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DISPENSES

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aucune modification valable de la part des cardinaux durant la vacance du siège pontifical.

Cette théorie est demeurée ferme et règne sans conteste depuis lors. Il n’en fut pas toujours de même autrefois si l’on s’en tient à la discipline pratiquée.

Les dispenses dans l’histoire.

On s’est étendu, peut-être un peu longuement, plus haut, sur les divers sens du mot dispensare, dispensatio, précisément parce qu’il y avait dans ces notions des indications historiques intéressantes.

En effet, la théorie juridique de la dispense, comme toutes les théories, est de beaucoup postérieure à la pratique. On a dispensé longtemps avant d’en tirer la formule. Et l’on a dispensé sous le couvert de mesures administratives. Il y a cetle différence entre la disjwnsatio ou l’oîxovojjLïa de la société domestique et la dispensatio ecclésiastique, que celle-ci est confiée non plus à un esclave, si élevé qu’il fût dans la hiérarchie des esclaves, mais au chef de la sociélé.

Prise au sens figuré, la dispensatio signifie donc la fonction de l’administrateur qui surveille et dirige la marche de la société, qui veille, en particulier, à ce que la loi soit observée. Mais, comme la loi n’a prévu que la vie normale, la situation commune, dans les circonstances anormales, la loi risquera ou bien d’être moralement inapplicable, ou bien, si on urge son application, à tout le moins odieuse et parfois nuisible à tel ou lel particulier ; le sujet de la loi, ou de lui-même ou par le conseil d’autrui, passe oulre et omet ce qui lui était prescrit ou fait ce qui lui était interdit. 11 appartient alors à l’administrateur ou bien d’imposer à nouveau l’application de la loi, ou bien de feindre qu’il n’a pas vii, ou bien d’accepter le fait accompli en donnant même une valeur légale à ce qui a été fait en fraude de la loi. Ce dernier acte, le plus délicat de la dispensatio, en monopolisa peu à peu l’acception : la dispense fut le nom que l’on donna à cette exemption de la loi. C’était, au surplus, principalement dans le passé que se produisait l’effet rétroactif de cetle mesure administrative, et l’acte d’indulgente tolérance avait une ressemblance toute particulière avec l’absolution. Mais, si l’absolution n’était qu’un pardon, l’indulgente dispensatio ajoutait à ce pardon quelque chose : des effets juridiques de validation pour l’avenir, qui dépassaient de beaucoup l’absolution.

Historiquement, les dispenses, les exemptions de la loi en faveur d’un particulier, ne sont, normalement, durant des siècles, que des dispenses post faclum, une validation, avec force juridique, de ce qui était nul et en contradiction avec la loi. On le constate surtout en ce qui concerne la discipline matrimoniale. Cf. can. 30 du concile d’Epaone : ut a præsenli tempore prohibemus, ita ea, qux sunt anterius instituta, non solven. us, Maassen, Concil. sévi Merovingici, p. 26 ; concile d’Orléans (538), can. 11, ibid., p. 76-77 ; concile de Verberie (753), can. 1. Monumenta German. Capital., t. i, p. 10. La dispense, dans ces circonstances, est un mal nécessaire qu’il ne faut pas demander, mais qu’un bon administrateur doit savoir donner à temps : dispensatio quandoque est débita, scilicet ubi strages multorum jacel… quasi quædam misericordia… tamen peli non potest ; sicut episcopatus debetur bono, et lamen non potest eum petere. Gloss. in can. 25, dist. L, v" Delrahendum. On ne peut donc pas plus demander une dispense qu’on ne peut demander l’épiscopat.

