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EMPÊCHEMENTS DE MARIAGE

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clique Arcanum ; sans omettre plusieurs décisions des Congrégations et tribunaux de la Curie romaine, par exemple, de la S. Pénitencerie, à l’évêque de Viviers, 1 er juin 1824, et à l’évêque d’Annecy, 7 avril 1826. Cf. Feije, op. cit., p. 17-39. D’ailleurs, la raison intrinsèque, tirée de la nature même du mariage, suffit à démontrer clairement cette doctrine touchant le droit exclusif de l’Eglise dans la législation des empêchements. En effet, étant donné que le mariage n’est pas un contrat purement civil et naturel, mais un contrat qui a été’élevé par le Christ à la dignité de sacrement, en sorte que cette formalité de sacrement ne puisse être réellement séparée de la raison de contrat, il suit de là que la puissance civile ne saurait s’immiscer dans une législation pouvant atteindre le mariage lui-même, ou les conditions essentielles du contrat. Cf. Billot, De Ecclesix sacramentis, t. ii p. 435 sq.

Cependant l’État est-il exclu de la législation matrimoniale à ce point qu’il ne puisse d’aucune façon s’occuper d’un contrat qui pourtant intéresse si vivement l’ordre public et l’avenir de la société ? Avec Léon XIII, encyclique Arcanum, § Eoque magis, il faut répondre que, si l’État n’a pas le pouvoir de légiférer sur l’essence même du contrat matrimonial, il a toutefois le droit de régler les conséquences du mariage et les ellets, d’ailleurs séparahles du contrat, pour ce qui regarde le genre civil et l’ordre temporel : Item non ipsa (Ecclesiu) ignorai neque diffitetur sacramentum niatrimonii, cumad conservai ionem quoque et incrementum suciclatis liumanee dirigatur, cognalionem el nécessitaient liabere cum rébus ipsis humants, quai matrimonium quideni consequuntur, sed in génère civili versantur : de quibus rébus jure decemunt et cognoscunt qui rei publias prsesunt. Les effets du mariage sont de deux sortes : les uns essentiels et inséparables du contrat matrimonial : comme l’obligation de cohabiter, l’autorité paternelle sur les enfants, et la légitimité des enfants ; les autres civils et séparables du contrat : comme les diverses obligations matérielles dans lesquelles les époux peuvent, l’un ou l’autre, s’engager ; le droit de l’épouse et des enfants à participer aux biens, dignités et titres du mari ou du père ; le droit de succession familiale, les questions de dot, etc. Or, si le pouvoir civil n’a aucun droit direct touchant les effets essentiels du mariage, il possède un droit absolu à s’occuper des effets civils du contrat, et à établir une législation qui en fixe les conditions, de manière qu’il puisse, pour de justes motifs, octroyer les privilèges temporels à certains mariages et les refuser à d’autres, Bien plus, les lois civiles de cette nature obligent en conscience, parce qu’elles émanent de l’autorité compétente et intéressent vraiment le bien public.

Que penser, en outre, d’une législation civile qui, dépassant les limites de sa compétence, irait jusqu’à établir directement les conditions de validité ou de licéité du mariage lui-même, et cela, sous peine de privation des ellets et privilèges de l’ordre temporel ? Nous répondrons avec Xoldin, De sacramentis, 1. VIII, De malrimonii), q. i, a. 5, n. 517, que, si de telles lois ne prescrivent rien qui soit injuste ou immoral en luimême, non seulement les fidèles peuvent licitement s’y soumettre, mais on doit même les engager à y obéir, non qu’elles les obligent directement en conscience, mais parce qu’elles peuvent les obliger indirectement, ex carilate, par charité envers eux-mêmes et envers leurs enfants, qu’il importe de ne point priver des droits et ellets civils du mariage. Cf. Santi-Leitner, Decretaliunt Gregorii IX, 1. IV, lit. i, n. 106.

; >. Il appartient à la puissance civile de constituer des

empêchements dirimants et prohibants vis-à-vis du mariage des infidèles, pourvu toutefois qu’ils nesoientpas contraires au droit naturel. Telle est l’opinion aujour d’hui assez commune, qu’il importe cependant de bien établir dans ses limites.

