc, parmi les auditeurs de Jésus-Christ, quelle était sur ce point sa doctrine, et c’était à bon escient que les Pharisiens lui demandaient, « pour le tenter » , d’après saint Marc, x, i : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? » et, d’après saint Matthieu : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour quelque cause que ce soit ? » xix, 3. On sait la réponse immédiate du Maître, réponse qui se terminait par ces mots : « .Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare donc pas. » A cette sentence, les Pharisiens font une objection empruntée à leurs traditions et au texte de la Loi. « Ils lui dirent : Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme une lettre de divorce et de la renvoyer ? Il leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis (il ne dit pas : vous a prescrit) de renvoyer vos femmes ; mais il n’en était pas ainsi au commencement. » Puis il continue par une nouvelle affirmation de l’indissolubilité. A cause des discussions qu’ont soulevées les différences de texte entre les trois synoptiques on donnera ici le triple texte parallèle.

Matth., xix, 0.

Marc, x, ll, 12.

Luc, xvt, 18.

Or, je vous disque Celui qui renvoie Quiconque renvoie

celui qui renvoie sa safemmeetenépou-sa femme et en

femme, si ce n’est se une autre, commet épouse une autre,

pour infidélité, et un adultère envers commet un adultère,