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DIVINATION


Paris, 1879-1882, t. iv, p. 180-283 ; Manuel des institutions romaines, in-8°. Paris, 1886.

Aux temps évangéliques.

A l’époque où les

apôtres se répandaient dans le monde pour le conquérir à Jésus-Christ, les devins de toute sorte étaient trop nombreux" dans toutes les nations païennes, pour que les messagers de la bonne nouvelle n’en rencontrassent pas souvent sur leur route. En voyant la puissance des envoyés de Jésus, plusieurs de ces devins cherchèrent à les imiter. Ne pouvant y réussir, ils firent tous leurs efforts pour les combattre, comme de redoutables concurrents qui venaient les déposséder, et leur enlever le prestige dont ils jouissaient auprès des foules. Outre Simon le Magicien qui opérait à Jérusalem même, Act., viii,9, le Nouveau Testament en nomme plusieurs. A Salamine, par exemple, le devin Barjésu, ou Élymas, dit le sage et le voyant, voulait empêcher le proconsul Sergius d’entendre la parole de Dieu ; aussi saint Paul frappa-t-il de cécité ce fils du diable, comme il l’appelait ; cet ennemi de toute justice, plein de ruses et de tromperies. Act., xiii, 6, 13. A Philippes, une jeune esclave, possédée de l’esprit malin, procurait de grands profits à ses maîtres par ses divinations. Act., xvi, 16. Saint Paul commanda à l’esprit mauvais d’abandonner cette pauvre fille, ce qui attira sur lui la haine de ses maîtres, qui allèrent se plaindre aux magistrats d’avoir été privés par Paul de ce qui faisait leur fortune. Une sédition populaire s’éleva à ce sujet. Paul et Barnabe furent saisis, mis en prison, et battus de verges. Cf. Act., XVI, 4740 ; xix, 13 ; II Pet., ii,1 ; I Joa., iv, 1 ; Josèphe, Ant. jud., 1. XX, c. v, 1 ; viii,6 ; Bell, jud., 1. II, c. xiii, 4 ;

I. VI, c. v, 2 ; 1. VII, c. xi, 1 ; Tacite, Hist., 1. V, 13. Rien d’étonnant, d’ailleurs, que les apôtres aient

trouvé souvent de pareils obstacles sur leur chemin. Le Sauveur leur avait prédit qu’il y aurait de ces devins, ou faux prophètes, jusqu’à la fin du monde, et que, par leur astuce, ils séduiraient non seulement des individus, mais des multitudes entières. Matth., xxiv,

II, 24 ; Marc, xiii, 22 ; Luc, vi, 26. Dans ses révélations sur les derniers temps, saint Jean nous en montre encore à côté de l’Antéchrist. Apoc, xvi, 13 ; xix, 20 ; xx, 10.

Depuis les apôtres jusqu’à nos jours.

1. A

mesure que la vraie religion se répandait dans le inonde, l’empire de Satan était contraint de resserrer ses limites. Les oracles des temples païens se turent les uns après les autres, et le nombre des devins diminua de plus en plus. Cf. Plutarque, De defectu oraculorum. Les Pères de l’Église, cependant, eurent encore, bien des fois, à les combattre. Au commencement du V e siècle, saint Augustin dut écrire contre eux un traité ex professo : De divinatione dsemonum, P. L., t. xl, col. 581 sq. Cf. Fessier et Jungmann, Institutiones patrologiæ, part. II, c. VI, § 165, 3 in-8°, Inspruck, 1890-1896, t. il, p. 288.

2. Mais comme le triomphe du bien sur le mal ne saurait être complet ici-bas, les démons, malgré les progrès de l’Évangile, eurent encore, même chez les nations chrétiennes, la puissance, quoique bien restreinte depuis, d’abuser de la crédulité humaine. La connaissance de l’avenir que les anciens avaient demandée aux esprits de ténèbres par l’art augurai, l’astrologie et les rites impurs du culte idolâtrique des fausses divinités, le moyen âge le leur demanda par les pratiques de la sorcellerie, des maléfices, des sortilèges et des superstitions scus toutes sortes de forme. On en trouve l’exposé détaillé dans l’ouvrage du dominicain Sprenger, grand inquisiteur d’Allemagne au xv e siècle, Malleus male/icorum, in-fol., Cologne, 1489, dont jusqu’à neuf éditions furent tirées en peu d’années. Un second volume, publié plus tard, contenait plusieurs autres traités, composés sur ces matières