Tout d’abord, il est incontestable que l’Église ne jouit d’aucune autorité en cette matière, puisque les infidèles ne sont point ses sujets, et que le mariage des non-baptisés n’est pas un sacrement. Cf. Décret., 1. IV, lit. xix, De ilivorliis, c. 8. L’Etat, seul, peut donc être qualifié pour légiférer sur cette question, étant donné que les infidèles n’en sont pas moins ses sujets, dans l’ordre civil.au même titre que les fidèles baptisés. Mais, en fait, a-t-il le droit d’établir des empêchements proprement dits, soit dirimants, soit prohibants, touchant le mariage lui-même ? Deux opinions se trouvent en présence. La première est négative, avec Perrone, op. cit., 1. II, c. ni ; Liberatore, Inst. et hic., part. II, c. I, a. 4 ; Taparelli, . S’ao-gio theorciico, n. 1113 sq. ; Zigliara, Summa philosophica, t. iii, p. 168 sq. ; Van der Moeren, De sponsalibus et malrimonio, p. 83, etc. ; et s’appuie sur le principe que le mariage est, au point de vue même du droit naturel, et à part la formalité du sacrement, un contrat sacré et religieux, loin d’être un simple contrat profane, ainsi que le proclame Léon XIII dans son encyclique Arcanum : Matrimonio inesl sacrum et religiosum quiddam non adventilium, uni ingenitum, non ab hominibus acceplum, sed natura insilum. — Matrimonium est sua vi, sua natura, sua spoule sacrum. En outre, les raisons d’autorité externe ne font point défaut à cette opinion, par exemple, l’argument tiré de fienoit XIV, const. Singulari nobis, 9 février 1749. Cf. Santi-Leitner, loc. cit. ; Gasparri, loc. cit., ri. 298 sq. La seconde opinion est affirmative, avec un grand nombre de théologiens et de canonisles, tels que, parmi les anciens, S. Alphonse, Theol. moral., 1. VI, n. 981 ; Pirhing, Décrétai. Gregorii IX, 1. IV, tit. i, n. 107 ; Schmalzgrueber, op. cit., 1. IV, tit. i, n. 367 ; Sanchez, op. cit., 1. VII, disp. III ; Fagnan, Décrétai. Gregorii IX, 1. IV, tit. i, c. i, n.6 ; et parmi les modernes, d’Annibale, Sumniula theologise moralis, part. III, n. 425 ; Santi-Leitner, op. cit., 1. IV, tit. i, n. 107 ; Cavagnis, Inst. jur. publ. écoles., 1. II, n. 184 sq. ; Gasparri, op. cit., n. 290 sq. ; Wernz, Décrétai. Gregorii IX, 1. IV, tit. i, n. 75 sq. ; Xoldin, loc. cil., n. 561, etc. Cette opinion a pour elle des décisions assez précises de la S. C. de la Propagande, 80ctobre 1631 et 26 juin 1820, avec l’Instruction qui y est adjointe, et du tribunal du Saint-Office, 29 octobre 1739 et 20 septembre 1854. Cf. Gasparri, loc. cit., n. 293 sq. La raison vient en outre fournir un argument de principe qui a sa valeur : c’est que l’État doit être muni de tous les moyens sociaux et de tous les pouvoirs que nécessite le bien commun de la société civile, dans la sphère où il n’entre pas en conllit avec la société spirituelle qui est l’Eglise ; or, dans l’hypothèse du mariage des infidèles, il semble que le pouvoir d’établir des empêchements dirimants ou prohibants soit véritablement exigé par le bien commun de la société civile, sans que l’Église puisse rien prétendre, puisque le baptême n’est pas venu ouvrir les portes de sa juridiction.

Pour conclure, il appert bien que la seconde opinion s’élaye sur des arguments plus solides et puisse être tenue pour plus probable, à une condition cependant, c’est qu’on ne reconnaisse pas dans l’État, même vis-àvis des infidèles, ses sujets, un droit « propre et originaire » à légiférer sur le mariage, qui n’en est pus moins, de sa nature et en dehors du sacrement, une chose sainte et sacrée. Aussi bien, dirons-nous avec S ; mli-Leitner, loc. cit., n. 107, que ce pouvoir d’instiluer des empêchements pour le mariage des infidèles, ses sujets, l’État ne l’exerce qu’à un titre « dévolutif », savoir, pour suppléer le pouvoir ecclésiastique, qui, quoique né pour administrer les choses religieuses, et le mariage en particulier, ne peut s’actualiser, dans l’espèce, à cause de la non-vérilication du baptême. Ce