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DISPENSES


a eu, en effet, dans le cours des siècles, en ce qui concerne les dispenses, comme une dégradation des motifs. On se montre aujourd’hui moins exigeant qu’autrefois ; il n’y a pour s’en rendre compte qu’à comparer la discipline actuelle avec celle du c. 20, De elect., d’Innocent III : on a tout lieu de croire qu’aujourd’hui la dispense en question serait certainement accordée. A l’époque où fut constituée la théorie, les dispenses ne devaient être données que pour des motifs de bien public, d’ordre public. A cette époque, l’intérêt des classes les plus hautes et les plus puissantes de la société était censé représenter assez exactement l’ordre public ; comme il était malaisé de délimiter bien strictement ces hautes classes, on consentit peu à peu à abaisser le niveau de cette exigence et l’on descendit graduellement au pointoù nous en sommesaujourd’hui : on dispense pour des motifs d’ordre privé et des personnes appartenant aux classes inférieures. Le concile de Trente décidait : in matrimoniis contrahendis vel nulla omnino detur dispensatio, vel raro concéda tur… In secundo gradu nunquam dispensetur, nisi inler magnos principe !  ; et ob publicam causant, sess. XXIV, c. v, De reform. matr. ; on sait ce qu’il en est dans la pratique. A vrai dire, on peut affirmer qu’il y a là toujours des motifs graves : l’Église, qui n’a plus la puissance extérieure et matérielle à sa disposition, aime mieux faire plier la rigueur de ses lois que d’exposer des âmes faibles, entraînées par la passion, à contracter des mariages nuls, garantis par l’État, des unions concubinaires qui priveraient les coupables de toute vie chrétienne publique ; aussi tient-elle plus fermement à l’observation de ses lois dans le domaine intérieur où elle est seule maîtresse.

On admet toutefois qu’une dispense est valide si elle s’appuie sur des motifs convenables, lors même que le supérieur qui l’accorde estimerait, à tort, le ; motif insuffisant. Mais, à l’inverse, la bonne foi du supérieur qui dispense sans raison aucune ne rend pas cette dispense valide.

Parfois la dispense que le supérieur croit légitimée par des motifs sérieux est nulle par suite d’obreplian ou de subreplion. La dispense obreptice est celle que l’on obtient sur un faux exposé, que la fausseté atteigne le fait lui-même ou les motifs que l’on allègue, si ce faux exposé est cause finale ou déterminante de la dispense ; elle est subreptice, lorsque l’on tait, dans la supplique, ce que l’on aurait dû, suivant la jurisprudence romaine, exposer sous peine de nullité. Dans le doute, la dispense accordée est présumée valide. Ajoutons que, d’après les Normes peculiares annexées à la constitution Sapienti consilio, et publiées le 29 septembre 1908, c. vii, 3, désormais, les dispenses minoris gracias accordées par la S. C. des Sacrements seront concédées sous une forme telle qu’on ne pourra les attaquer du chef de subreplion ou d’obreption. Ibid., n. 21.

V. Les espèces de dispenses.

On peut faire entre elles de multiples distinctions. Quant à l’origine de la dispense, on distingue celle qui est donnée par le droit lui-même (a jure), et celle qui est accordée par le supérieur (ab Itomine) ; si l’on considère la matière, on distinguera entre dispenses de mariage, d’irrégularités, d’obligations rituelles, religieuses, de jeûne, d’abstinence, etc. ; si l’on considère l’ampleur, on comptera la dispense partielle et la dispense totale ; au point de vue des sujets, la dispense locale et la dispense personnelle ; au point de vue de l’application, la dispense de for interne et la dispense de for externe. Ces diverses divisions n’ont pas grande importance, sauf que si la dispense est a jure, ou concédée rnotu proprio, ou pour une société, on a le droit de l’interpréter largement ; sinon, il faudrait s’en tenir strictement aux termes de la concession.