par divers auteurs : De pylhonicis mulieribus, par Ulric Molitor ; De pglhonico contraclu, par Thomas Murner ; De credulitate dsemonibus ad/iibenda, par Malleoli ; De strigibus, par Barthélémy de Spina ; De lamiis, in-fol., Francfort, 1582. Cf. Boguet, Discours des sorciers, in-12, Rouen, 1606 ; Binsfeld, De confessionibus maleficorum et sagarum, in-12, Cologne, 1623 ; Maraviglia, Pseudomantia veterum et recentiorum explosa, in-4°, Venise, 1662 ; Maury, La magie et l’astrologie dans l’antiquité et au moijen âge, in-12, Paris, 1877.

3. De nos jours, il est de bon ton de se moquer de ce qu’on appelle les préjugés des siècles d’ignorance. Grâce aux progrès des sciences modernes, on se prétend émancipé de toute attache dogmatique, et l’on rejette comme des fables toutes les données de l’histoire relatives au démon et à ses manifestations. La crédulité humaine n’en reste pas moins grande. Bien des gens, même instruits, avides de connaître l’avenir et les choses cachées, emploient encore, pour arriver à cette connaissance, des pratiques ni moins bizarres, ni moins superstitieuses. Les moyens mis en œuvre ont changé, mais le but est toujours identique, comme est toujours la même cette curiosité maladive de l’esprit humain. Ce n’est plus la sorcellerie « des siècles d’ignorance » , ni l’art augurai des Bomains, ni les convulsions épileptiformes des prêtresses de Delphes ; mais ce sont les pratiques plus à la mode et à couleurs scientifiques du somnambulisme, de l’hypnotisme, du magnétisme, de l’occultisme, ou du spiritisme. Au xx e siècle, pour découvrir les secrets de l’avenir, on évoque les morts, comme les évoquèrent les nécromanciens du moyen âge, et la pythonisse d’Endor devant Saùl, il y a plus de trois mille ans. On se proclame hautement incrédule, et l’on est, pour le moins, aussi crédule que ceux dont on tourne en dérision la crédulité.

C’est encore et toujours un recours plus ou moins déguisé à la puissance infernale, un culte plus ou moins explicite rendu aux démons. La croyance aux devins subsiste toujours, non seulement dans le peuple, mais encore dans les classes soi-disant éclairées de la société. Les tireuses de cartes et les somnambules ont toujours une nombreuse clientèle, et, dans les salons, on fait tourner les tables pour interroger les esprits. Cf. Wahn, Le spiritisme dans l’antiquité et dans les temps modernes, in-12, Paris, 1885. On se rappelle la vogue obtenue comme devineresse, au commencement du xix e siècle, par Mlle Lenormant, que Napoléon I er lui-même alla consulter. Cf. Mémoires historiques et secrets de l’impératrice Joséphine, 2 in-8°, Paris, 1820. Dans son opulent salon de la rue de Tournon, avaient successivement défilé, pourconnaitre l’avenir, les plus hauts personnages de la République, du Directoire et de l’Empire : Robespierre, Marat, Saint-Just, et bon nombre de généraux de Napoléon, qui se seraient crus déshonorés de mettre les pieds dans une église. Cf. Prud’homme, Répertoire des femmes célèbres, M"< Lenormant, 4 in-8 » , Paris, 1826-1827.

Ces errements, ces inconséquences, cette crédulité outrée, ce besoin de connaître l’avenir, et le fol espoir de parvenir à cette connaissance, n’ont pas diminué durant le xix e siècle. Tout cela subsiste encore actuellement. Le peuple croit toujours aux diseurs de bonne aventure, bohémiens ou autres ; les classes élevées fournissent de nombreux adeptes au magnétisme et au spiritisme. Il n’est pas rare de lire dans les journaux de notre époque des annonces ou réclames pour devineresses, cartomanciennes, voyantes, etc. Fort riche est encore, de nos jours, la bibliographie des ouvrages de sorcellerie divinatoire et de pratiques superstitieuses, en vue de soulever le voile qui nous dérobe l’avenir. Cf. Julia Orsini, Le grand Etteila, ou l’art de tirer les cartes, in-8°, Paris, 1853 ; James Braid, Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.