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EMPÊCHEMENTS DE MARIAGE


ment célébré, lorsque intervient une dispense légitime.

La dispense, en général, est l’exemption de l’obligation de la loi, faite en faveur d’une personne déterminée dans un cas particulier, ou pour un temps défini, par le législateur lui-même ou par son délégué. Voir col. 1120. Ainsi donc l’autorité ecclésiastique, qui a porté les empêchements de mariage, sans abroger la loi qui les a établis, exempte, dans des cas particuliers, les sujets de cette loi, dont le mariage aurait été, sauf dispense, rendu invalide ou illicite par suite de l’existence d’un empêchement dirimant ou prohibant.

2° Histoire. — Il est incontestable que, dans les premiers siècles, l’Église usa parcimonieusement des dispenses vis-à-vis des lois matrimoniales, comme d’ailleurs vis-à-vis de ses propres lois en général, car les pontifes romains se proclamaient impuissants à délier des canons ecclésiastiques, comme étant leurs gardiens et leurs défenseurs, et non leurs transgresseurs : eanones ecciesiaslicos solvere non possumus, quidefensores et custodes canonum sumûs, non transgressores. Martin I er, Epiai., ix. Voir Thomassin, Ancienne el nouvelle discipline de l’Église, i. ii 1. III, c. xxv, n. 9 ; Riganti, Comment, in reg. 49 Cancellarise « puai. — Cependant cette exclusion des dispenses n’était pas absolue ; comme, jusqu’au xn-ie siècle, le pouvoir d’établirdes empêchements n’était pas encore cause majeure réservée au souverain pontife, les évéques purent, aussi bien que porter des lois particulières touebant le mariage, user du droit de dispenses. Voir, par exemple, le canon 30e du concile d’tpaone, en 517, et les canons II et 12 du 111° concile d’Orléans, en 538. Voir Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1908, t. iii p. 1040-1041, 1134.

A quelle époque les pontifes romains commencèrentils à accorder des dispenses en matière d’empêchements de mariage ? Certains auteurs veulent que le pape Innocent III ait, le premier, au xne siècle, dispensé, en faveur du roi Othon IV, de l’empêchement de. consanguinité au 5° degré, et cela, avec les plus grandes difficultés et pour de très graves motifs, imposant en outre, à titre de compensation, de construire deux monastères, de distribuer des aumônes et de faire réciter des prières dans tout le royaume. Cf. Ch. Lupus, ad can. 2 cane. Rem., p. 4. Mais, si nous nous en rapportons à Innocent III lui-même, c. 13, tit. xiii, De rest. spot., 1. II, il apparaît que d’autres pontifes, avant lui, usèrent de ce droit des dispenses matrimoniales : //( gradibus consanguinitatis divina lege prohibais reslitulioni aditus (quando conjuges erant separati) prsecludatur ; sed constitutione interdictio humana, restitutio locmn liabcat cum efjectu : cum in iltis dispensari non possit, el in islis valeal dispensari : sicut B. Gregorius et mulli alii dispensant » t. Par ce B. Grégoire faut-il entendre Grégoire le Grand, dont la lettre à saint Augustin, apôtre des Angles, contiendrait une véritable dispense du mariage ? La chose est très discutée, el paraît peu probable. Cf. Gasparri, op. cit., n. 321. Quoi qu’il en soit, Grégoire II, dans sa lettre à saint Boniface, apôtre des Germains, lui octroyé clairement la faculté, qu’il dénomme un privilège, de permettre aux Germains de contracter entre eux, après la quatrième génération. On peut voir d’autres exemples de dispenses matrimoniales, spécialement pour l’empêchement de profession solennelle et d’ordre sacré, dans Antonio Sandini, Vilse pontificum romanorûm, Padoue, 1739 : c’est ainsi qu’il rapporte, mais sans aucun fondement, que Benoit IX, ou Clément II, donna la permission de se marier à Casimir Misecon II, fils du roi de Pologne, qui avait déjà émis des vœux solennels, et même reçu l’ordre sacré du diaconat, au more de Cluny ; il cite également la dispense accordée, par Alexandre III, à Nicolas Justinien, de sortir du monastère pour contracter mariage, et pouvoir ainsi

perpétuer l’illustre famille vénitienne des Justiniani. Pour l’histoire des dispenses, on peut encore consulter Wernz, Prselectiones jxris Decretalium, t. iv, n. 610 ; Leitner, Elierecht, p. 404 ; et surtout Stiegler, cité plus haut, col. 1440.