VI. Les modes et les organes de dispense. — 1° Les modes.

On sait que les dispenses peuvent se présenter sous trois formes : gracieuse, commissoireet mixte ; gracieuse, si l’on donne simplement au délégué la mission de fulminer la dispense accordée à l’intéressé, dispense qui vaut dès le jour où elle a été signée à Rome ; commissoire, si on lui donne simplement la mission de fulminer la dispense, après avoir constaté que les motifs allégués sont véritables ; mixte, si on lui donne le pouvoir de dispenser pro svo prudenti arbi-Irio, après avoir vérifié si les conditions imposées sont remplies. De plus, le supérieur peut dispenser ou d’une façon tacite, si, sans accorder une dispense proprement dite, il impose sciemment un office ou une dignité à un clerc qui n’a pas les qualités voulues par la loi, par exemple, si le pape consacrait évêque un prêtre qui n’a pas l’âge requis ; il dispense plutùt expressément, ou bien oralement, ou plus communément par écrit. Cet écrit lui-même peut être ou bien une simple signature, ou bien une bulle, ou bien un bref. La voie télégraphique est normalement exclue.

La dispense in radice. — On a coutume de traiter, à l’occasion des dispenses et de la manière dont on les accorde, d’une dispense spéciale, qui ne s’applique ordinairement qu’aux mariages, et que les canonistes nomment sanatio, plutôt que dispensatio, in radice. On désigne sous ce nom un acte pontifical par lequel la revalidation d’un mariage nul produit un effet rétroactif jusqu’au moment même où fut accompli le premier acte, l’échange du consentement. Par cet acte, l’Église feint d’avoir donné dès avant le mariage la dispense qu’elle n’a, en réalité, conférée que plus tard. Il suit de là qu’il n’y a pas lieu de renouveler un consentement qui produit ses effets, ni de légitimer, par un acte particulier, les enfants nés dans l’intervalle. La dispense in radice contient donc trois éléments : 1° dispense de l’empêchement avec rétroactivité fictive ; 2° dispense de la loi positive qui impose de renouveler le consentement ; 3° légitimation, ipso facto, des enfants. Cette dispense improprement dite se distingue donc des autres en ce qu’elle concerne le passé plus que le présent et donne au consentement encore existant un effet rétroactif. Par conséquent, elle ne peut être concédée et demeurerait inopérante s’il n’y a pas eu à l’origine ou s’il n’y a plus consentement, quand le mariage a été contracté à l’origine avec un empêchement de droit naturel ou divin duquel elle ne peut pas dispenser : Matrimonium contractum cum impedimenlo juris naturalis vel divini non posse sanari in radice. Rép. du Saint-Oflice, 2 mars 1904, Culleclanea S. C. de Propag. fide, n. 2188, t. il, p. 453.

On cite volontiers comme une sorte de dispense in radice encore innommée la Clémentine Quoniam, De immunitate ecclesiar. Des auteurs (cf. Gasparri, De matrimon., n. 1447) affirment, d’après l’historien Mariana, que BonifaceVIII aurait usé de cette dispense en 1301, en faveur du mariage de Sanche IV de Castille et de sa femme défunte Marie. On peut concevoir, sur ce fait, quelques doutes provenant de ce que le célèbre canoniste Johannes Andrese (1270-1348) qui a glosé tant de textes et à qui nous devons la première théorie de la sanatio inradice n’en parle pas. D’ailleurs, au temps du canoniste Panormitanus (mort vers 1453), la théorie du pouvoir considérée en elle-même était encore très discutée. Plus tard, elle ne fait plus de doute, quoi qu’on ait prétendu en apportant certaines déclarations empruntées, disait-on, à Grégoire XIII. Plusieurs décisions de la Rote, dès 1608, en témoignent. Sur ce sujet, voir Benoît XIV, Qusestiones canonicæ, q. clxxiv et txxxxin ; De synodo diœcesana, l. XIII, c. xxi, n. 7.

Les organes de dispense.

Les récentes constitutions pontificales ont apporté des modifications notables à l’ancienne discipline concernant les organesErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.