Toutefois, on a exagéré quand on a prétendu (De Marca : nullum edi posse testimonium, quo doceatur, a veteribus veniam infringendi canonis alicui collatatn fuisse, sed tantum Infracti, De concordia sacerdolii et imperii, . III, c, xiv. n.."> ; Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline, part. II. I. III, c. xxiv, n.20 ; van Espen, Conférences ecclésiastiques de Paris, etc.)

que « ces anciennes dispenses n’étaient accordées qu’après que les fautes avaient été faites, et lorsque la réparation en eût été plus dangereuse à l’Église que les fautes elles-mêmes. » Thomassin, loc. cit. Il est très vrai que ces dispenses post faclum sont les plus nombreuses et que beaucoup de prétendues dispenses matrimoniales ad faciendum, citées par les auteurs et antérieures au xiie siècle, n’ont pas des attestations très certaines ; mais on n’en a pas moins des dispenses ad faciendum, de véritables dispenses par conséquent, dès une époque assez reculée. Nous ne savons toutefois si l’on peut donner à juste titre le nom de dispen se à des atténuations de peine prévues et voulues par les conciles dans certaines conjonctures déterminées, car l’exemption de peine n’est pas alors purement et simplement le fait d’un supérieur, mais une disposition légale dont l’usage est remis à l’arbitre de l’évêque. Voir concile d’Ancyre, can. 2, Bruns, Canones et concil. , t. i, p. 66 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 303. On doit certainement le donner à certains actes comme ceux de Gélase permettant aux évêques de Lucanie d’élever à la cléricature, vu les circonstances présentes, et la loi contraire demeurant toujours en vigueur, des personnes qui légalement n’eussent pas été promues, dist. LV, c. 1, ou de Pelage II accordant l’élévation au diaconat, vu son âge et les malheurs des temps, d’un veuf qui avait eu dans sa viduité des relations illégitimes, dist. XXXIV, c. 7 ; à celui de saint Grégoire le Grand concédant aux Anglo-Saxons nouvellement convertis, et tant que leur christianisme serait de trop fraîche date, de pouvoir contracter mariage dans les degrés prohibés au delà du quatrième degré. Can. 20, caus. XXXV, q. II. Enfin, un demi-siècle à peine après saint Grégoire, l’un de ses successeurs, Martin I er, énonçait la théorie elle-même de la dispense ad faciendum : Novit enim canon af/Hctorurn temporum persecutionibus veniam tribuere, in quibus conlemptus non præcessit, prsevaricationem redarguens, sed angusliamagis etpenuria, quæ profiter necessitatem ex misericordia cogit multam diligentiam prælermitlere. P. L., t. lxxxvii, col. 159.

En dépit de ces principes, on ne dispensait qu’avec peine. Non pas que l’on eût des scrupules touchant la légitimité des dispenses en général : il y avait longtemps que saint Cyrille d’Alexandrie en avait donné cette théorie : de même qu’en mer, quand le vaisseau est en danger, on le soulage en jetant quelque chose afin de conserver le reste, de même dans les affaires du monde, quand on ne peut tout sauver, on abandonne quelque chose pour ne pas tout perdre. Epist., lvi, P. G., t. lxxvii, col. 319. Cf. caus. I, q. vii, c. 16. — Mais l’Église ayant en mains le pouvoir de se faire obéir préférait, à moins qu’il ne s’agît de besoin évident, urger l’observation de ses lois, plutôt qu’en donner dispense, cf. le c. 20, De elect., surtout les partes decisx. Aujourd’hui, en présence d’un mariage nul, par exemple, la première pensée est de le valider par une concession de dispenses ; autrefois la première pensée était de faire examiner l’affaire par un évêque ou par un concile s’il restait quelque doute et, ensuite, d’imposer la séparation.

Il va de soi que, simplement considérée comme un acte nécessaire d’administration, la dispense était accordée, quand on s’y croyait tenu, par tous les évâques. L’évêque, qui veillait à l’observation de la loi, et non seulement de sa loi strictement diocésaine ou provinciale, mais de toute la loi ecclésiastique, fût-elle imposée par un concile général ou par un pape, se croyait le droit d’en dispenser ses diocésains. La théorie minutieuse et complète du pouvoir de dispenser n’était pas faite et, dans les cas communs, imprévus et urgents, on n’avait guère la possibilité d’attendre laErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.