3 » Pouvoir de dispenser. — Lorsqu’on étudie la question des dispenses matrimoniales, il y a lieu de se demander d’abord à quel supérieur ecclésiastique il faut avoir recours pour obtenir la dispense de tel ou tel empêchement. Or, le pouvoir de dispenser des empêchements de mariage, comme de toute loi ecclésiastique en général, est de deux sortes : le pouvoir ordinaire et le pouvoir délégué. Le pouvoir ordinaire qui appartient en propre, à titre permanent, et en vertu de la charge à laquelle il est de droit attaché, est exercé, en matière de dispenses matrimoniales, ainsi que d’ailleurs en matière d’empêchements, voir col. 2453, par le souverain pontife seul ou le concile général. Le pouvoir délégué, qui appartient à l’inférieur en vertu d’une commission, octroyée par le supérieur, voir DÉLÉGATION, est exercé, en matière de dispenses matrimoniales, par les évéques, au nom du souverain pontife.

I. Pouvoir tht souverain pontife.

Dans tous les empêchements de mariage, de droit ecclésiastique, soit dirimants, soit prohibants, le pontife romain, seul, ou avec le concile général, a le pouvoir de dispenser. Ce droit ordinaire et propre découle, en effet, certainement du primat, et repose sur une pratique constante, ainsi que nous l’avons vu en étudiant le pouvoir d’établir les empêchements. Aussi bien le concile de Trente, sess. xxiv, can. 3, a-t-il condamné ceux qui dénient à l’Eglise le pouvoir de dispenser dans plusieurs des degrés exprimés au Lévitique, c. xviii ; car, la loi divine cérémoniale et judiciaire étant abolie, il est incontestable que plusieurs des empêchements ci-désignés sont simplement de droit ecclésiastique.

Cependant il existe certains empêchements vis-à-vis desquels le souverain pontife n’use jamais, ou use très rarement, de son pouvoir de dispenser. Ces empêchements sont, entre autres : la clandestinité, le rapt, l’ordre sacré, le vœu solennel, l’affinité du premier degré en ligne directe provenant de relations licites, la consanguinité du premier degré en ligne collatérale, le crime résultant du conjugicide public. Voir cesmots.

Par un décret du 7 mars 1910, la S. C. des Sacrements a décidé que tous les empêchements de mariage, dirimants ou prohibants, concernant les rois et les princes de race royale, sont spécialement réservés au Siège apostolique. Acta apostolicæ sedis, 1910, t. H, p. 147.

Le souverain pontife a coutume d’exercer son pouvoir de dispenser, dans les empêchements de mariage, par l’organe des Congrégations ou des Tribunaux romains. Avant que n’ait paru le nouveau règlement (’dite par ordre de Pie X, le 29 septembre 1908, il y avait deux Offices principaux et ordinaires au ministère desquels le souverain pontife faisait appel pour accorder les dispenses matrimoniales, à savoir : la Daterie pour les empêchements publics et au for externe ; la S. Pénitencerie pour les empêchements occultes et au for interne, ou de la conscience, ainsi que, en vertu d’une concession spéciale, et concurremment avec la Daterie, pour les empêchements publics et au for externe, mais seulement en faveur des pauvres. Or, à dater du 3 novembre 1908, tandis que la S. Pénitencerie conserva tous ses pouvoirs pour les dispenses au for interne, vis-à-vis des empêchements occultes, la Daterie fut remplacée, pour la concession des dispenses au for externe, par la S. C. de la discipline des. Sacrements. A cette Congrégation furent confiés tous les pouvoirs qui jusque-là étaient exercés par les autres Congrégations, Tribunaux et Offices de la Curie romaine, touchantla disciplinedu mariage, commelesdis